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Une puce à l’écoute du cerveau Energies 394 - Bruno Colombari

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Le centre microélectronique Charpak, l’Inserm et la PME gardannaise Microvitae ont mis au point un capteur permettant d’enregistrer l’activité électrique du cerveau bien mieux que les électrodes classiques.

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Centre microélectronique Charpak

VOUS AVEZ SÛREMENT dans votre cuisine un rouleau de film étirable transparent pour couvrir les plats rangés dans le réfrigérateur. Ce film est tellement fin que vous ne le sentez quasiment pas entre le pouce et l’index. Le capteur mis au point par le département bioélectronique du CMP Charpak de Gardanne, l’Inserm à Marseille et la société Microvitae Technologies installée à Morandat fait à peu près cette épaisseur, à savoir quatre micromètres (quatre millièmes de millimètre). Il est souple, et bien sûr, biocompatible. Et pour cause : le capteur doit être déposé à la surface de la masse cérébrale, après avoir pratiqué une ouverture dans la boîte crânienne.

« C’est une puce logée entre deux couches de parylène, explique George Malliaras, professeur au CMP. Elle contient un amplificateur pour capter les signaux électriques du cerveau. » Ce que font déjà les électrodes classiques, mais avec une qualité de signal bien moindre. « D’autant que le battement artériel fait bouger le cerveau en permanence, souligne Thierry Hervé, fondateur de Microvitae. Et que la technique des électrodes implantées en profondeur date d’une vingtaine d’années. » L’Inserm, installé à la faculté de la Timone et son responsable Christophe Bernard sont partie prenante du projet qui devrait permettre des avancées importantes sur la compréhension du fonctionnement du cerveau, notamment pour l’épilepsie. « Ce type de transistor est déjà utilisé, mais pour des expériences in vitro, explique George Malliaras. On travaille avec du vivant sur un support microélectronique. Avec cette puce, on fait le contraire : on l’utilise in vivo, c’est-à-dire qu’on met de la microélectronique dans le vivant. C’est pour ça que le matériel doit être très souple et biocompatible. » Le comité d’éthique doit d’ailleurs donner une autorisation avant que la puce puisse être testée sur l’homme.

CETTE DÉCOUVERTE n’aurait sans doute pas été possible sans un partenariat original entre l’École des Mines de Saint-Étienne, une PME de pointe et une faculté de médecine, qui ont soumis conjointement leur projet à l’Agence nationale de la recherche en 2010. Thierry Hervé le reconnaît : « Je suis venu au CMP pour l’accès à la salle blanche, et je donne des cours ici. L’École des Mines ouvre ses installations aux PME, pas qu’aux grands noms du secteur, c’est très important. » Microvitae a aussi puisé dans le vivier d’ingénieurs fraîchement diplômés et préparant leur thèse, ce qui donne accès à des bourses, notamment de la région Paca.

LES PERSPECTIVES DE CETTE INNOVATION sont gigantesques. Outre l’étude fine de l’épilepsie, il est question de l’utiliser pour des opérations à cerveau ouvert, mais aussi pour permettre aux personnes handicapées de commander par la pensée des prothèses motorisées ou encore pour cibler de façon très précise des traitements médicamenteux. Microvitae technologies est d’ailleurs à la recherche de partenaires financiers pour poursuivre ses travaux : doter la puce d’une transmission sans fil, ou concevoir des électrodes cutanées utilisables pour les électro-encéphalogrammes et les électro-cardiogrammes.