Portrait

René Vespini, un parmi cinquante Energies 342 - Bruno Colombari

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En septembre 1944, cinquante jeunes Gardannais s’engagent dans les commandos Courson à Aix. Avec six cents autres volontaires, ils forment le bataillon FFI de Provence et combattent dans les Vosges, le Jura et en Alsace. Parmi eux, un jeune de vingt ans qui deviendra un des dirigeants historiques du Biver Sports, René Vespini. Nous l’avons rencontré.

Pour René Vespini, le commando de Courson, c’est un flot de souvenirs qu’il s’agit de remettre dans l’ordre parmi des photos sépia, des coupures de journaux et des papiers militaires ornés d’une écriture microscopique. C’est aussi une liste, celle des cinquante Gardannais qui comme lui, se sont portés volontaires dans les tous premiers jours de septembre 1944 pour chasser l’occupant du territoire, et pour gagner la guerre.

Sur cette liste, il coche d’un trait les disparus à droite de leur nom, et d’une astérisque à gauche ceux dont il sait qu’ils sont encore vivants. Ces derniers ne sont plus que sept, même si René reconnaît volontiers qu’il a perdu le contact avec quelques uns d’entre eux. « Il y en a même que je ne connais pas. »

Lui n’avait que vingt ans en 1944, et le 16 août dernier, il était le seul des cinquante aux cérémonies de la Libération, devant la stèle du square Veline. Ce jour-là, ses pensées et ses mots étaient allés à ses camarades disparus, Charles Vaccaluzzo, Arthur Manouelian, Yvon Ollivier et Étienne Parisi, un des premiers tués dans les Vosges.

Bivérois depuis toujours, René a commencé à travailler à quinze ans en octobre 1939 alors que la deuxième guerre mondiale vivait ses premières semaines. « J’ai été embauché à la mine comme coursier, après je suis devenu comptable payeur. Pour échapper au STO, je suis descendu au fond en octobre 1943. Mais je voulais tellement prouver que ce n’était pas une planque que je me suis fait mal, et j’ai dû porter une ceinture abdominale. Du coup, quand j’ai voulu m’engager à la libération, on ne voulait pas me prendre à la visite médicale. Alors j’ai enlevé la ceinture, je l’ai jetée au loin, et finalement on m’a pris. »

René voulait combattre, mais il est incorporé comme infirmier, lui qui n’avait jamais fait de piqûre. « Je me souviens qu’au fort du Salbert, un peu avant Belfort, un homme était blessé. J’ai pris son fusil pour tirer sur les Allemands, mais un officier m’a dit de poser l’arme et de m’occuper du blessé. Il a fallu le remonter, avec un brancard, dans la neige, le long d’une pente raide. » La neige qui gelait les pieds des Provençaux, mais qui les a sans doute sauvés : « les routes étaient minées, mais avec l’épaisseur de neige qu’il y avait, les chars passaient dessus sans problème.  »

Là où René a vu la mort le plus près, c’est sans doute à Belfort en novembre 1944 : « les Allemands nous tiraient dessus au bazooka. Dans les rues, le brancard nous servait de bouclier, et le brassard rouge ne nous protégeait pas des balles. On a été bien accueilli par les habitants, pour eux on était des libérateurs. Dans la famille qui m’hébergeait, il y avait trois filles, je les appelais mes soeurs. »

En janvier 1945 à Cernay, le service médical est attaqué. « Mon médecin m’a sauvé la vie, il n’avait pas voulu que je parte ce jourlà. Il y a eu des tués et des blessés, dont Mathieu Lazzarini, qui a été amputé d’une jambe. »

Le 8 mai 1945, jour de la capitulation allemande à l’Ouest, René est en permission chez ses parents à Gardanne. « Ils ne voulaient pas que j’y retourne. Mais je leur ait dit que si je restais, je serais un déserteur ! » Alors il est reparti près du lac de Constance. Il faudra attendre janvier 1946 pour qu’il soit enfin démobilisé.

Le 15 août suivant, il rencontre Marie, 15 ans, qui deviendra sa femme et avec qui il vit toujours dans sa maison à Biver. « Je suis allé lui souhaiter la bonne fête, et on ne s’est plus quittés. »