Economie

Emploi : Gérard Filoche craint une hémorragie Energies 397 - Bruno Colombari

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LA LOI DITE DE “sécurisation de l’emploi” transposant l’accord national interprofessionnel (ANI) est passée en procédure accélérée à l’Assemblée nationale et par vote bloqué au Sénat. Elle devrait être promulguée par le Président de la République prochainement. Le 25 avril dernier, Attac 13 a invité l’inspecteur du travail Gérard Filoche devant plus de deux cents personnes à la Maison du Peuple : « C’est ma 54e réunion publique depuis janvier. Au début, les gens ne savaient pas ce que c’était, l’ANI. Pourtant, il y en a déjà eu des célèbres  : Matignon en juin 1936, Grenelle en juin 1968... A l’été 2012, le gouvernement définit une feuille de route : lutter contre la précarité, contrôler les licenciements, limiter les fermetures d’entreprises. Mais c’est le Medef qui a dicté le texte  ! Les 27 articles, ce n’est que du recul, il n’y a rien de positif pour les salariés. Les médias parlent d’un “accord protecteur et souple” mais n’entrent pas dans les détails. »

Sur la précarité, par exemple, Gérard Filoche constate que « ce sont les salariés stables et expérimentés qui sont les plus productifs, pas ceux dont le statut est flexible. La flexibilité est l’ennemie de l’emploi, et même de la compétitivité.  » Le projet de loi veut taxer plus les CDD. Mais 80% d’entre eux ne sont pas concernés, « et au final l’employeur y gagnera. »

SUR L’HORAIRE PLANCHER de 24 heures par semaine, même chose, 90 % des emplois à temps partiel ne seront pas concernés par la loi. Autre point décortiqué, le contrat à durée indéterminée intermittent (CDII), des contrats précaires alternant des périodes travaillées et des périodes non travaillées qui ne donnent pas droit à l’assurance-chômage, ou les droits rechargeables pour les chômeurs (« Mais Pôle Emploi n’aura pas un centime de plus à distribuer, ce sont plutôt des droits déchargeables en réalité. »).

Sur la complémentaire santé : « Les assurances privées vont emporter le morceau et l’Urssaf va perdre son monopole de la collecte des cotisations. Il y a quatre milliards d’euros à récupérer. » Dans un texte où souvent les mots désignent le contraire de leur sens (l’activité partielle désigne en fait le chômage partiel), les “mutations externes et internes volontaires” sont un bon exemple : « Le volontariat, ça n’existe pas dans le droit du travail : entre l’employeur et l’employé il y a un lien de subordination permanent. Le code du travail est la contrepartie à cette subordination. »

De même, on appelle “pacte de maintien de l’emploi” le fait de pouvoir faire varier, si l’entreprise est en difficulté, les horaires et les salaires (à la baisse, bien sûr) pendant deux ans. Enfin, les modifications de modalité des plans sociaux, très favorables à l’employeur, « Ça va faciliter les licenciements. Au deuxième semestre 2013, ça va être l’hémorragie, vous allez voir : au moins deux cent mille chômeurs supplémentaires ! » Pour Gérard Filoche, l’argument de la crise ne tient pas : « Les avoirs français dans les paradis fiscaux représentent 590 milliards d’euros, deux fois le budget de l’État. La fraude fiscale, c’est entre 60 et 80 milliards d’euros par an. La France est riche, ce n’est pas le problème. »

Une lutte systématique et efficace contre l’évasion fiscale pourrait être une solution. Ce n’est pas celle qui a été retenue.