2006, année Cézanne

Rencontres magiques autour de Cézanne Loïc Taniou et Bruno Colombari

Publié le

Le temps fort du centenaire de la mort de Paul Cézanne à Gardanne a eu lieu cet été, mêlant création contemporaine, récital d’opéra, théâtre et installations plastiques. Sans oublier les visites commentées sur les pas du peintre, ainsi que la parution de deux nouveaux livres.

Depuis le début du mois de juin, la grande exposition internationale Cézanne en Provence fait le plein au musée Granet d’Aix. Les Gardannais peuvent notamment y admirer la toile Gardanne le soir. Vue de la colline des Frères représentant le vieux bourg de la commune tel qu’il existait en 1886, avec la vieille église à son sommet. La toile, habituellement exposée au Brooklyn Museum de New York d’où elle ne sort quasiment jamais a ainsi été vue “en vrai” par soixante-quinze élèves de l’école Bayet, les 26 et 27 juin.

Ces derniers ont été invités par les représentants de la mission Cézanne 2006 à visiter l’exposition pour les récompenser de leur réalisation : un livre accompagné d’un cédérom, intitulé “Rencontres magiques”. Un ouvrage à la couverture colorée racontant à travers une biographie un peu romancée la vie du peintre et son séjour sur la commune de Gardanne. Un séjour important dans la vie de Cézanne tant au niveau de sa peinture à laquelle il commence à donner une approche moderne qu’au niveau personnel où il trouve quelques moments de quiétude en se mariant avec Hortense Fiquet et en reconnaissant son fils Paul, qui fréquente l’école communale.

« Une présence du peintre sur la commune de 1885 à 1886 à laquelle la ville a souhaité rendre hommage durant l’année 2006 au travers de nombreuses initiatives culturelles, mêlant des moments de rencontres, de spectacles, d’expositions, de visites,  » confie Mustapha El Miri, élu à la culture.

Venus du monde entier

Depuis le début de l’année, les visites du circuit Cézanne organisées par l’Office de Tourisme (gratuites à Gardanne) ne désemplissent pas. « La fréquentation a été multipliée par trois, explique Flora Safarian. Nous avons reçu aussi de très nombreux journalistes étrangers, des Coréens, des Japonais, des Anglais, des Américains du New York Times et du Travel Weekly. Je pensais que ça se calmerait début juin avec l’ouverture de l’exposition à Granet, mais pas du tout. » Pendant tout l’été, des centaines de touristes et d’amateurs d’art ont découvert les sites gardannais : la maison du cours Forbin, la colline des Frères, le cabanon du Claou et la vue du Payannet.

« Nous avons des inscriptions qui arrivent de toute les régions de France, mais aussi de Suisse, de Belgique, d’Allemagne... La plupart des étrangers comprennent quand même le Français, même si on assure des visites en anglais. » Ce jeudi du mois d’août, alors que le mistral souffle en rafales bruyantes, ils sont une vingtaine à suivre les pas de Flora Safarian. Parmi eux, il y a un retraité berlinois installé à Cassis qui découvre Gardanne avec sa femme. « C’est surtout elle qui s’intéresse à Cézanne, moi je l’accompagne » explique Jurgen Neuman. Sylvette Marty, elle, vient de l’Aveyron où elle enseigne l’histoire de l’art, et a déjà vu l’exposition au musée Granet ainsi que l’Estaque et la Sainte-Victoire. « J’ai découvert tout ça dans le supplément de Télérama. Le fait de venir sur le motif, c’est intéressant, même si beaucoup de choses ont changé. Et pour les élèves, c’est quand même plus vivant. »

De la colline des Frères, Flora explique les parallèles entre Pissaro et Cézanne, décrit la vieille-ville comme une “métaphore visuelle” de la Sainte-Victoire, décrit l’influence de la peinture japonaise. Au cabanon du Claou, le mistral violent penche les pins vers le Sud, alors que sur le tableau de Cézanne, celui au premier plan s’incline vers le Nord. Au hameau du Payannet, un grand-père montre la reproduction de la vue de la Sainte-Victoire à son petit-fils qui n’en perd pas une miette  : « Tu vois, ce tableau, il est dans le bureau du président des États-Unis. Enfin, il y était, car George Bush l’a fait enlever. » Certains bâtiments représentés sur le tableau sont toujours là, cent vingt ans plus tard.

L’étonnant voyage

Le mercredi 19 juillet, un étrange objet rectangulaire et coloré, intitulé “Le voyage immobile” est installé, place Dulcie-September près de l’église. On pénètre à l’intérieur de la drôle de structure pour commencer un étonnant voyage dans l’univers de Cézanne. En effet, “Le voyage immobile” présente sous forme de vidéo un documentaire interactif qui permet une approche sensorielle et inédite des oeuvres de Paul Cézanne, grâce à une interface tactile.

Sur le principe d’un aller-retour entre les paysages de Provence d’aujourd’hui et la peinture de Cézanne, le spectateur explore librement ces deux mondes. Il se dirige ainsi dans de vastes paysages vidéo et panoramiques représentant les sites de l’Estaque, du Jas de Bouffan, des carrières de Bibémus et Gardanne. A travers une exploration ludique, il découvre huit tableaux du maître dissimulés. Une bande sonore accompagne le voyage.

« C’est à chacun de s’immerger à sa manière dans ce documentaire qui ne possède aucun commentaire. Le public est ainsi invité à habiter quelques instants les tableaux de Cézanne, à les approcher de manière inédite. Certains y passent de longs moments en s’attardant sur des détails » nous raconte Marie, médiatrice culturelle, qui sert de guide. Une réalisation du centre européen de création et de développement culturel d’Aix, accueillie grâce au service culturel et vie associative que les Gardannais ont pu découvrir en juillet.

Création, opéra et théâtre

Le jeudi 20 juillet, un concert “Pour saluer Cézanne” est donné à l’église. Ce dernier mélange musique classique contemporaine et projection d’images colorées inspirées des oeuvres abstraites de Cézanne. Une démarche originale qui a proposé une évocation moderne du peintre.

Le lendemain, nouvelle soirée placée sous le signe de Cézanne, qui commence de belle manière par un récital d’extraits d’opéra. Un spectacle spécialement créé pour l’occasion par L’Agence artistique, une association gardannaise. Sur une scène montée dans le parc de la Médiathèque avec en fond de décor le massif de la chaîne de l’Étoile, quatre chanteurs lyriques accompagnés d’une pianiste livrent un récital où l’on retrouve de nombreux extraits d’opéras comme Carmen, Rigoletto, La Tosca, Don Juan, Faust, Don Quichotte, les Noces de Figaro, la Traviatta. La mise en scène est simple et soignée. Un spectacle très plaisant qui devrait bientôt tourner dans la région.

« Une première et une belle réussite, souligne Mustapha El Miri. Il existe un public sur la ville pour la musique classique et le lyrique. Nous réfléchissons à offrir de nouvelles soirées de ce genre dans la programmation culturelle de l’année à venir. » Quelques instants plus tard, sur une autre scène trône un décor représentant un petit village de Provence. C’est “Cigalon”, une pièce de théâtre de Marcel Pagnol qui va être jouée en plein air par la compagnie César Choisi.Toute la verve “pagnolesque” se retrouve dans ce spectacle longuement applaudi par les nombreux Gardannais présents.