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Un campus dans la ville Energies 407 - Jeremy Noé

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Le CMP Charpak ? On en a tous une idée plus ou moins claire : la recherche, les start-ups innovantes, l’école d’ingénieurs... Mais ensuite ? Le 10e anniversaire, le 25 novembre, de l’implantation de l’école des mines et du centre de microélectronique à Gardanne est l’occasion de faire le point sur ce qui se passe à l’intérieur de l’école.

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25 novembre 2013 : les dix ans du CMP Charpak

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ROUTE DE MIMET, depuis six ans, impossible de rater le Centre microélectronique de Provence. Il y a le bâtiment principal, avec son amphithéâtre (où ont lieu des conférences passionnantes, sur les nano-technologies ou les applications des micro-algues) et sa salle blanche, où chercheurs et start-ups élaborent des nouvelles technologies. Et puis il y a une école, avec ses élèves qui découvrent la liberté, et des enseignants qui se battent pour la faire reconnaître. Bernard Dhalluin, directeur du cycle Ismin, et Thierry Ricordeau, directeur de la Maison des élèves nous apportent quelques explications. Il y a d’abord le nom. CMP ? École d’ingénieurs ? École des mines de Saint-Étienne ?

« Si ça peut vous rassurer, la question de l’appellation fait débat, même entre nous, » sourit Bernard Dhalluin. Il y a donc le Centre de Microélectronique de Provence, site George-Charpak, créé sous la tutelle de l’École des Mines de Saint-Étienne, laquelle y délivre un cursus Ismin sur trois ans : Ingénieurs spécialisés en microélectronique, informatique et nouvelles technologies. Environ 75 étudiants sortent chaque année munis du précieux sésame vers l’ingénierie de la microélectronique.

Mais attention à ne pas les réduire à la microélectronique : « Ce terme, je le laisse volontiers au CMP ! Je préfère insister sur les nouvelles technologies, » intervient Bernard Dhalluin. « On forme ici les ingénieurs qui sauront manier les boulons et les vis du XXI e siècle. » L’image est belle, mais ne répond pas entièrement à la question, pour le commun des mortels. « Nos métiers ? Je prends un téléphone portable. Tout le monde le comprend facilement, il y a forcément des puces (du hardware) et du logiciel (software), qui font tourner tout ça. On va du hard au soft. Le gyroscope et le GPS de votre téléphone qui captent et changent une image sur un plan ou donnent une information. On forme nos étudiants à ça, par exemple, y compris en codant avec l’informatique. Le plus intéressant, ce qui nous est particulier, est dans ce qu’on fait la 3 e année : comment utiliser les nouvelles technologies dans tout ce qui est logistique ou chaîne industrielle. On peut parler aussi de l’internet des objets : le frigo qui communique avec votre smartphone pour vous dire que vous commencez à manquer de beurre et la domotique en général : le contrôle de la maison par électronique, pour vous dire par exemple si quelqu’un s’est introduit dans la maison. L’autre chose, c’est la bio-électronique, soit la liaison entre le monde du vivant et le monde de l’électronique. A titre d’exemple, on a un ancien élève qui travaille à une thèse sur la détection des différents types d’épilepsie, chose qu’on a du mal à faire aujourd’hui. Il a travaillé sur un système électronique pour enregistrer l’activité du cerveau et essayer très tôt d’identifier le type d’épilepsie. On est d’autant plus en avance dans le domaine de la bio-électronique qu’il n’y a encore pas d’activité économique autour ! »

CAR LE TERME D’INGÉNIEURS EST FINALEMENT TRÈS VAGUE.Vous pensiez naïvement qu’il assurait à ces chères têtes blondes un avenir radieux et lucratif ? Ce n’est pas aussi simple. Le diplôme Ismin à Gardanne est très spécialisé, tandis que celui délivré par la maison mère à Saint-Étienne est plus généraliste et plus prestigieux (l’école de Saint-Étienne a été créée sous ordonnance de Louis XVIII lui-même et est riche de presque 200 ans d’histoire). Une situation qui n’est pas sans créer de tensions auprès des élèves et de leurs parents. « Il y a les écoles de catégories A et les écoles de catégories B. Théoriquement, l’École des Mines est de catégorie A, explique Bernard Dhalluin. Nous... on est une formation spécialisée de l’École des Mines. On ne peut même pas dire qu’on est catégorie B, c’est juste qu’on a pas de visibilité. Et puis il faut avouer qu’on ne sélectionne pas au même niveau de concours... On recrute après deux années de classes prépa, Maths sup et Maths spé. Aux concours, les cent premiers choisissent d’intégrer Polytechnique, les mille suivants se répartissent dans les écoles de rang A, et ainsi de suite. Pour résumer, disons que Polytechnique recrute les mentions très bien au Bac, nous les mentions bien... »

Excusez du peu. Mais dans une société où les recruteurs sont arc-boutés sur la valeur du diplôme et de l’école, les élèves, parfois (et leurs parents) ont quelques appréhensions sur cette “école de Saint-Étienne à Gardanne” qui détonne, dans cette petite ville “avec les cheminées.” « Je ne veux pas que les élèves se sentent dans une élite, je leur dis qu’une école en Paca, à cheval sur deux territoires, c’est une chance ! On a une culture ici à créer et à faire valoir. Mon discours passe mal, car c’est vrai qu’il y a tout un prestige autour de l’école des Mines de Saint-Étienne, et que les parents poussent derrière... »

On a un peu l’impression que l’école de Saint-Étienne à Gardanne, le cycle Ismin, est l’enfant terrible des grandes écoles, et doit jouer des coudes pour exister à la fois vis à vis de sa maison mère mais aussi d’autres sites. Complètement à l’image de Gardanne donc, qui doit elle même jouer des coudes entre Aix et Marseille, et bientôt au sein de la CPA. L’école et la ville étaient faites pour s’entendre ! Entre les activités internes à l’école (du Bureau des élèves au Bureau des sports, en passant par le club Poker ou le club Cuisine) et le diplôme, l’EMSE site Georges- Charpak (ne dites plus : le CMP) a noué des liens fort avec la ville.

« Il y a les cordées de la réussite, le soutien scolaire avec les lycées, ça c’est très important. Il y a aussi des activités pour les jeunes avec le service Jeunesse. Nous sommes également intervenus pour de la vulgarisation scientifique faite par nos jeunes au sein du foyer d’enfants en difficultés Delta Sud, qui a très bien marché pendant deux ans. Il y a aussi Ingénieurs solidaires en action, qui fait partie intégrante du diplôme et d’où émergent une dizaine de projets par an qui vont du café philo à la sensibilisation à l’addiction chez les jeunes. Ils sont allés taper à la porte du service Prévention de la ville, lequel est venu monter une intervention à l’école. Chaque fois que nos élèves demandent quelque chose, il y a toujours une oreille attentive de la part de la municipalité (laquelle accueille chaque année les nouveaux étudiants avec un rallye festif, NdlR). Ça facilite l’implication des élèves. Depuis qu’on est là, la Ville fait tout pour nous intégrer dans la population, et inversement. »

CAR IL N’EST PAS QUESTION QUE DE SAVOIR FAIRE, DE COMPÉTENCES, MAIS AUSSI DE SAVOIR-ÊTRE. C’est l’affaire de toute l’équipe pédagogique à Charpak, et en particulier de Thierry Ricordeau, directeur de la Maison des élèves, qui explique : « A la sortie des prépas, les élèves ont été formés aux résultats avant toute chose, ce sont des bêtes à concours. L’école d’ingénieurs, c’est le début d’une certaine autonomie. Il y a des craintes, c’est une découverte, et l’école, à travers la vie associative et la vie en commun, apprend un savoir-être professionnel. Car la différence entre un bon et un mauvais ingénieur se fait aussi sur la capacité à s’intégrer dans une équipe et en entreprise. Le fait de leur dire que la vie étudiante dépasse la question du diplôme et se joue aussi sur l’intégration et l’implication dans sa vie étudiante est important. Il y a un vrai campus sur le site, une résidence, et il y a de la vie, et c’est essentiel. Mais on leur explique qu’ils ne sont pas dans une bulle, qu’il y a un environnement, des lieux, des personnes à respecter. On a une proximité avec eux. Il y a un chargé de résidence qui est sur place 24h/24 et qui intervient chaque fois qu’il y a un problème. Il y a un PC sécurité, avec des gens qui interviennent auprès des jeunes quand la musique dans une chambre est trop forte pour les voisins, et cette présence est très importante. Ca rassure les parents aussi. On voit la transformation des élèves sur trois ans, on les aide à maturer ». « Tout se travail ne s’évalue pas, ne se quantifie pas, glisse Bernard Dhalluin. Mais il se voit dans le regard des élèves qui viennent chercher leur diplôme lors de la cérémonie. On voit que ce n’est pas que l’histoire d’un bout de papier. »