Ville de Gardanne
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Centre de microélectronique : le compte à rebours a commencé
CMP / Bruno Colombari
jeudi, 28 mars 2002

S’il n’ouvrira officiellement ses portes qu’en septembre 2005 à Château-Laurin, le centre de microélectronique de Provence, qui portera le nom de Georges Charpak, accueillera ses premiers étudiants dans moins de six mois. Les cours commenceront à Biver, à la Maison de la formation. Directeur de l’école des Mines de Saint-Étienne, Robert Germinet a répondu à nos questions.

Tout s’accélère. Huit jours exactement après la signature, à Bercy, de la convention créant le Centre de microélectronique de Provence, Robert Germinet arrivait à Gardanne pour une conférence de presse et une réunion de travail avec les techniciens et les élus de la commune.

Robert Germinet, c’est le directeur de l’école des mines de Saint-Étienne, auteur d’un rapport au gouvernement fin 2001, dans lequel il décrivait comment créer de toutes pièces cette école d’ingénieurs unique en France, et quelles formations y dispenser. C’est aussi le promoteur, en France, de l’apprentissage par l’action, une méthode pédagogique importée des États-Unis par le prix Nobel Georges Charpak (voir encadré). Lequel donnera son nom au centre de microélectronique de Gardanne...

La boucle est bouclée. Reste maintenant à répondre aux (nombreuses) questions que soulèvent ce projet, le plus ambitieux que Gardanne ait connu en terme de formation.

Pourquoi avoir choisi Gardanne  ?

Robert Germinet : Les fonctionnaires font ce que les politiques décident. Pour ce centre de microélectronique, il y avait plusieurs régions possibles, et dans la région plusieurs endroits possibles. Or la région concentre 35 % de la production microélectronique en France. La décision a donc été prise d’implanter ce centre, qui dépend de l’école des mines de Saint-Étienne, en Provence. Et a proximité d’un grand centre industriel d’environ huit mille emplois directs. Ce sera la première école de classe un, les plus cotées, dans la région.

Quand le centre fonctionnera-til à plein régime ?

Il faut compter trois ans, un an et demi pour les études, un an et demi pour les travaux. Ce sera donc pour la rentrée 2005. Mais auparavant, des étudiants suivront des formations à Gardanne dès la rentrée 2002, à la maison de la formation. Et dès le mois de mai, quelques uns viendront pour des séminaires de quelques jours. Autant dire qu’il va falloir se retrousser les manches !

Pourquoi organiser une première année en tronc commun à Saint-Etienne ? Les Gardannais auront-ils accès à cette formation ?

L’école des mines de Saint-Étienne recrute au niveau bac+2 minimum, sur concours commun mines et ponts. Elle délivre un diplôme d’ingénieur civil des mines. La microélectronique est une des cinq options que nous proposerons en fin de première année. Il faut savoir que ce concours d’entrée est plutôt sélectif, puisque sur toute la France, il y a environ 10 000 candidats pour 800 places disponibles. Maintenant, j’espère que des Gardannais y entreront.

A combien s’élève le coût de la scolarité ?

C’est gratuit, puisque nous faisons partie de l’enseignement public. Il a des frais d’inscription modiques, de l’ordre de 2 500 F par an [environ 380 €].

Ce concours est-il ouvert aux étudiants étrangers ?

On délivre des doubles diplômes avec des universités européennes (Turin, Madrid) ou américaines. Mais les postulants au concours d’entrée sont essentiellement français. Ceci dit, je compte faire venir des enseignants de haut niveau, y compris de l’étranger.

Les industriels seront-ils représentés au conseil d’administration ? Quel sera leur poids ?

Il ne faut pas confondre développer l’industrie, par le biais de la formation d’ingénieurs, et développer telle ou telle entreprise. Le Conseil d’administration de l’école des mines de Saint-Étienne comprend des industriels, et le centre de microélectronique de Provence aura un conseil d’orientation dans lequel les industriels auront leur mot à dire. Mais le contribuable ne doit pas payer à la place des actionnaires  : on va faire de la recherche appliquée, sur du court-terme. C’est-à-dire à l’échelle de quatre ou cinq ans avant des retombées concrètes au niveau industriel.

L’apprentissage par l’action, que vous avez développé avec Georges Charpak, pourrait-il être généralisé à d’autres types d’enseignement ? L’école de Gardanne pourrait-elle être pilote  ?

Historiquement, l’objectif de l’école, c’est la transmission des connaissances. Mais au fil du temps, on a privilégié la mémoire à la créativité. Les ingénieurs sont de plus en plus instruits, de moins en moins créatifs. Or, nous avons besoin d’ingénieurs ingénieux, capables d’anticiper la demande. Avec quelques grandes écoles dans le monde (Pasadena, Manchester, Hong-Kong, Varsovie), nous avons le même souci : réveiller la créativité des ingénieurs. Je souhaite faire du centre de Gardanne un pôle d’excellence, reconnu dans le monde entier pour sa pédagogie innovante. Je souhaite qu’on parle de Gardanne comme on parle de Pasadena.

Mobilisation générale

A peine la signature de la convention a-t-elle finie de sécher que les problèmes commencent. C’est pour les mettre à plat que les élus et les techniciens de la Ville ont rencontré des responsables de l’école des mines de Saint-Étienne, avec à leur tête François Agier, le directeur de l’école d’ingénieurs de Gardanne (qui est déjà sur place, à la Maison de la formation à Biver). Sachant que les bâtiments du centre de microélectronique ne seront prêts qu’en 2005, où s’installeront les étudiants qui viendront à Gardanne dès septembre ? Il va falloir définir des salles dans la Maison de la formation, pour laquelle une signalétique va être installée. La question du gardiennage des lieux est également posée, ainsi que des liaisons en bus depuis le centre-ville. Autre souci : où loger les enseignants, les étudiants et le personnel administratif pendant ces trois années transitoires ? Un recensement des solutions existantes sur Gardanne va être fait. Une rencontre devrait également être organisée dans les prochaines semaines avec les entreprises locales qui pourraient proposer des prestations. Une campagne de communication nationale sera également lancée d’ici l’été « pour faire savoir à tous les étudiants de France que la microélectronique, c’est ici que ça se passe, » selon les termes de Robert Germinet.

Une pédagogie innovante

A l’école des Mines de Nantes, puis à Saint-Étienne, Robert Germinet a mis en place une nouvelle approche de la formation des ingénieurs, inspirée des travaux de Georges Charpak et des expériences menées aux États-Unis : c’est l’apprentissage par l’action. Partant du constat que les ingénieurs français étaient très brillants dans la conception, mais pour la plupart incapables de manier un fer à souder, Robert Germinet élabore une pédagogie qui lie la conception et la production : « un ingénieur d’innovation, un ingénieur ingénieux, doit avoir des idées et savoir les mettre en pratique. » Par le biais d’exercices pratiques à l’aide d’une boîte à outils, le futur ingénieur stimule sa créativité, sa capacité à résoudre les problèmes qui se posent à lui. Bref, à avoir « l’intelligence des situations c’est-à-dire savoir écouter, créer et réagir vite, » plutôt que d’accumuler des connaissances toujours plus denses mais pas forcément en phase avec la réalité du terrain. Cette pédagogie détaillée dans deux livres (L’ingénieur ingénieux et L’apprentissage de l’incertain, aux éditions Odile Jacob) sera donc appliquée aussi à Gardanne. Nul doute qu’elle fera du centre de microélectronique de Provence un site pilote.