Jeudi 2 avril, les salariés de la centrale thermique, désormais filiale du groupe allemand E.on après son rachat à l’espagnol Endesa en juin 2008, sont en grève pour défendre le site de production menacé de fermeture à l’horizon de 2020. La présentation du projet industriel d’E.on a provoqué la stupéfaction. En effet, le projet de construction d’un nouveau groupe de production électrique à cycle combiné gaz de 400 MW à la centrale thermique de Gardanne, promis par l’État et confirmé par Endesa en 2005, est abandonné par le groupe allemand.
L’argument avancé par celui qui est devenu le 3e opérateur énergétique en France et qui a mis un pied dans le nucléaire est bien entendu celui de la crise financière. Une crise qui “obligerait” le groupe allemand à réaliser 6 milliards d’économie sur trois ans, malgré 5,6 milliards d’euros de bénéfices en 2008.
« C’est dramatique, confie Nadir Hadjali, secrétaire du syndicat CGT. En plus de l’annonce de l’abandon de la construction du nouveau groupe, il est prévu l’arrêt de la tranche 4 en 2012 et l’arrêt de la tranche 5 en 2020. Nous sommes très inquiets sur la pérennité du site, car il y a besoin d’investissements. On va vers la suppression de la moitié des 170 emplois pour 2012. »
« c’est le raisonnement d’une boîte privée qui prédomine : combien je produis, combien je gagne de suite »
Les salariés sont écoeurés lorsqu’ils entendent E.on annoncer dans un simple communiqué que la rentabilité du nouveau groupe n’est pas acquise au regard de l’émergence de projets concurrents. « Le début des travaux était programmé pour 2006, détaille Nadir Hadjali. E.on fait valoir la concurrence, mais en réalité c’est le raisonnement d’une boîte privée qui prédomine : combien je produis, combien je gagne de suite. Peu importe le service public, la sécurité et la stabilisation du réseau. Les directions de RTE (Réseau de transport d’électricité, NdlR) préconisent un maillage d’équipements sur un rayon de 80 km, ce qui fait qu’il y a plus une complémentarité qu’une concurrence avec le site de Martigues et celui à venir de Fos, d’autant plus qu’il va falloir fournir Iter en électricité. »
Une fragilité du réseau électrique en région Paca, maintes fois constatée lors de nombreux black-out, comme celui du 3 novembre 2008 ou le plus spectaculaire, celui de l’incendie de 2006. Car, si le nucléaire fournit la grande partie en électricité, les centrales thermiques jouent un rôle essentiel en absorbant les pics de consommation d’électricité. « Nous sommes confrontés ici à une logique financière de court terme et à la déréglementation du secteur de l’énergie » dénonce Karim Ghendouf, conseiller régional à l’énergie venu soutenir les salariés dans l’action.
L’État, actionnaire à 35 %, doit respecter ses engagements
Présent aux côtés des salariés et syndicats, Roger Meï fait part de son émoi aux journalistes et interpelle l’État : « Je suis atterré et scandalisé par la décision d’E.on. Tout était prêt : les autorisations accordées, le permis de construire validé, on a offert des terrains, négocié pour que le gaz puisse venir jusqu’ici, les travaux du canal de Provence pour acheminer l’eau à la centrale entièrement réalisés. Un engagement fort avait été pris pour ajouter un groupe à la centrale dans le pacte charbonnier et confirmé à plusieurs reprises. C’est un véritable déni alors que le Bassin minier est terriblement touché par les menaces qui pèsent sur l’emploi au niveau d’Atmel, de ST Microelectronics, de Rio Tinto Alcan (ex-Pechiney) sans oublier toutes les PME/PMI sous-traitantes de ces dernières. Nous allons nous battre et interpeller l’État, qui est actionnaire à 35%, pour qu’il respecte ses engagements. »
Le mardi 7 avril, plus de 300 salariés des entreprises de la région en difficulté (Atmel, STMicroelectronics, UNM...) se sont rassemblés près de la gare de Gardanne, à l’appel des syndicats CGT, FSU, CFDT, Snesup et en présence de plusieurs élus dont ceux de la commune pour dénoncer “la politique anti-sociale” du gouvernement, à l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy dans la région aixoise.
Pour les manifestants, « venir dans ce département pour faire un colloque avec cinq ou six ministres, c’est une provocation. Sarkozy a mis la ville d’Aix et la ville de Venelles en état de siège. II a décidé de continuer sa politique et de ne pas écouter ce que disent les hommes et les femmes qui en sont victimes. »