Culture

La chimie pour tous Energies 377 - Stéphane Conty

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Du 24 au 26 mai dernier, la manifestation “Chimie et Terroir” a posé valises et éprouvettes à la Maison du Peuple de Gardanne. Sa mission : faire découvrir au public à travers expériences et démonstrations, que la chimie est partout dans notre vie et dans notre quotidien. Loin de l’image austère généralement véhiculée par la discipline, petits et grands ont ainsi eu l’occasion de découvrir que la chimie peut être aussi passionnante et terriblement amusante.

Depuis plusieurs années maintenant Gardanne s’est engagée dans la combat de la valorisation de la culture scientifique. C’est donc avec enthousiasme que la Ville s’est engagée pour que ces trois journées sur la chimie se passent au mieux. « Nous vous accueillons très volontiers, a indiqué le Maire Roger Meï lors de son discours inaugural de la manifestation. Nous sommes tous ici de plus en plus conscients que la culture scientifique est très importante. Pour Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, nous avons fait le forcing pour qu’elle soit prise en compte car elle est peu considérée. Je voudrais également souligner qu’à Gardanne nous avons en la matière un partenaire important avec le site Georges-Charpak de l’École des Mines de Saint-Étienne. L’année passée nous avons accueilli plus de 7 000 personnes à l’occasion de la Fête de la science. Et nous sommes également prêts à accueillir un centre de culture scientifique et technique au puits Morandat. »

Vulgariser la culture scientifique et la rendre accessible à tous, tel est justement l’un des objectifs soutenus par Chimie et Terroir, une manifestation nationale mise en oeuvre par la commission Chimie et Société de la Fondation de la Maison de la chimie. « Depuis plusieurs années nous avons engagé une réflexion sur la manière dont on communique la chimie au grand public, explique Lydie Valade, présidente de la commission Chimie et Société et directrice de recherche au CNRS de Toulouse. Comment faire pour que les gens aient une image positive de la chimie ? C’est ainsi que nous avons décidé de parler de la chimie sur des choses du quotidien, des choses qui parlent aux gens. C’est sur la base de ces considérations que nous avons démarré Chimie et Terroir. »

Lancée en 2008 avec une première manifestation à Brive-la-Gaillarde en Corrèze, puis en 2010 à Guichen en Bretagne et enfin à Beaune en Côte d’Or l’année dernière, Chimie et Terroir arrive en Provence à Gardanne en 2012. Une sorte de tour de France de la chimie, à l’image des toutes les personnes qui se sont mobilisées pour la manifestation. En effet, la vingtaine de stands thématiques où sont proposées expériences et démonstrations, est essentiellement animée par des chercheurs du CNRS et des enseignants-chercheurs universitaires venus de toute la France, et accompagnés cette année par des lycéens de la Seyne sur mer, des élèves en master de cosmétologie à Marseille ou par l’association Les petits débrouillards qui tient un stand sur le jeu de boules, devant la Maison du Peuple.

« Les démonstrations sont faites par des correspondants régionaux qui viennent d’Alsace, de Bretagne, du Limousin, d’Île de France, de Rhône-Alpes ou encore de Paca ou Midi- Pyrénées, souligne Lydie Valade. Ce sont tous des gens passionnés et qui ont envie de faire connaître et de transmettre leur passion. Pour cela nous allons là ou a priori on ne nous attendra pas, dans des lieux ouverts, où le public ose aller, et non dans des lieux plus fermés comme les facs ou les labos. »

Et de la passion ils en ont à revendre lorsqu’ils expliquent aux enfants de la quinzaine de classes qui, sur les deux journées plus particulièrement destinées aux scolaires du CM1 à la seconde, sont venus pour découvrir ce qu’est la chimie et comment elle fait partie intégrante de leur quotidien. Ici, ils apprennent ce que sont les huiles essentielles de lavande et de lavandin, leurs vertus, la différence entre ces deux plantes, leurs différences au niveau chimique, et comment elles sont distillées pour obtenir une huile essentielle.

Les algues dans l’alimentation, les senteurs, la fabrication de l’émail, l’huile dans tous ses états, les produits cosmétiques, les mines d’argent, les jus de fruits, l’huile d’olive ou encore l’éthylotest sont autant de thèmes proposés sur les différents stands, qu’il est possible de découvrir à l’aune de la chimie. Là, on leur fait découvrir comment est fait le pastis, les plantes qui le composent, comment est extraite la molécule qui lui donne son goût si particulier et d’où lui vient sa couleur.

Et l’on ne peut que constater que la formule fonctionne devant l’enthousiasme des enfants qui n’hésitent pas à sentir, toucher, goûter tout ce qu’on leur propose de découvrir, qui se montrent très attentifs aux explications et qui n’hésitent pas à poser des questions.

Toutefois Chimie et Terroir ce ne sont pas que des stands mais aussi des projections, des conférences et des spectacles, toujours en lien avec la chimie et les sciences, et toujours abordés sous un angle original. Ainsi les documentaires proposés par l’association Polly Maggoo le jeudi après-midi. Un premier film porte sur une plante souvent peu appréciée du public, l’ortie. On y découvre dans une premier temps que l’ortie est plus protéinée que le soja et qu’elle contient plus de vitamine C que l’orange.

On y apprend ensuite les qualités agricoles du purin d’orties utilisé depuis des siècles, obtenu par un processus chimique de fermentation de la plante dans de l’eau, et comment l’État en a fait interdire la fabrication et la vente jusqu’à ce que des études soient réalisées quant à ses vertus et son innocuité. Enfin, il aborde la question de la pollution chimique des sols liée à l’agriculture intensive et de ses conséquences sur l’environnement et la santé. A l’issue de la diffusion s’ouvre un débat sur le film avec le public. Si tous semblent d’accord sur le fait que l’agriculture industrielle telle que pratiquée jusqu’ici est dans une impasse et qu’il est nécessaire de changer de voie, ils semblent plus divisés sur la manière d’y parvenir et le débat s’engage entre-eux sur la place des produits chimiques dans l’agriculture et sur le réel intérêt de l’agriculture biologique.

L’un d’eux pose le problème en ces termes en partant de la question du purin d’orties : « un produit fabriqué dans mon garage à partir de produits naturels est-il nécessairement inoffensif ? » Un débat qui finalement ne débouchera sur aucune conclusion qui fasse l’unanimité dans l’assemblée.

L’une des conférences proposées va porter sur l’huile d’olive dans la cosmétique. C’est le Professeur Philippe Piccerelle, de la faculté de pharmacie de Marseille, qui présente les vertus de l’huile d’olive pour la peau et comment elle va être déclinée sous différentes formes, huile, crème, émulsion... Un sujet de prime abord assez pointu, voir même ardu, que ce professeur va pourtant réussir à rendre accessible au néophyte, grâce à un exposé très clair et plein d’humour, tout à fait dans l’esprit de Chimie et Terroir.

Après avoir détaillé la composition chimique de l’huile d’olive, un ensemble d’acides gras, et précisé les différentes fluidités des huiles liées à leur composition chimique, il présente ensuite les qualités de l’huile d’olive pour la peau. Hydratante, limitant l’évaporation de l’eau de la peau, anti-fongique, protectrice contre les UV du soleil et contre les radicaux libres. Il termine sur ses différentes utilisations en cosmétique, sous formes de savon, d’huile pour le corps, de baume ou encore de gel, suivant les besoins. De nombreuses anecdotes et plaisanteries viennent ponctuer le propos, qui rendent finalement la conférence aussi divertissante qu’informative.

La science par le divertissement, c’est justement l’approche proposée par les spectacles programmés pour Chimie et Terroir. L’un d’eux, Kiabu Boara, interprété par la compagnie Mots à mâcher, aborde la question de l’eau devant un public assez hétérogène où se côtoient tous les âges. Le spectacle tourne autour de l’interaction de deux personnages devant se partager un seau d’eau, l’un pour sa survie, l’autre pour son profit. Cycle de l’eau sur terre, eau douce - eau salée, partage de l’eau, conflits pour l’eau, pollution, sont autant d’aspects abordés dans ce spectacle plein de poésie.

Démonstrations, conférences, projections, spectacles, autant de manières de présenter la chimie au public, qui de par sa diversité, a contribué au succès que Chimie et Terroir a rencontré à Gardanne durant ces trois jours. « Une manifestation qui s’intègre bien dans la dynamique de la ville qui défend la culture scientifique et qui se positionne bien dans la continuité du Souk des sciences, remarque Anthony Pontet, Conseiller municipal en charge de la culture scientifique et technique. Plein de gens qui vont partager leur expérience, c’est assez représentatif du travail mené par notre commune. »

Rendez-vous l’année prochaine pour le volet culture scientifique de Marseille Provence 2013.