C’est dans le XVe corps, intégré à la Deuxième armée, que sont intégrés les quelque 400 Gardannais mobilisés en août 1914. On y trouve outre les Provençaux, des Corses, des Gardois, des Ardéchois et des Alpins. Tous sont envoyés en Lorraine et font l’objet d’une bataille de chefs entre le général Lescot et son supérieur, le général Castelnau. Le premier passe outre les ordres du second et lance une attaque le 10 août. L’échec de l’offensive crée aussitôt une tension entre l’état-major lorrain et celui des Provençaux, accusés en clair d’être des incapables.
Quelques jours plus tard, une nouvelle attaque est programmée vers Metz. Or, l’armée allemande a tendu un piège dans lequel les Français foncent tête baissée. Au nord de Dieuze et de Morhange, les soldats du Kaiser se sont massés et ont installé une quantité industrielle de canons. Le duo Joseph Joffre-Ferdinand Foch fait des ravages avec sa doctrine de guerre à outrance basée sur la force morale, alors qu’en face, plus prosaïquement, on s’appuie sur la supériorité de l’artillerie.
Dix mille soldats morts en pure perte
Le 19 août, les Français avancés entre Morhange et Dieuze sont cloués au sol par les obus ennemis et pris à revers. Les pertes sont terribles, certains bataillons se replient en laissant derrière eux 80 % de leurs effectifs.« C’est la découverte du feu de l’ère industrielle, raconte Jean-Yves Le Naour. On se fait tuer à distance, sans rien voir. [...] 10 000 soldats sont morts en pure perte au cours de cette bataille de Lorraine. [...] Ils ignorent que leur sacrifice ne sera payé que par des injures. »
C’est là que commence l’histoire du XVe corps. Le général Joffre ne peut admettre que sa stratégie a échoué, il lui faut des boucs émissaires. Les soldats du Midi seront ceux-là. C’est ce que Joffre explique au ministre de la guerre, Adolphe Messimy, dès le 21 août, alors que le repli n’est pas terminé.
Le ministre fulmine et demande au sénateur Auguste Gervais d’écrire un article accusatoire dans le quotidien national Le Matin. L’article vise clairement le XVe corps,et en particulier des soldats venus d’Antibes,Toulon, Marseille et d’Aix (dont les Gardannais). Mauvaise idée. En Provence, le journal est brûlé, les élus locaux s’en prennent ouvertement au gouvernement et au sénateur Gervais.
Messimy est débarqué du gouvernement le 25 août. Déjà scandaleuse, l’affaire prend un tour dramatique puisque les soldats du Midi sont désormais regardés de travers dans les infirmeries et les hôpitaux qui accueillent les blessés : on soupçonne fortement ces derniers de mutilations volontaires à la main ou au bras pour échapper aux combats.
Six hommes passent en cour martiale le 18 septembre sur la base d’un certificat médical d’un médecin lillois, et sont condamnés à mort. Deux d’entre eux sont fusillés le 19 septembre. Après enquête, ils seront réhabilités quatre ans plus tard.