Mémoire

Traces de vie de Bivérois Energies 369 - Carole Nerini

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Gardanne se modernise avec son nouveau centre-ville et Biver poursuit son développement avec des projets d’amélioration de la cité, la crèche et les nouveaux parkings notamment. Nous sommes allés à la rencontre de ceux et celles qui sont les témoins de cette évolution et qui ont accepté de nous la faire partager...

C’est à la fin du 19 e siècle, après le creusement du puits Ernest-Biver que les premières maisons pour loger les mineurs se construisent. Une vingtaine d’années plus tard, Biver compte 239 habitants, ils sont plus de 4 500 aujourd’hui. Dans les années 1930, de nombreux étrangers rejoignent la cité Biver pour travailler à la mine ou fuir les événements politiques de leur pays. D’année en année, Italiens, Arméniens, Polonais, Espagnols, Russes, Grecs, Yougoslaves, Nord-Africains se côtoient, vivent ensemble (en 1931, la moitié de la population gardannaise est étrangère) et partagent encore aujourd’hui de nombreux souvenirs.

Ernest Cilestrini est né à Biver. Il se souvient encore très bien du ruisseau qui traversait le village et du petit pont qu’il fallait emprunter. « A l’époque, Biver c’était une campagne. Il n’y avait pas toutes ces constructions, l’eau était partout. Il fallait aller aux sources pour aller la chercher, souvent il y avait la queue, c’était un lieu de retrouvailles inévitable. » Puis il y avait ces odeurs de pain qui sortaient de la boulangerie et qui embaumaient tout le village quand le boulanger passait faire ses livraisons, le souvenir des chevaux qui livraient les courses.

Ernest n’a pas non plus oublié les norias (machine servant à remonter l’eau des puits) qui existaient à Biver. Il est encore capable de citer chaque emplacement. Il connaît le nom des premiers baptisés et des premiers mariés de l’église en 1925. « A chaque événement joyeux, tout le village avait le coeur à la fête, c’est normal, on se connaissait tous ! »

Au foyer José-Alcaraz où se réunissent les membres de l’Entraide Solidarité 13, Suzanne, Françoise, Manouk, Lydia, Madeleine et Cathy ont accepté de nous livrer leurs souvenirs. Comme le rappelle cette dernière, « le soir, les habitants s’installaient dehors pour discuter, on surveillait les enfants qui jouaient, on se serrait les coudes quand on traversait des moments difficiles et en cas de souci l’entraide était naturelle. »

A Biver, il y a des êtres qui ont véritablement marqué l’histoire de ce grand quartier. Mme Michel, par exemple, sage-femme qui accouchait les femmes à domicile et qui n’hésitait pas à passer des nuits entières auprès des futurs parents. « C’était une femme formidable, sa gentillesse, sa patience et ses grandes qualités professionnelles n’ont échappé à aucun Bivérois, poursuit Cathy. Puis quand il y a eu la maternité à Gardanne, elle laissait encore le choix aux habitants de venir à domicile. Nous étions voisins à l’époque et elle venait fréquemment taper à la porte la nuit pour que mon mari ou mon beau-frère l’accompagne à Gardanne en urgence. Nous étions ravis de lui rendre service. »

Françoise est fière de nous expliquer qu’elle dort dans le lit dans lequel elle est née. Parmi toutes ces personnes connues et reconnues de tous, il y avait également Soeur Marie-Rose et Soeur Marie-Clément qui ont soigné durant de longues années des milliers de Bivérois dans le petit dispensaire de la rue des Rosiers et qui savaient être à l’écoute.

En 1925, la société des Charbonnages ouvre des écoles privées à Biver, mais faute de place, des cours ont lieu dans la chapelle de l’hospice. Elles étaient alors réservées aux enfants de mineurs. En 1946, suite à la nationalisation des houillères, les écoles de Biver deviennent publiques, avec d’un côté les filles, de l’autre les garçons, aujourd’hui école Paul-Cézanne et école Frédéric-Mistral.

Au siècle dernier, dans la petite cité minière, les loisirs prenaient une place importante, à tout âge. Les enfants jouaient au bord du ruisseau tandis que les hommes jouaient aux cartes, aux boules ou au football. Le Biver sports a été créé en 1932. Le premier terrain d’entraînement se situait à l’emplacement de l’église. En 1935, l’aménagement d’un terrain a été réalisé au puits Gérard. Ce n’est qu’en 1949 que les joueurs vont évoluer à St-Pierre, sur un terrain des Houillères qui sera par la suite cédé à la commune de Gardanne, les matches endiablés Biver contre Gardanne restent gravés dans les mémoires. Encore aujourd’hui, il semblerait que certaines tensions ne soient pas tout à fait apaisées... mais ne parlons pas de ce qui fâche, à Biver, on n’est pas Gardannais, on est Bivérois, voilà qui est dit !

Nous ne pourrons évoquer les loisirs sans Monsieur Mazzi et son cinéma éponyme, « c’était quelqu’un qui nous faisait beaucoup rire, il parlait à moitié français à moitié italien, il nous informait des films qu’il projetait le samedi soir pour les adultes, le dimanche après-midi pour les enfants. C’était un rendez- vous qu’on attendait tous, avec celui des bals, bien entendu. Le bal musette de Battiste qui jouait de la viole, et ce Chapala qui dansait jusqu’à épuisement. De temps en temps, on prenait le car pour aller à celui de la Maison du Peuple de Gardanne. Il ne fallait pas manquer le bus, car ce n’était pas comme aujourd’hui. On se souvient aussi de la concurrence entre les taxis gardannais et le premier car. »

Les images de la guerre sont aussi restées gravées ; la peur des Allemands, les planques, le rationnement, puis l’arrivée des Américains sur la place à la Libération. Depuis Biver a bien changé, les limites entre Gardanne et Biver et entre Biver et Mimet ne se remarquent que par des panneaux, et il a fallu apprendre à vivre avec. « Même si tout ne s’est pas construit du jour au lendemain, en évoquant tous ces souvenirs, on se rend compte que malgré nos conditions de vie souvent précaires, on vivait plus unis, moins séparés par des murs... »

La vie a changé, la petite cité qu’était Biver aussi, pourtant ceux et celles qui y vivent aujourd’hui, quel que soit leur âge, s’y sentent bien.