A l’étage, on entend Nougaro chanter « Ah tu verras, tu verras, tout recommencera, tu verras, tu verras... » Dans le hall, le chien Renato accueile les visiteurs avec bienveilance. Une bougie brûle doucement, témoin d’une disparition récente. Trois ans après son ouverture, La Maison n’a pas changé. Toujours cette même ambiance, à la fois digne et chaleureuse, toujours cette attention exceptionnelle portée à chaque personne, qu’elle soit malade ou pas.
Et pourtant, depuis trois ans, rien n’est pareil. La Maison est devenue une référence dans le milieu des soins palliatifs, et les demandes de formation ont commencé d’affluer. Parallèlement, au premier trimestre 1996, la mise au point d’une combinaison de trois antiprotéases (des molécules qui agissent à différentes étapes de la reproduction du virus dans la cellule), appelée trithérapie donne des résultats spectaculaires chez les séropositifs et les malades du sida (voir brèves).
Bref, le paysage change à grande vitesse, et c’est à l’équipe de la Maison de s’adapter. Avec une charge de travail qui aurait tendance à s’alourdir, puisqu’à la gestion du quotidien s’est ajoutée depuis 1995 la formation de professionnels médicaux. Des infirmier(e)s et des aides-soignant( e)s en troisième année d’étude viennent faire un stage d’un mois, des étudiants qui préparent un diplôme universitaire et des médecins se perfectionnent dans le domaine des soins palliatifs, des groupes (associations, services hospitaliers) suivent des journées de sensibilisation. « On n’envisage pas de confier ce travail à des formateurs, qui très vite ne feraient que de la théorie, précise Jean-Marc La Piana, directeur. Il faut que la pratique domine, dans le domaine des soins palliatifs, c’est très important. »
Pour autant, La Maison reste une exception. Le milieu hospitalier observe l’expérience avec intérêt et coopère volontiers, mais en trois ans aucune autre structure de ce type n’a vu le jour en France. « C’est très difficile. En théorie, personne n’est contre, mais ça n’aboutit pas, il y a des blocages. A Gardanne, il y a eu beaucoup de facteurs favorables qui ont permis au projet d’aboutir. Ceci dit, quand nous formons des professionnels, le but n’est pas qu’ils créent d’autres Maison, mais plutôt qu’ils évoluent dans le principe des soins palliatifs, quel que soit le lieu. L’essentiel, c’est la qualité de vie du malade. »
Les effets de la trithérapie La trithérapie a donné en un an des résultats spectaculaires. « Elle apporte un espoir : moins de décès, moins de malades, les gens vont mieux, les demandes d’admissions de malades du sida ont baissé. Mais attention : certaines personnes ne réagissent pas à cette thérapeutique. Et personne ne peut savoir combien de temps les effets bénéfiques du traitement vont se faire sentir. Enfin, quand les gens vont mieux, on n’a pas pour autant réglé tous les problèmes, notamment de travail, de logement... »
Parmi les résidents, les retours au domicile sont plus nombreux, même si certains reviennent. Les malades atteints d’un cancer, plus nombreux à la Maison qu’il y a trois ans, sont généralement plus âgés, mais pas toujours : des cas de leucémie notamment peuvent concerner des jeunes.
L’équipe a dû s’adapter à ces changements. Une équipe renforcée, qui compte maintenant 32 salariés (l’équivalent de 27 temps pleins) pour douze lits. « Il Y a eu des départs, bien sûr, quelques conflits mais qui ont été bien gérés, reconnaît Jean-Louis Guigues, responsable des soins. On est une communauté humaine comme une autre, ni meilleure ni pire. L’essentiel, c’est que chacun puisse s’exprimer. Le projet de départ est respecté, on a fait très peu de concessions. Ce qui a changé, c’est plutôt l’organisation du travail. On s’est rendu compte qu’il fallait plus de monde le soir, dans un moment où arrivent les angoisses du début de la nuit. »
Le passage de 10 à 12 lits, début 1996, a entraîné la location et l’aménagement d’une maison située dans la propriété, à l’arrière du bâtiment principal. Elle accueille les familles des malades qui ont deux chambres avec salle de bains mises gratuitement à leur disposition, ainsi qu’un salon qui sert pour les formations et les bénévoles. « Il nous faudrait aussi créer un fonds documentaire, avec quelqu’un qui s’occuperait de ça, » ajoute Jean-Marc La Piana.
Quant au partenariat avec les lycéens ou les associations de la vile, la Maison est ouverte aux propositions, mais ne les sollicitera pas, faute de temps. Les projets ne manquent pas, le courage non plus. Et l’espoir est un stimulant puissant.