Mémoire

Le cours au fil du temps Energies 382 - Stéphane Conty

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Dans les textes anciens qui parlent de Gardanne, la ville a souvent été vantée pour la qualité de ses productions agricoles et le savoir faire des gardannais en la matière. Depuis le Moyen-Âge les Gardannais habitent essentiellement sur la colline du Cativel et cultivent les terres alentours.

Le ruisseau Saint-Pierre contourne le Cativel et constitue une première ceinture de protection autour de la ville. Peu de maisons sont construites sur l’autre rive du ruisseau. Si Gardanne est encensée pour son agriculture, elle est aussi critiquée pour son insalubrité et sa saleté. Les habitants qui cultivent les terres environnantes mais habitent dans la ville, stockent leur fumier devant leur maison, et beaucoup n’hésitent pas à jeter leurs détritus et eaux usées directement dans la rue.

La situation est telle qu’au XIX e siècle les arrêtés se multiplient pour réglementer le stockage du fumier dans les rues, tel cet arrêté du 23 avril 1828 qui précise : « Il est expressement défendu de déposer, dans l’intérieur et les faubourgs de la ville, les fumiers ou litières apportés d’Aix, de Marseille et autres lieux... Les habitants seront tenus d’enlever chaque semaine les fumiers qui se font dans les rues et de les transporter hors de l’enceinte de la ville. »

Avec la pluie et le ruissellement cette pollution se retrouve dans le ruisseau Saint-Pierre situé aux pieds de la ville. Encore à cette époque, la traversée de Gardanne s’effectue en empruntant des ruelles étroites telles que la “grande Rue,” aujourd’hui rue Puget, ou bien la “montée de la Pousterle” (rue Franklin) puis le “chemin de Trets” (rue Parmentier), celui de Mimet (rue Borély), d’Aix ou bien d’Allauch (rue Jules-Ferry).

La naissance du Cours

Une décision va être prise alors, qui va préfigurer le Cours tel que nous le connaissons aujourd’hui. En 1836 il est décidé de créer sur la rive gauche du ruisseau (côté plaine), une nouvelle route, le chemin de Grande communication numéro 7. Une initiative que l’on doit au Maire Auguste Cesar Boniface Baret et à son Conseil municipal. Le chemin est réalisé le long du ruisseau au cours des années 1836-1840, et correspond dans la traversée de Gardanne, à la chaussée principale avant les derniers travaux, des boulevards Carnot, Bontemps et Forbin et du cours de la République. Un pont est également construit pour franchir le ruisseau au confluent des ruisseaux Saint-Pierre et des Molx. Cette réalisation va faciliter l’extension déjà amorcée de la ville au-delà du ruisseau Saint-Pierre. Lors de la séance du Conseil municipal du 17 décembre 1840, le Maire Auguste Cesar Boniface Baret et son Conseil municipal décident de la réalisation « d’un boulevard servant de promenade publique, » futur cours Forbin (voir encadré).

En 1841, le vieil hôtel de ville en très mauvais état est abandonné et détruit, ainsi que la maison qui lui était accolée. L’espace ainsi dégagé est baptisé “Place de l’Hôtel de ville” qui deviendra l’actuelle place Ferrer. La municipalité, le commissaire de police du Canton, le juge de paix, l’école et le bureau de poste s’installent à côté dans une bâtisse achetée à monsieur Borély, qui s’élevait sur l’emplacement de la mairie actuelle. Ce déménagement conduit tout naturellement en 1846 le Conseil municipal, toujours présidé par Auguste Baret, à acquérir le terrain situé en face du nouvel Hôtel de ville, de l’autre côté du ruisseau et du chemin, afin de prolonger la promenade créée en 1840. C’est ainsi que naît le cours de la République.

En 1851, il est décidé que les habitations à construire entre le chemin d’Allauch (actuelle rue Jules-Ferry) et le pont du ruisseau des Molx, seront alignées et qu’il sera fait de même au-delà. Une décision qui fixe le tracé des futurs boulevards Bontemps et Carnot.

Histoire d’eau

Toutes ces réalisations ne résolvent toutefois pas les problèmes de salubrité publique liés à la pollution du ruisseau Saint-Pierre, qui par ailleurs sort parfois de son lit et inonde les environs. La solution proposée est de couvrir le ruisseau et de le détourner de son cours en creusant une galerie sous le Cativel, l’actuel Perça.

Le projet est proposé par le maire, François-Martin Deleuil, lors de la séance du Conseil municipal du 10 août 1862, et déclare d’utilité publique par un décret impérial du 19 mars 1864. Les travaux sont adjugés le 10 août 1864 à deux entrepreneurs de Forcalquier, Ferdinand Petit et François Martin. Leur réalisation va s’avérer difficile en raison, tout d’abord, de l’opposition des propriétaires situés à l’entrée et au débouché de la galerie à creuser sous le Cativel (le “Perça”), mais aussi car le percement lui-même va se révéler plus difficile que prévu, le terrain étant constitué de gros blocs de roche glissant sur des lits de marnes ou dans des terres argileuses. Le coût initialement prévu de 69 000 francs va d’ailleurs atteindre la somme finale de 112 000 francs à la fin des travaux en 1869, soit six fois le budget communal de l’époque !

A cette époque un autre problème se pose, l’alimentation de la ville en eau potable. En juin 1878, le Maire Ferdinand Maurel écrit au Sous-préfet d’Aix : « Nous sommes sur le point de nous trouver sans eau. Nos fontaines ne coulent plus depuis des mois et nos trois puits communaux sont bien loin de suffire à l’alimentation des habitants, à cause du très peu d’eau qu’ils fournissent. »

Un crédit de 1 900 francs est alors voté pour la construction de trois puits et la réparation de l’aqueduc des Fontaines. Toutefois l’exploitation minière va poser des problèmes pour l’alimentation en eau potable de la ville. En 1898 est installée la fontaine de la République, sur le cours du même nom, à l’emplacement de l’ancienne fontaine qui est déplacée au Nord du Cours. Le 27 avril 1901 est inaugurée la fontaine du Marquis de Gueydan.

Il faudra toutefois attendre 1929 et l’achèvement du projet des Giraudets consistant à amener l’eau du Canal de Marseille grâce à une usine de pompage et de filtrage installée aux Pennes-Mirabeau, pour résoudre définitivement la question de l’approvisionnement de Gardanne en eau potable.

Dans la seconde moitié du XX e siècle le Cours ne connaîtra pas de bouleversement majeur quant à sa physionomie. Les cinquante dernières années ont surtout été marquées par le fort développement de l’automobile et la présence de plus en plus forte des voitures sur le Cours, que ce soit pour le traverser ou pour y stationner, parfois même au détriment de l’espace dévolu aux piétons. Le Cours rénové, tel qu’il va être inauguré le 20 octobre prochain, doit permettre de rétablir l’équilibre en favorisant le stationnement de courte durée et en redonnant aux piétons toute leur place.


Au Conseil municipal du 17 décembre 1840

Le registre des délibérations conserve la mémoire de cette réunion au cours de laquelle on décida de créer ce qui devint ensuite le cours Forbin :

« Le Conseil municipal ainsi assemblé, monsieur le Maire président, a exposé que la situation actuelle de la ville ne coïncidait pas avec les avantages que la position peut lui assurer, que Gardanne placé au centre d’un riche bassin ayant à ses alentours une brillante campagne, n’offrait pas même dans son enceinte aucun des modestes agréments qu’on trouve dans des villes de moindre importance, que les jours de fêtes la population, pour jouir des plaisirs de la promenade était obligée de se répandre dans les champs cultivés, ce qui est gravement préjudiciable aux intérêts de l’agriculture, que le percement de la route de grande communication ligne N 7 laissait entrevoir des embellissements dont la confection serait d’un intérêt immense pour la commune, que du reste il convient d’entrer dans la voie des améliorations pour jouir de tous les bienfaits de la civilisation moderne, que quand tout marche vers le progrès il ne convient nullement de rester stationnaire.

Par toutes ces considérations, monsieur le Maire a proposé au Conseil réuni l’établissement d’un boulevard pour promenade publique et a invité le Conseil a délibérer sur l’emplacement qu’il convient de prendre pour cette destination faisant observer que les fonds libres de la commune permettaient parfaitement de s’occuper de ce travail. Le Conseil municipal prenant en grande considération l’exposé de monsieur le Maire son président a déliberé que le projet dont il s’agit réunit toutes les conditions d’utilité publique. A cet effet, il a décidé qu’un boulevard servant de promenade publique serait établi sur une ligne parallèle au chemin de Grande communication, pratiquée dans la propriété dite Grand-pré de la Dame veuve Pontier ou de ses représentants et dans celle portant le même nom et appartenant aux hoirs Bourrelly. Il a été arrêté que sur toute la longueur de cette ligne il serait pris dans les propriétés sus-indiquées une largeur de onze mètres pour en venir à la confection de ce boulevard. »


Merci à celles et à ceux qui ont prêté au service Communication leur documentation personnelle (Jeannot Menfi, Marie-Ange Chappe, Gilbert Bagnis et Mireille Arnoux). Le supplément intitulé Gardanne, d’hier à demain, publié en 1982 par l’Office municipal sport et culture, a servi de source de référence à la rédaction du présent document. Il est consultable en fichier pdf sur www.ville-gardanne.fr, rubrique “magazine,” espace “suppléments historiques.”

Les bâtiments

L’église
Le Cours est ponctué par des bâtiments clés de la ville, telle l’église, dont on doit la construction au Maire Agricol Maurel. La vieille église installée sur le Cativel au pied du clocher qui domine toujours la colline menaçait de s’écrouler et décision fut prise au tout début du XX e siècle d’en construire une nouvelle. En 1902 l’architecte Buyron établit un devis qui s’élevait à 111504 francs et 88 centimes. Il fallut cependant réduire la dépense et, pour cela, choisir des matériaux moins chers et même priver l’église du clocher initialement prévu. Ceci explique le caractère peu grâcieux de cet édifice sans originalité, à la symétrie lourde... et sans clocher. Elle fut bénie le 7 octobre 1906, par Monseigneur Bonnefoy, archevêque d’Aix.

L’Hôtel de ville
Après la réalisation de l’église, l’architecte Buyron s’attaqua au projet de construction de l’Hôtel de ville, celui-là même que nous utilisons toujours aujourd’hui. L’Hôtel de ville, construit par Sylvain Allies, entrepreneur à Marseille, fut inauguré le dimanche 20 octobre 1907, avant même d’être totalement achevé, en présence du Ministre de l’Agriculture, Joseph Ruau. L’horloge, qui ne figurait pas au projet initial de 1903, vint en 1909 parachever l’oeuvre après avoir été réalisée par l’horloger gardannais Félix Honnoré.

Le 3 Casino
Construit au début du XX siècle, “le Casino,” comme il s’appelait alors, était une réponse au besoin d’une salle suffisamment grande pour accueillir plusieurs centaines de personnes lors d’activités festives et culturelles. Bals, représentations théâtrales, spectacles de music-hall et plus tard cinéma, autant d’activités qui sont toujours d’actualité pour cette salle qui a vu passer Tino Rossi, Eddy Mitchell, Robert Guédiguian, Claude Berri ou encore Renaud.

La Maison du Peuple
C’est le 28 mars 1931 que le Conseil municipal, alors présidé par Victor Savine, décida de la construction d’un “foyer familial,” connu aujourd’hui sous le nom de “Maison du Peuple.” Sa construction fut retardée en raison de la crise économique, et le budget alloué passa de 2 200 000 francs à 550 000 francs. L’adjudication eut lieu le 16 janvier 1936 et les travaux furent achevés au moment de la déclaration de la guerre, en 1939. L’année suivante, la Maison du Peuple fut utilisée pour héberger des refugiés venus des régions envahies. Transformée en caserne pour les soldats français repliés, elle fut ensuite utilisée aussi par les occupants allemands, puis par des soldats américains. Depuis elle sert aux réunions publiques, concerts et expositions, et est même louée par des associations.