Environnement

Des têtes chercheuses sur la ville Energies 322 - Loïc Taniou

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Des chercheurs du CNRS viennent de créer un observatoire qui se consacre à l’étude des interactions que l’homme entretient avec son milieu, aux implications qui existent entre société et environnement. Gardanne et le Bassin minier qui présentent bien des intérêts en la matière sont leurs premiers sujets d’études.

Créé en mars 2008 et domicilié sur la zone de l’Arbois, l’Observatoire Hommes-Milieux (OHM) est un organisme du CNRS qui regroupe des équipes de chercheurs issus de disciplines différentes. Il a pour vocation d’être un outil transversal au service de la recherche scientifique qui vise à une meilleure connaissance de l’environnement et aux interactions que les hommes entretiennent avec leur milieu de vie.

« Le Bassin minier et la ville de Gardanne sont deux objets d’observation privilégiés, souligne Samuel Robert, ingénieur de recherche au CNRS et géographe, car il existe sur ce territoire une forte relation entre économie et environnement. Le territoire s’est structuré socialement autour de cette relation et il est intéressant de l’observer sur le long terme. Et un événement majeur, la fermeture de la mine, est venu bouleverser les équilibres établis. Nous souhaitons donc étudier et suivre le contexte de l’après-mine en Provence. »

Leur premier sujet d’étude est celui des poussières atmosphériques présentes sur Gardanne et ses alentours. Même si l’origine de ces dernières est bien connue (Centrale thermique et usine d’alumine), c’est un objet de recherche avec des préoccupations importantes tant pour les collectivités que pour la population.

Des prélèvements d’échantillons de terre qui peuvent aller jusqu’à une profondeur de un mètre dix

« Une de nos actions est l’observation des poussières des plus épaisses aux plus fines (jusqu’à un micron NdlR) et la mesure de la pollution atmosphérique,  » explique Yves Noack, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la pollution atmosphérique.

La station Atmo Paca installée en face de l’usine d’alumine est un drôle d’appareil haut de deux mètres et doté d’un entonnoir à partir duquel le chercheur récupère ses échantillons et surveille la qualité de l’air. Cinq collecteurs sont présents sur la commune et des prélèvements sont également faits sur les feuilles d’arbres. Cette campagne de collecte est effectuée sur une aire géographique comprise entre les deux pôles industriels suivant un maillage de 500 m sur 500m.

« On gratte, on pèse, on calcule, poursuit Yves Noack. Nous étudions les variations en fonction de la météo et mesurons la dispersion des poussières qui sont plutôt rouge à l’usine d’alumine Alcan et gris noire à la centrale thermique. On mesure des poussières qui peuvent être éventuellement nocives. » Ces échantillons vont servir à dresser une cartographie et à caractériser la pollution atmosphérique sur le territoire.

« Il s’agit, conclut le chercheur, de mesurer la réalité loin de tout fantasme et de visions parfois déformées que l’on peut en avoir. Après ce temps d’observation, nous allons calculer l’impact et donner un avis. Nous travaillons sur ce sujet avec la faculté de Médecine de Marseille. L’Observatoire doit pouvoir éclairer certaines situations qui posent problème à la population et aux décideurs. »

Autre volet de recherche, celui des sols principalement liés à l’activité humaine, qu’ils soient en zone urbaine ou en zone agricole. Là aussi, de nombreux prélèvements d’échantillons de terre qui peuvent aller jusqu’à une profondeur de un mètre dix sont réalisés sur la commune. « Nous nous intéressons aux différentes couches et réalisons des mesures physiques comme le taux de résistance à la pénétration, la vulnérabilité des sols vis-à-vis du ruissellement, détaille Catherine Keller, professeur à l’Université Paul-Cézanne, spécialiste en sciences du sol. On obtient ainsi des profils de sols. » Quarante-six sites ont déjà été étudiés.

On gratte, on pèse, on calcule

L’Observatoire a fait l’acquisition de cartes topographiques anciennes couvrant le Bassin minier (de 1935 à 1986) et d’images satellites pour suivre l’évolution de l’occupation du sol. L’objectif est d’acquérir des connaissances précises pour permettre une prise en compte améliorée de leurs caractéristiques en vue de futures utilisations. Cela peut devenir un outil d’aide à la décision publique comme l’étude environnementale et paysagère qui a été réalisée récemment sur les terrils.

Les équipes de chercheurs sont également amenés à se rendre chez les particuliers pour quelques prélèvements et rencontrent parfois quelques difficultés. « Les gens sont curieux, se posent des questions. Certains nous disent que ce n’est que du remblais, que cela ne va pas vous intéresser alors que si, au contraire, souligne Catherine Keller. Et puis, ils nous racontent l’historique et nous aident à mieux comprendre, même si on essuie parfois des refus. » L’idée d’une conférence grand public pour se présenter et expliquer leur démarche est en train de faire son chemin dans les têtes chercheuses du CNRS.