Festival d’automne

Rencontres en art majeur Energies 387 - Jeremy Noé

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Le 24e Festival de cinéma a rassemblé 8350 spectateurs tandis que le prix du public consacrait “Foxfire” de Laurent Cantet. Une belle édition, marquée par une poignée de rencontres passionnantes.

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Le Festival d’automne, c’est du 26 octobre au 6 novembre dernier 8 350 spectateurs, contre 7 900 en 2011. Un succès, qui a constaté un certain rajeunissement du public, lequel a primé Foxfire, Confessions d’un gang de filles de Laurent Cantet. Ouvert lors d’une grande soirée en présence de Roger Meï et de Mustapha El Miri pour la projection d’Amour de Mickael Haneke (Palme d’Or 2012 à Cannes), le Festival s’est de nouveau imposé comme un lieu fédérateur et partageur.

Pour l’adjoint à la culture de Gardanne, « plus que jamais aujourd’hui il y a besoin d’intelligence. Et pas seulement de celle qui dépose des brevets et crée de l’emploi... mais de celle qui permet de coexister ensemble, de maintenir une ouverture d’esprit, c’est grâce à l’équipe du 3 Casino et à ses actions qu’on peut continuer à produire des films de qualité, en-dehors de ces superproductions américaines qui ne participent pas forcément au développement de l’intelligence. »

Laurent Cantet -palmedorisé en 2008 pour Entre les murs- est venu défendre devant les Gardannais son dernier bébé, Foxfire. Ou comment un groupe de copines adolescentes se constituent une bande, puis une famille, et luttent, hors la loi, pour trouver leur place de femmes dans la société américaine conformiste des années 50. Son tournage s’est déroulé entre les émeutes anglaises de 2010 et la grève étudiante au Québec de 2012.

« Je me suis dit en attaquant le tournage que les graffitis tagués par les héroïnes de Foxfire, “$ = merde = mort” dans les années 50 pourraient très bien être repris par des gamines d’aujourd’hui, explique le réalisateur. Alors on peut se réjouir de voir que les luttes continuent, que la flamme ne s’éteint pas forcément d’une décennie à l’autre. On peut aussi être un peu désespéré à l’idée que les questions et les problèmes demeurent, et qu’il faut continuer à se battre. »

Après Laurent Cantet, Clara Bouffartigue, issue d’une famille d’enseignants, a traqué une de ses amies profs dans Tempête sous un crâne (actuellement au cinéma). C’est la deuxième fois qu’elle vient à Gardanne, après un premier film qui n’a pas trouvé le chemin des salles. Tempête... est l’occasion de mesurer ses progrès (indéniables), tout en parlant de partage : celui de la passion d’enseigner, et du savoir lui-même, du prof à l’élève.

« Ma mère, enseignante, est devenue chef d’établissement - un collège de Zep dans le Massif Central - quand j’avais 5 ans, et j’habitais avec elle dans un appartement au coeur de collège, explique Clara. Le fait que mon amie prof enseigne dans une Zep m’intéressait énormément, car je suis assez bien placée pour savoir que sous certaines conditions, une Zep peut être le lieu de beaucoup de recherches, de beaucoup d’innovations, notamment en matière de pédagogie. Je ne voulais pas faire un film sur les thèmes habituels d’une Zep, la banlieue... mais plutôt sur la transmission, au travers de l’acte d’enseigner. »

Pour sa part, Stéphane Cazes s’est intéressé dans son premier long-métrage, Ombline (actuellement dans les salles) à la maternité en prison. Un sujet qui l’a obsédé pendant dix ans, et qu’il a développé au gré d’un bénévolat dans l’association Génépi (étudiants visiteurs éducateurs en prison), d’études de sociologie et de psychologie. Une démarche qui témoigne d’une étonnante maturité chez un réalisateur aussi jeune : il n’a pas encore 30 ans, et on lui en donne beaucoup moins...

« Au début je voulais faire un court-métrage sur le lien femme-enfants, et j’ai découvert qu’on pouvait accoucher en prison. Ça m’a scotché, et je me suis dit que ce serait finalement le sujet de mon premier long-métrage. Quel est l’impact de l’incarcération sur les bébés ? Quel est le parcours de ces femmes qui enfantent derrière les barreaux  ? » Le résultat : un film émouvant et juste, illuminé par l’interprétation de Mélanie Thierry.

Enfin, Marie Demart est distributrice chez Kanibal Films (qui a diffusé en France Gasland, documentaire sur les gaz de schiste). Elle est, juste avant le cinéma, le dernier maillon de la chaîne qui permet à la vision d’un réalisateur d’atteindre les spectateurs. La diffusion d’Oliver Sherman au 3 Casino (actuellement au cinéma) était le prétexte pour Marie de parler de son métier et ses difficultés.

« Nous achetons les films à des vendeurs internationaux, pour des sommes qui vont de 7500 à 200 000 €. Nous nous occupons ensuite de placer les films en salles, et d’assurer leur promotion, sachant que nous avons beaucoup moins accès aux exploitants et beaucoup moins de moyens. Kanibal films est une petite structure de deux salariés et demi, absolument pas calibrée pour distribuer les films commerciaux, comme Pathé ou Gaumont. Nous visons plutôt les 15 à 20 000 entrées pour Oliver Sherman (à titre de comparaison, le dernier James Bond a réuni 1,8 million de spectateurs rien qu’en 1ère semaine, NdlR). Pour faire exister ce type de films, c’est un combat face à la vingtaine de productions qui déferlent sur les écrans chaque semaine... »

Ce combat là, l’équipe du 3 Casino et la municipalité vous invitent à le prolonger au gré de vos envie et de vos découvertes, pas seulement pendant le festival, mais 365 jours par an.

De la pellicule au disque dur

Depuis août dernier, le cinéma a équipé deux de ses trois salles en projecteurs numériques. La troisième devrait l’être prochainement. Les films n’arrivent plus sur des énormes bobines de pellicule, mais sur des disques durs externes, en tout point semblables à ceux qu’on trouve dans le commerce. Un investissement global qui, pour 3 salles, se monte à environ 200 000 euros. Le gain pour les spectateurs est évident à l’image, équivalent au passage d’un téléviseur cathodique à un écran LCD HD.

Et on peut s’amuser de ce que deux films aussi différents que le dernier Batman de Christopher Nolan et Amour de Michael Haneke sont diffusés avec exactement la même résolution  !