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L’émotion, c’est aussi dans la tête Energies 393 - Bruno Colombari

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On est bien loin de tout avoir découvert sur le fonctionnement du cerveau. Mais ces dernières années, des avancées importantes ont montré que l’organe de la raison avait besoin des émotions pour fonctionner.

LA SÉANCE INAUGURALE de la semaine du cerveau a fait le plein : l’auditorium de la Médiathèque était trop petit pour accueillir le 7 mars les auditeurs de la conférence de Noël Meï, directeur de recherche honoraire au CNRS. Lequel commençait par une citation de Blaise Pascal (Les pensées, 1669) : « Le coeur a ses raisons que la raison ignore. » Et pendant longtemps, « les émotions ont été considérées comme une activité psychologique à part, différente des activités de la raison, » explique Noël Meï.

Ainsi, Platon affirmait que le coeur était le siège des sentiments. Et pour cause : lors d’une forte émotion, on sent de toute évidence le rythme cardiaque s’accélérer, alors que l’activité du cerveau n’est pas perceptible. Ce dernier était considéré comme « une sorte de pompe refroidissante pour les humeurs, » une climatisation intérieure, si vous voulez. Il faudra attendre 1860 pour avoir la preuve, grâce à Broca, que le centre de la parole se trouve dans le cerveau. Plus récemment, avec l’avènement de l’imagerie cérébrale, il a été possible de voir le fonctionnement du cerveau humain sans passer par des expériences sur des animaux anesthésiés.

L’IDÉE COMMUNÉMENT ADMISE était que le cerveau fonctionnait comme un ordinateur, exécutant des tâches l’une après l’autre. C’était bien mal connaître l’animal ! « Dans les années 90, on s’est rendu compte que lorsqu’on entend des mots ou qu’on les prononce, par exemple, la plupart des régions du cerveau sont activées. » Il apparaît aussi que le cerveau ne capte pas uniquement des informations par les cinq sens (venant donc de l’extérieur du corps), mais aussi de l’intérieur, et notamment des viscères.

Mais au fond, qu’est-ce qu’une émotion ? « Il en existe trois types : les émotions d’arrière-plan, c’est-à-dire la sensation de se sentir bien ou mal, les émotions de base (la joie, la tristesse, la peur, le dégoût ou la colère) et les émotions sociales (la sympathie, l’embarras, la honte, le mépris, l’orgueil ou la culpabilité). Et bien sûr, ces types d’émotions peuvent se combiner entre elles. »

LES HUMAINS SONT D’AILLEURS, « de super-experts pour reconnaître les expressions du visage : c’est évident avec un nouveau-né qui reconnaît sa mère très tôt. On se souvient d’un visage des années après, même s’il a changé, à condition que ce souvenir soit lié à une émotion. Quand on croise des gens dans la rue, par exemple, ce n’est pas le cas. Les souvenirs très anciens durent toute la vie. On sait maintenant que les images liées à ces souvenirs sont fragmentées à différents endroits du cerveau et se recomposent comme les pièces d’un puzzle. »

Enfin, dernier point important, « on sait désormais que le quotient intellectuel (QI) n’est plus suffisant pour mesurer l’intelligence. Et que l’intelligence émotionnelle est très importante, c’est elle qui va favoriser l’apprentissage rationnel. D’ailleurs, des écoles aux États- Unis s’appuient sur le développement des capacités émotionnelles, et obtiennent de très bons résultats pour canaliser la violence notamment. » On le voit, la pompe refroidissante pour les humeurs n’a pas encore livré tous ses secrets.