En juillet dernier, le Conseil d’État annule la déclaration d’utilité publique (DUP) de la ligne très haute-tension reliant Boutre (au sud de Gréoux) à Broc-Carros (près de Nice). Cette ligne de 400 000Volts devait traverser les gorges du Verdon, site classé. La décision, très controversée, a satisfait les associations de protection de l’environnement, les riverains et des collectivités locales, beaucoup moins les organisations syndicales, le Conseil régional et RTE, le gestionnaire du réseau électrique et filiale d’EDF.
« Dans l’attente de solutions à long terme qui restent à définir, RTE exercera une vigilance extrême pour faire face aux situations tendues qui vont être rencontrées, et éviter dans la mesure du possible toute coupure de grande ampleur. » (communiqué de presse, 7 juillet 2006) Côté Conseil régional, Karim Ghendouf regrette, le 23 septembre à Gardanne : « On est resté sur de la démagogie dans ce dossier. Le résultat, c’est qu’il y aura une centrale à gaz dans l’Est de la région, avec un bilan environnemental catastrophique. » Enfin, la CGT souligne la menace d’une panne de grande ampleur : « Au regard de l’augmentation de la consommation, de l’état actuel du réseau de transport et des possibilités de moyens de production supplémentaires, la garantie d’alimentation d’électricité de la région Paca ne sera plus assurée. »
Une région mal approvisionnée
Or, la situation énergétique de la région Paca est problématique, voire inquiétante. En pointe (hiver en période de chauffage, mais aussi en été avec le recours massif à la climatisation), la région consomme jusqu’à 4300 MW, alors qu’elle n’en produit qu’environ 1600 MW en comptant Fos, Gardanne et les barrages hydroélectriques sur la Durance et le Verdon. Tout le reste est importé de la vallée du Rhône par une ligne très haute-tension qui passe près d’Avignon.
Que cette ligne doive être mise hors tension (dans le cas d’un incendie, de chutes de neige ou de vent violent), et plusieurs centaines de milliers de foyers seraient privés d’électricité. La dernière fois que cela s’est produit, c’était le 6 mai 2005. La situation est particulièrement préoccupante pour la Côte d’Azur, de Toulon à Menton, où la consommation monte en pointe à 1 200MW.
Reste à savoir en quoi cette nouvelle donne joue sur l’avenir de la centrale thermique de Gardanne, où les incertitudes sur la construction d’un nouveau groupe de 400MWau gaz ne sont pas levées. Nadir Hadjali, délégué CGT à la centrale thermique de Gardanne, constate : « Endesa annonce trois problèmes pour la construction d’un nouveau groupe : la Drire demande une nouvelle étude d’impact sur l’environnement, qui doit être bouclée pour février prochain. RTE exige 48 mois de délai pour raccorder le futur groupe au réseau électrique national, suite à l’abandon de la ligne Boutre-Carros, car il serait impossible d’ajouter 400MW de production sur le réseau actuel. Et enfin, un gazoduc de 12 km devrait traverser les communes de Bouc-Bel-Air et de Cabriès, qui, pour l’instant, refusent son implantation. »
Le LFC victime du gaz ?
Le groupe 5 de 600MW, dont les travaux de mise aux normes sont actuellement en cours, n’inspire en revanche pas d’inquiétude particulière : « la dépollution est financée à 75 % par EDF et à 25 % par Endesa, souligne Nadir Hadjali. Et ce groupe est plus que rentable. Ce n’est pas le cas du groupe 4 à lit fluidisé circulant (LFC), qui arrive en fin de vie et sur lequel on ne fait plus de maintenance préventive, uniquement du curatif. S’il est abandonné, est-ce qu’on ne va pas créer un groupe de 400 MW au gaz en en supprimant un de 250 au charbon ? »
L’an prochain, les deux tranches de la centrale seront arrêtées alternativement pour une révision décennale : le groupe 5 au printemps, le groupe 4 en été. « Là aussi, on minimise le temps d’arrêt des tranches pour la révision, une quinzaine de jours au lieu de six semaines. Sur le site de Gardanne, on en est à 23 accidents en un an, essentiellement à cause de la précipitation et des délais trop courts. »
Au-delà, la CGT pointe les conséquences de la privatisation du secteur de l’énergie : « on le voit avec les difficultés pour nous raccorder au réseau électrique, avec le fait que la modernisation de la voie ferrée ne tient pas compte du fret, et aussi dans la perte de savoir-faire dans l’utilisation du charbon, avec l’abandon de la recherche fondamentale. »
Les grandes manoeuvres de l’électricien allemand E.ON, qui a lancé une offre publique d’achat sur 100 % du capital d’Endesa (OPA approuvée le 21 novembre par le conseil d’administration du groupe espagnol), et qui espère aboutir début 2007, vont-elles encore changer la donne ? Le changement de nom commercial (celui sur lequel est faite la publicité) de la SNET en Endesa France le 11 décembre n’est peut-être pas le dernier...