Pour aller du centre-ville de Gardanne au campus Georges-Charpak, on peut faire un détour par Las Vegas. C’est là que se tient chaque année le CES, le Consumer electronics show. Et c’est au CES qu’ont été présentés pour la première fois le magnétoscope, le lecteur de CD, le DVD ou la télévision HD.
Quel rapport avec Gardanne ? Cette année, du 6 au 9 janvier, trois nouvelles pousses passées par l’avenue de Mimet (NawaTechnologies, Fenotek et Selerys) étaient présentes là-bas. Car le campus de l’école des Mines de SaintÉtienne n’est pas qu’un endroit où l’on étudie pour devenir ingénieur. On y accueille aussi des startups et des entreprises ayant des besoins spécifiques. C’est le rôle de l’EPRD, l’espace partenarial de recherche et développement, créé en 2004 et qui depuis a accueilli une vingtaine de projets, dont sept créés par des étudiants. Avec un taux de réussite plutôt brillant : 90 % de taux de survie après trois ans, 85 % après cinq ans. Qui dit mieux ?
« L’école des Mines a décidé en 2014 de faire la même chose à Saint-Étienne, explique Michel Fiocchi, directeur de l’entrepreunariat au campus Georges-Charpak. On accueille huit à dix projets sur chaque site. » L’EPRD est différent d’un incubateur (création d’entreprises), de la pépinière (accueil mutualisé) ou de l’hôtel d’entreprises (hébergement, comme au pôle d’activités Morandat).
ANNONCER LES ORAGES, ACCUEILLIR LES VISITEURS À DISTANCE
Ici, on trouve de tout : Selerys, par exemple, est en train de concevoir une solution météo pour prévoir très précisément dans le temps et dans l’espace l’arrivée d’un orage à partir d’un radar au sol. « Il y a des débouchés pour l’agriculture, pour le bâtiment, pour les évènements sportifs, les concerts en plein air... » énumère Fabrice Caquin. Un logiciel auto-apprenant permet de perfectionner les prévisions. Qui sont de plus en plus changeantes, dérèglement climatique oblige.
À quelques portes de là, chez Fenotek, on est fier de présenter son dernier-né : un portier électronique à placer près de votre porte d’entrée baptisé Hi) et qui ressemble furieusement au robot Eve dans le film Wall-E. Connecté à votre smartphone, Hi) vous avertit quand quelqu’un arrive chez vous en détectant les mouvements, en filmant le visiteur et en ouvrant (si nécessaire) votre porte à distance. Terradona et son tri sélectif connecté (énergies 434), Microvitae et son capteur d’activité électrique du cerveau (énergies 394) ou NawaTechnologies et ses batteries du futur (énergies 416) sont d’autres exemples d’entreprises passées par l’EPRD et qui ont grandi depuis.
Car bien sûr, l’objectif final n’est pas de faire le buzz sur les réseaux sociaux en posant aux côtés de ministres à Las Vegas (enfin, pas seulement). Il s’agit de créer des emplois innovants dans des secteurs amenés à se développer fortement dans l’avenir : l’énergie, la protection de l’environnement, la gestion des risques et la santé. En s’ouvrant le plus possible sur l’extérieur, comme l’avait demandé Roger Meï en 2002, le campus Charpak remplit ainsi ses missions d’accompagnement de l’innovation et de diffusion de la culture scientifique.
QUESTIONS À
Maurice Brondino, conseiller municipal délégué à l’économie, la formation et l’insertion et Véronique Sémenzin, conseillère municipale déléguée au développement de la ville numérique
Énergies : Les jeunes entreprises innovantes travaillent sur l’énergie, l’environnement ou la santé. Ces secteurs créeront-ils de l’emploi dans les prochaines années ?
Maurice Brondino : Oui, ce sont tous des secteurs d’avenir. Il y a beaucoup de choses qui se font dans ces domaines. En se développant, ces entreprises vont recruter et chercher des compétences dont certaines existent ici. Il y a des jeunes de tous niveaux, et l’objectif est de garder dans la région des jeunes qui se forment ici et qui partent pour trouver du travail. La Ville est prête à mettre en place des formations pour répondre à la demande des entreprises de ces secteurs.
Énergies : Comment accompagner ces entreprises pour qu’elles embauchent localement ?
M.B. : Il faut d’abord mettre en commun les ressources existantes sur le territoire, les organismes de formation, la MAIO, l’AAI, Pôle emploi, etc. À la Maison de la formation de Biver, on réfléchit à la mise en place, ponctuellement, d’un guichet unique qui regrouperait les différents partenaires de l’emploi et de la formation pour faciliter le contact avec les demandeurs d’emploi et les entreprises. Il faut arriver à mettre en lien les deux bouts de la chaîne. Ces entreprises nouvelles sont aussi une vitrine pour la ville. On peut les mettre en relation avec des demandeurs d’emploi, on peut aussi les aider à trouver des locaux sur place quand elles s’installent ou s’agrandissent. Les ancrer sur le territoire, c’est aussi un moyen de développer de l’emploi ici.
Énergies : Quel est le niveau d’équipement de Gardanne en terme de réseau fibre optique ?
Véronique Sémenzin : À chaque fois qu’on fait des travaux de voirie, on pose des fourreaux dans lesquels on pourra installer la fibre plus tard afin de limiter les coûts et les nuisances. La Ville dispose d’un réseau fibre privé qui dessert les bâtiments municipaux et les écoles. Le réseau va prochainement s’étendre jusqu’à la future cuisine centrale de la zone Avon, Biver et la Maison de la formation. Le campus Charpak est également desservi par le réseau universitaire Renater. Les collèges Péri et Pesquier devraient être raccordés d’ici 2017, le lycée Fourcade un peu avant.
Énergies : Et pour les habitants ?
V.S. : Ça ne dépend pas de la Ville mais d’une structure intercommunale, la Capaix, qui ensuite négocie avec les opérateurs. C’est la même chose pour les zones d’activités. Il faut rappeler que la vidéoprotection est reliée au réseau fibre de la Ville, de même que les contrôles d’accès des salles municipales. Ce sont des services qui profitent déjà aux habitants. On peut envisager que l’accès à Internet via la fibre optique pour les particuliers à Gardanne sera effectif dans quelques années.
Regards croisés
Michel
Fiocchi
directeur de
l’entrepreunariat
au Campus
Charpak de l’école
des Mines de
Saint-Étienne
« Depuis dix ans, le principe de l’EPRD est
resté le même : on accompagne des projets
innovants qui profitent à nos élèves ingénieurs.
La panoplie de services a évidemment
augmenté, les partenaires locaux aussi. On a maintenant
des entreprises qui viennent de l’étranger,
du Canada, des États-Unis. L’objectif est de les fixer
ici. La crise de 2008 a incité de nombreux cadres à
faire une reconversion accélérée et à créer leur propre
entreprise, certains se tournent vers nous. Nos
élèves qui se lancent restent en général un an, un
peu moins pour ceux qui ont un projet lié au numérique
qui nécessite peu d’investissement.
L’important, c’est qu’il y ait une mixité
entre porteurs de projets, élèves et chercheurs. »
Guillaume
Eberwein
Fondateur de
la société Swap,
hébergée
dans l’EPRD
Charpak
« J’ai étudié pendant trois ans ici, sur le campus
Charpak et j’ai gagné un concours interne de
l’école des Mines avec un an d’hébergement à
la clé. Ma grand-mère, qui a 91 ans, s’est perdue un jour
dans Paris. Il y a un million de personnes touchées par
la maladie d’Alzheimer en France, et chacune a en
moyenne deux aidants. C’est pour elles qu’avec quatre
autres étudiants on développe un bracelet connecté
qui signale les chutes, permet de géolocaliser la personne
et donne son rythme cardiaque. Toutes ces infos
sont envoyées sur le smartphone d’un aidant familial.
On a fait un prototype et on travaille avec un CHU de
la région qui le teste. L’idée est de faire un objet
le plus design possible qu’une personne âgée
puisse porter comme une montre. »
Jacques
Kools
fondateur de
la société
Encapsulix,
installée à
la zone Avon
« Comme vous l’avez remarqué à mon accent,
je suis Belge. J’ai passé huit ans chez
Philips aux Pays-Bas, puis j’ai travaillé en Californie
dans la Silicon Valley. Quand j’ai eu envie de revenir
en Europe, Provence Promotion m’a incité à créer
une société dans la région. Encapsulix a été créée
en 2011 et l’EPRD Charpak nous a permis de bénéficier
de la salle blanche. Nous concevons des machines
qui déposent une très fine couche d’alumine
sur des panneaux photovoltaïques, des lampes, des
écrans de téléphone ou de télévision pour les protéger
de la corrosion. Bientôt, les écrans en plastique
souple remplaceront ceux en verre qui sont
lourds et fragiles, mais le plastique est moins étanche
que le verre. Nous sommes actuellement
sept salariés, cinq autres devraient être embauchés
d’ici la fin de l’année. »