HÔTESSES
Flight Attendants
Brian Finke,Filigranes
Elles sont à la fois gardiennes
du vide, serveuses de bar aux
petits soins, poupées tirées à
quatre épingles, aides-soignantes
de nos peurs. Elles vivent dans
un monde “nickel”, couleur
d’avion et de tarmacs,
où tout est standard
et en transit, entre chambres
d’hôtels et salles d’attente,
envols et atterrissages,
entre cabines
de toutes sortes et simulateurs
de catastrophes.
C’est un monde
aseptisé. Celui des hôtesses
de l’air. Censé
rassurer. Admettons.
ADOS
(un été)
Marion Poussier, Filigranes
Elles sont entre-elles. Ils sont
entre-eux. Elles s’ennuient. Ils
les regardent de loin. Elles se
demandent si. Ils font les intéressants.
Elles contemplent leur
portable. Ils draguent. Elles s’enlacent
entre elles. Ils se lancent.
Elles les narguent en rigolant.
Ils sont plus timides qu’elles.
Elles embrassent pour de vrai.
Ils font les malins. Elles pleurent.
Ils sont beaux. Entre l’enfant
et l’adulte. C’est l’été. Un
été entre parenthèses. Un été
chez les ados.
MACHINES
Nous resterons
sur terre
Cédric Delsaux, Verlhac
Les premières images sont celles
de la nature, lorsqu’elle modèle
la Terre. Trois pages plus loin
commence le monde des hommes.
Un univers de machines, de
paysages refaits main, d’architectures
impeccables, où tout
est en “x” exemplaires, tous
identiques. C’est le monde des
produits, de l’accumulation et
des déchets. Un monde d’une
étonnante netteté, très très photogénique.
Où l’ordre, jusque
dans le désordre, s’impose à
l’oeil discipliné du photographe.
NUS
Portraits
Éric Nehr, Filigranes
Ils s’appellent Arnaud, Karine,
Margaret, Yakouba, Stéphane,
Fatou, Christine, Robert-Henri,
Darja, Clémence, Audrey, Jean,
Malik, Ludivine, Florence, Robert
ou Sarah. Apparemment,
ils sont nus. On ne voit que leur
visage. Nu, et en couleurs qu’on
dira naturelles. Tels qu’ils sont,
c’est-à-dire ainsi photographiés
par Éric Nehr, ils nous ressemblent.
Lorsque sortis du cadre
protecteur de la représentation,
nous ne sommes plus que nous-mêmes.
Ce sont des portraits nus.
NO MAN’S LAND
Jaffa, la passe
Didier Ben Loulou, Filigranes
C’est un paysage désolé. Un
terrain vague plus qu’une terre.
Ou une terre qu’on n’occuperait
qu’à défaut d’autre chose.
En attendant, ça ressemble
à de la ville. Ou à quelque chose
qui l’a été. C’est un chantier
abandonné où règnent
l’éboulis, l’ordure et la fenêtre
murée. Un no man’s land, où
l’emplâtre est la matière première
de toute création. Et de
tout avenir. C’est la Terre Sainte.
Soi-disant. C’est aussi du
Ben Loulou. C’est-à-dire de
toute beauté.
TABOU
Stigma
Antoine d’Agata
Images en manoeuvres
Il semble que l’art, depuis toujours,
n’ait eu d’autre but, en
forme d’obsession, que de montrer
l’immontrable. Ce que nul
ne peut voir : Dieu, la mort et la
nudité. Interdit qu’on ne pouvait
transgresser qu’à grands
coups d’alibis religieux. Puis vint
la photographie, avec sa manie
de montrer les choses soidisant
comme elles sont. Telles
qu’elles ont été vues, et pour
ainsi dire objectivement consignées.
Il n’y a plus guère que
Dieu qui tarde à se montrer !