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Suppression de la taxe professionnelle : les communes asphyxiées Energies 311 - Bruno Colombari

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C’est un impôt que les Français connaissent mal, puisqu’il est payé par les entreprises aux collectivités locales. Discutable dans ses modalités de calcul, il est pourtant indispensable à la bonne santé des communes. L’annonce de la suppression de la taxe professionnelle par Nicolas Sarkozy le 5 février a amené les élus locaux à réagir et à alerter l’opinion publique. Dans ce dossier, découvrez les dessous de la TP, ce qu’en pensent les élus des villes, départements et régions et quelles conséquences sa suppression pourrait avoir sur la vie quotidienne à Gardanne.

La taxe professionnelle existe depuis juillet 1975 (créée par le gouvernement dont Jacques Chirac était premier ministre) et l’on parle de la supprimer depuis janvier 2004 (selon le voeu du Président de la République... Jacques Chirac). Entre temps, elle a fait l’objet de 68 textes de loi. C’est l’un des quatre impôts locaux perçus par les collectivités territoriales (villes, départements, régions), mais à la différence des taxes foncières sur le bâti et le non-bâti et de la taxe d’habitation, ce sont les entreprises qui paient la taxe professionnelle.

La base de calcul est composée de la valeur des locaux, des équipements et biens mobiliers (matériel, machines) et d’une partie des recettes des professions libérales employant moins de 5 salariés. Depuis dix ans, la masse salariale a été progressivement retirée de cette base, car elle pénalisait les entreprises qui créaient des emplois. A Gardanne, le taux communal a été fixé à 28,03 % (le plafond s’établissant en 2009 à 31,60 %). Un taux certes élevé, mais qui n’empêche pas la présence de 1 414 entreprises sur la commune (dont 1 011 ont payé la TP l’an dernier).

La Ville demande donc, par le biais de la taxe professionnelle, aux entreprises de participer au financement d’équipements dont elles bénéficient par ailleurs : réseaux, voirie, bassins de rétention, écoles, logements, gymnases, médiathèque... Il semble donc juste, même si le calcul de la taxe professionnelle pourrait être amélioré, qu’il y ait un lien direct entre une entreprise et la ville qui l’accueille. D’autant que bien souvent, la seconde est une cliente de la première, leurs intérêts sont donc liés.

Les entreprises participent au financement d’équipements dont elles bénéficient par ailleurs

En 2007, la taxe professionnelle a rapporté 15,7 millions d’euros à Gardanne, soit environ 72 % des recettes fiscales. Autrement dit, si la taxe professionnelle devait être supprimée sans compensation, il faudrait augmenter la taxe d’habitation payée par tous les foyers, et la taxe foncière dont s’acquittent les propriétaires, de... 255 %. Impensable, quant on sait que notre ville compte près d’un foyer sur deux non imposable, un salarié sur cinq et un retraité sur quatre dans la tranche la plus basse des impôts sur le revenu, et 500 familles relevant de l’aide sociale.

Outre la question de l’énorme manque à gagner pour les collectivités territoriales (l’équivalent de 18 milliards d’euros une fois déduite la part reversée par l’État, et non pas 8 milliards comme l’a annoncé un peu vite le président de la République) et de ses conséquences sur l’activité économique (71 % des investissements civils publics en France sont faits par les collectivités territoriales, bien plus que l’État lui-même), la suppression de la taxe professionnelle pose une question juridique  : dans son article 72-2, la Constitution affirme que “les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.” Mais aussi ceci : “Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources.”

En clair, l’État ne peut pas être le principal financeur des villes, des départements et des régions, qui perdraient ainsi leur autonomie. C’est pourtant ce qui est annoncé, avec la compensation de la taxe professionnelle par le produit d’une hypothétique taxe carbone.

Remplacer une rentrée d’argent liée à l’activité économique locale par une ressource qui irait en diminuant

La taxe carbone, c’est un peu l’arlésienne du Grenelle de l’environnement : elle revient périodiquement, sans que ses modalités d’applications ou son impact réel ne soient vraiment mesurés. Le principe est le suivant : cette taxe, payée en partie pour deux tiers par les entreprises, le reste par les consommateurs, s’appliquerait aux produits en fonction de leur contenu en dioxyde de carbone, le CO2. On estime qu’elle ferait rentrer dans les caisses de l’État environ 8 milliards d’euros par an. 8 milliards ? Ça tombe bien, c’est justement l’estimation, par Nicolas Sarkozy, du coût de la suppression de la taxe professionnelle  !

Connaissant l’approximation présidentielle pour les données chiffrées, mieux vaut être prudent. D’autant plus que cette taxe, comme celles bâties sur le principe du “pollueur-payeur”, a vocation à rapporter de moins en moins au fur et à mesure que se généralisent les économies d’énergies. Autrement dit, on remplacerait une rentrée d’argent liée à l’activité économique locale par une ressource distribuée par l’État et qui irait en diminuant. Comment s’étonner ensuite de la réaction de rejet des élus locaux ?