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Lycée Fourcade : ambition réussite ! Energies 405 - Jeremy Noé

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Le lycée Marie- Madeleine- Fourcade, 1350 élèves en formation initiale, a décroché un taux de réussite au baccalauréat 2013 de 95,1 %, se classant deuxième du département. Le signe d’élèves et enseignants en très bonne santé ! Rencontre avec son proviseur, qui dévoile sa recette éducative.

QUATRE-VINGT QUINZE VIRGULE UN POUR CENT. Ce n’est pas le degré de cacao d’un chocolat expérimental, mais tout simplement le taux de réussite au Baccalauréat 2013 du lycée Marie-Madeleine- Fourcade de Gardanne. Ce qui en fait le deuxième établissement public du département derrière le lycée Thiers à Marseille. Un joli score qu’on aurait vite fait de mettre sur le compte d’une population plutôt favorisée (le lycée prend ses élèves à Fuveau, Gréasque, Simiane, et Gardanne), du propre aveu de son nouveau proviseur, Élisabeth Portigliatti.

Mais cette ex-prof de maths, qui s’est fait les dents dans les quartiers Nord de Marseille, n’est pas prête de s’endormir sur ses lauriers. S’appuyant sur une équipe éducative très investie, Madame le Proviseur, armée d’un optimisme à toute épreuve, entend tout faire pour tirer ses élèves vers le haut. Vers les 100% ? Terminales ES : 93,8 % de réussite. Terminales S : 96,1 % (dont une TSSI à 100%). Terminales STG, 97,1%. Terminal L : 100%...

Élisabeth Portigliatti – taille de basketteuse, look de business-woman dans la mode, très décontractée et avenante– égrène tous ces chiffres avec le sourire. Ses « gamins » comme elle le dit, ou « minots » quand son passé au sein des quartiers Nord de Marseille refait surface, ont cassé la baraque au Bac 2013. Sur 371 élèves présentés, 353 l’ont décroché.

« Bien sûr que je suis ravie ! D’autant que sur toutes les filières on est deuxième, il n’y en a pas une où ça n’a pas marché. » Pour autant, Élisabeth a la victoire modeste : « Je suis arrivé il y a deux ans de ça au lycée, il y avait déjà beaucoup de choses mises en place, on ne m’a pas attendue. Et je sais d’où viennent ces résultats : chez les enseignants, il y a une dynamique omniprésente, et l’envie de toujours faire mieux. Ils sont très bienveillants et accompagnants, je peux le dire haut et fort ! »

CERTES, LE LYCÉE EST PLUTÔT BIEN LOTI. Elle ne le dira jamais comme ça, mais on sent que les élèves d’Élisabeth, à côté de ceux qu’elle a pu connaître ailleurs, sont un peu des pâtes. « Je suis une proviseur heureuse ici. Quand je passe dans les couloirs ils disent bonjour, ils sont souriants... un jour vous venez, vous passez une journée, vous verrez ! J’ai bien eu à gérer deux bagarres, mais quand j’ai raconté ça à mon père, 87 ans, il m’a dit que c’était rien, on s’était toujours bagarré, même à son époque... »

En somme, le lycée dispose d’une « bonne matière première, » que des outils –communs à tous les lycées – permettent d’exploiter au mieux. Il y a les classes à projets, qui bénéficient de nombreux partenariats avec le camp des Milles, avec les Restos du coeur et l’initiative municipale Citoyens solidaires, avec le camp d’Auschwitz, avec la médiathèque sur le prix littéraire des lycéens, ou encore avec le musée Granet. « Ces projets donnent du sens à l’apprentissage, lient la classe. »

Il y a aussi les voyages à l’étranger, qui forment la jeunesse (Angleterre, Rome et Naples pour les latinistes, Venise avec le Foyer socio-éducatif pendant les vacances, Espagne...) ou tout simplement, juste avant le bac, en sortie géologie, avec des conférences, de quoi ravir les séries S. On se souvient aussi, l’année dernière, d’une super rencontre avec Alain Graeff, ambassadeur en Libye, au Liban, en Iran, venu expliquer les affres de la diplomatie internationale au cours d’une rencontre que des étudiants à Science Po n’auraient pas reniée. Sans parler de tous les clubs : théâtre, journal, musique...

MAIS PAS QUE. Élisabeth est une fervente défenseur de l’individuation de la pédagogie, au coeur de la réforme des lycées. « C’est quelque chose que je retiens de mon passage à Marseille. La vie de la cité qui déborde dans l’établissement, quand il faut faire sortir un gamin de prison pour lui faire passer des épreuves... Il n’y a pas plus riche comme parcours individualisé ! »

Le lycée Fourcade teste ainsi plusieurs dispositifs expérimentaux. Il y a d’abord ce repérage des élèves de seconde, potentiellement décrocheurs : « D’emblée en les prend en entretien. En fonction de ce qu’ils nous disent, de ce que les enseignants ont repéré, on met en place un suivi particulier. Ça peut être un travail sur l’orientation, ça peut être un problème de méthodologie, ça peut être de l’approfondissement pour les meilleurs, ou du soutien pour ceux en difficulté... et dès fin novembre on identifie ceux qui ont encore besoin d’aide, ceux qui vont avoir besoin d’autres solutions, toutes sortes de choses qui font qu’on essaie de les raccrocher au train le plus vite. »

De même, et toujours à titre expérimental (sur trois classes) un Livret du lycéen sert de support à quatre entretiens “étape” d’une demi-heure dans l’année entre un élève et son tuteur : prof, assistance sociale, infirmière... voire Madame le proviseur elle-même. « Et ils aiment bien ça, ils sont très demandeurs. Ils ont besoin de ce rapport individuel à l’adulte. Ca change le regard. Y compris le notre. On ne les regarde plus pareil dans la cour, ça crée le petit truc qui fait qu’il ne s’agit plus d’élèves lambda. »

ENFIN, ne parlez pas à Élisabeth Portigliatti de jeunesse à la dérive, noyée dans la fumette, l’alcool, et névrosée d’avoir à subir les problèmes des adultes (chômage, éclatement des familles...). Si ces problèmes existent, ce n’est ni plus, ni moins qu’ailleurs, et pas dans les proportions qu’on veut parfois le faire croire dans les reportages à sensation.

« Je ne suis pas du tout pessimiste sur l’avenir de nos jeunes ! Je trouve que ceux que je reçois sont des “bons” jeunes, vraiment. A nous de les aider à être encore mieux, mais quand ils nous arrivent, je suis désolée, peut être que je suis désespérément optimiste, mais je trouve qu’on m’apporte un bon produit de départ ! D’ailleurs, s’ils n’étaient pas déjà bien, on n’aurait peut-être pas 95% de réussite. Souvent il y a des craintes, des peurs à l’Éducation nationale ; moi je préfère leur dire, dans mes discours de pré-rentrée : surtout ne vous interdisez rien, ayez de l’ambition, c’est porteur l’ambition. Je pense qu’ils m’entendent. »

Quant à ceux qui seraient largués sur leur “choix de carrière” (notion rapidement obsolète...) et aux 11% de Secondes qui redoublent, sont réorientés en apprentissage ou en lycée professionnel, Élisabeth tient à les rassurer : « C’est pas un tort de pas savoir où on va. Un parcours ça se construit, et on est là pour les y aider. Moi en seconde je crois que je voulais être hôtesse de l’air, et puis je suis devenue chef d’établissement, alors... ils ont le temps ! »

Son adjointe, Élodie Ricard, intervient  : « Un parcours ne doit pas être pensé comme nécessairement linéaire. Si on prend des chemins détournés, c’est pas grave. L’important c’est d’y arriver. » Élisabeth reprend : « Il n’y a rien de figé, et heureusement ! On a des Premières S qui se disent “C’est trop dur, je veux aller en STI 2D.” Et alors ? Ils feront quand même un IUT, et puis s’ils sont bons, ils pourront faire une école d’ingénieurs. Il faut dédramatiser l’orientation. Il n’y a pas qu’un seul parcours possible. Il y en a des milliards. »