Tout s’accélère. Huit jours exactement après la signature, à Bercy, de la convention créant le Centre de microélectronique de Provence, Robert Germinet arrivait à Gardanne pour une conférence de presse et une réunion de travail avec les techniciens et les élus de la commune.
Robert Germinet, c’est le directeur de l’école des mines de Saint-Étienne, auteur d’un rapport au gouvernement fin 2001, dans lequel il décrivait comment créer de toutes pièces cette école d’ingénieurs unique en France, et quelles formations y dispenser. C’est aussi le promoteur, en France, de l’apprentissage par l’action, une méthode pédagogique importée des États-Unis par le prix Nobel Georges Charpak (voir encadré). Lequel donnera son nom au centre de microélectronique de Gardanne...
La boucle est bouclée. Reste maintenant à répondre aux (nombreuses) questions que soulèvent ce projet, le plus ambitieux que Gardanne ait connu en terme de formation.
Pourquoi avoir choisi Gardanne ?
Robert Germinet : Les fonctionnaires font ce que les politiques décident. Pour ce centre de microélectronique, il y avait plusieurs régions possibles, et dans la région plusieurs endroits possibles. Or la région concentre 35 % de la production microélectronique en France. La décision a donc été prise d’implanter ce centre, qui dépend de l’école des mines de Saint-Étienne, en Provence. Et a proximité d’un grand centre industriel d’environ huit mille emplois directs. Ce sera la première école de classe un, les plus cotées, dans la région.
Quand le centre fonctionnera-til à plein régime ?
Il faut compter trois ans, un an et demi pour les études, un an et demi pour les travaux. Ce sera donc pour la rentrée 2005. Mais auparavant, des étudiants suivront des formations à Gardanne dès la rentrée 2002, à la maison de la formation. Et dès le mois de mai, quelques uns viendront pour des séminaires de quelques jours. Autant dire qu’il va falloir se retrousser les manches !
Pourquoi organiser une première année en tronc commun à Saint-Etienne ? Les Gardannais auront-ils accès à cette formation ?
L’école des mines de Saint-Étienne recrute au niveau bac+2 minimum, sur concours commun mines et ponts. Elle délivre un diplôme d’ingénieur civil des mines. La microélectronique est une des cinq options que nous proposerons en fin de première année. Il faut savoir que ce concours d’entrée est plutôt sélectif, puisque sur toute la France, il y a environ 10 000 candidats pour 800 places disponibles. Maintenant, j’espère que des Gardannais y entreront.
A combien s’élève le coût de la scolarité ?
C’est gratuit, puisque nous faisons partie de l’enseignement public. Il a des frais d’inscription modiques, de l’ordre de 2 500 F par an [environ 380 €].
Ce concours est-il ouvert aux étudiants étrangers ?
On délivre des doubles diplômes avec des universités européennes (Turin, Madrid) ou américaines. Mais les postulants au concours d’entrée sont essentiellement français. Ceci dit, je compte faire venir des enseignants de haut niveau, y compris de l’étranger.
Les industriels seront-ils représentés au conseil d’administration ? Quel sera leur poids ?
Il ne faut pas confondre développer l’industrie, par le biais de la formation d’ingénieurs, et développer telle ou telle entreprise. Le Conseil d’administration de l’école des mines de Saint-Étienne comprend des industriels, et le centre de microélectronique de Provence aura un conseil d’orientation dans lequel les industriels auront leur mot à dire. Mais le contribuable ne doit pas payer à la place des actionnaires : on va faire de la recherche appliquée, sur du court-terme. C’est-à-dire à l’échelle de quatre ou cinq ans avant des retombées concrètes au niveau industriel.
L’apprentissage par l’action, que vous avez développé avec Georges Charpak, pourrait-il être généralisé à d’autres types d’enseignement ? L’école de Gardanne pourrait-elle être pilote ?
Historiquement, l’objectif de l’école, c’est la transmission des connaissances. Mais au fil du temps, on a privilégié la mémoire à la créativité. Les ingénieurs sont de plus en plus instruits, de moins en moins créatifs. Or, nous avons besoin d’ingénieurs ingénieux, capables d’anticiper la demande. Avec quelques grandes écoles dans le monde (Pasadena, Manchester, Hong-Kong, Varsovie), nous avons le même souci : réveiller la créativité des ingénieurs. Je souhaite faire du centre de Gardanne un pôle d’excellence, reconnu dans le monde entier pour sa pédagogie innovante. Je souhaite qu’on parle de Gardanne comme on parle de Pasadena.