Une histoire d’intégration, au milieu des châtaignes Energies 442 - Jeremy Noé

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De la douzaine de familles Roms accueillies il y a trois ans, la moitié sont parties. L’une d’entre elles s’est installée en Lozère, dans un minuscule village, et aspire à une vie paisible.

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L’accueil des Roms au Puits Z

En octobre 2012, le maire de Gardanne Roger Meï décidait de prendre le président François Hollande au mot (« Pas d’expulsions sans solutions ») et d’accueillir onze familles Roms (quatre-vingts personnes, parmi les 1 500 expulsées de Marseille à la fin de l’été) sur le carreau du puits Z. « Il y a 15 000 Roms en France. Si chacune de 36 000 communes accueillait quelques familles comme nous, il n’y aurait plus de “problème Rom” dans le pays, » expliquait Roger Meï à l’époque.

Aujourd’hui cinq familles, soit la moitié de la population, ont quitté le camp avec des solutions de relogement en Europe, dans les Bouches-du-Rhône... et jusqu’en Lozère, où un maire en particulier s’est montré sensible à la philosophie du maire de Gardanne. Confronté à la menace de la fermeture de son école communale, Alain Louche, premier édile de Saint-Martin de Boubaux, village de 180 âmes, a sollicité Roger Meï et les familles du puits Z pour une offre de logement et d’emploi dans sa commune. C’est ainsi qu’en mars 2015, un couple et ses trois enfants sont venus s’installer au dessus de l’école communale de Saint-Martin, le père ayant décroché un CDD dans une scierie (les Roms sont pour la plupart citoyens européens et ont les mêmes droits concernant l’accès à l’emploi).

“Inintégrables,” vraiment ?

Le maire de Gardanne, les élus, le CCAS - qui pilote l’action “Roms” de la Ville - le collectif d’associatifs locaux, la fondation Abbé-Pierre, engagés à ses côtés depuis le début se sont rendus à Saint- Martin début octobre. Un microscopique village au coeur de la France, éloigné des commerces, distractions, stations essences... auquel on accède via une route cabossée qui serpente des kilomètres au milieu des châtaigniers (Alès est à près de trois-quart d’heure de route). Joli pied de nez à un certain discours qui tend à stigmatiser les populations Roms comme “inintégrables” : le papa est au travail, les enfants à l’école, la maman (photo ci-contre) porte désormais des jeans, et un sac de châtaignes trône dans l’entrée de l’appartement.

Pour Roger Meï, aux côtés d’Alain Louche, l’émotion est intense. « Cette intégration s’est très bien passée, et pourrait donner des idées à d’autres, » commentera ce jour-là le maire de Saint-Martin, tout en alertant sur la désertification des petits villages. Avec, en corollaire, cette question : et si l’immigration pouvait permettre de maintenir les services et la vie dans la France profonde ?