Santé

La Maison en permanente évolution Energies 136 - Carole Nerini

Publié le

Créé en 1994, le centre de soins palliatifs La Maison accueille des personnes atteintes de graves pathologies (sida, cancer...). Depuis quelques temps, l’équipe développe diverses actions dans le but d’améliorer la prise en charge des malades et de leur entourage, dans la structure ou à domicile. Dernièrement, des groupes de soutien aux familles endeuillées ont également été mis en place pour tous ceux et celles qui en éprouvent le besoin.

Lors de la création de ce centre de soins palliatifs, le souhait était non seulement de prendre en charge les patients et leur famille pendant la maladie mais également de mettre en place un suivi pour l’entourage. Pendant deux ans, l’équipe de La Maison a organisé des groupes de soutien réservés aux familles touchées par un décès dans la structure.

« Depuis le mois de janvier, explique Chantal Bertheloot, coordinatrice à La Maison, nous avons réfléchi à une autre formule et nous avons décidé d’élargir cette action de soutien aux personnes endeuillées, même si les défunts ne sont jamais entrés à La Maison. Nous ne faisons pas de thérapie, mais nous sommes là pour mettre en relation des personnes qui éprouvent la même souffrance, pour leur permettre de s’exprimer, et d’avoir un espace de parole. »

Souvent, ceux et celles qui participent à ces séances n’ont pas forcément perdu quelqu’un récemment. Plusieurs mois sont parfois nécessaires avant de franchir ce pas, avant d’accepter de s’occuper de soi. La Maison a aussi mis en place des groupes de travail et une équipe mobile qui apporte un conseil et un soutien pour la prise en charge des soins palliatifs et de la douleur aux personnes à domicile.

Suite à diverses réunions publiques, et après avoir étudié la question, le docteur La Piana et l’ensemble du personnel ont mis en place une équipe mobile qui intervient dans la région au domicile des malades, pour soutenir les familles et les soignants tant que l’hospitalisation n’est pas envisageable pour le malade. « Nous ne procédons à aucun soin à domicile, souligne le docteur La Piana, et notre objectif est d’apporter quelque chose de nouveau. Nous intervenons tous les jours, 24 heures sur 24, dans tout le département. » Durant deux ans, ces équipes mobiles fonctionnaient grâce aux dons des familles et de quelques organismes ; depuis le mois de janvier, ces actions sont financées à 100 % par l’État.

La Maison est une structure tout à fait unique dans son fonctionnement. Ici, il n’y a pas de blouse blanche, et l’esprit maison est présent partout. Les familles ont la possibilité d’être hébergées sur place, dans un espace aménagé, à l’intérieur même de l’établissement et tout est fait pour qu’elles se sentent à l’aise, proche des patients. Les malades sont considérés individuellement, et selon le rythme de vie de chacun.

On ne réveille pas le malade pour une prise de sang, mais on attend son réveil naturel, on ne le force pas à se lever s’il ne le souhaite pas, on ne lui impose aucune contrainte. Tout est réalisé dans un seul et unique but : que les malades se sentent comme chez eux. Certains sortent en promenade, écoutent de la musique, se promènent librement dans les locaux et dans les jardins, reçoivent des visites ; des ateliers de travaux manuels sont organisés ponctuellement en fonction de l’état de santé des patients et de leur capacité à y participer.

Ce centre de soins palliatifs accueille des malades en grande difficulté médicale et sociale atteints du sida, de cancers, et d’autres maladies neurologiques. Avec une capacité d’accueil de 12 places, La Maison reçoit plus de 100 personnes chaque année. Les premières années, 80% d’entre elles étaient atteintes du sida ; aujourd’hui, avec l’arrivée de la trithérapie (combinaison de trois antiprotéases, molécules agissant à différentes étapes de la reproduction du virus dans la cellule), cette maladie concerne la moitié des patients.

L’arrivée de ce nouveau traitement a apporté un espoir considérable. « La structure est en place depuis maintenant six ans, déclare Jean- Marc La Piana. L’équipe, composée de 34 salariés et de vingt bénévoles garde le cap. La qualité de l’investissement de chacun n’a pas changé. Nous faisons un métier épuisant mais à la fois très enrichissant. Nous travaillons tous dans le même esprit. Les bénévoles font partie de l’équipe à part entière et s’intègrent dans ce groupe en participant à différents titres à la vie de La Maison. Ils aident les malades, les accompagnent, assistent le personnel soignant, et c’est un plus pour tout le monde. Ce n’est qu’en leur faisant entièrement confiance et en leur donnant une vraie place que l’on a les retours que l’on peut constater ici. »

L’équipe fournit un travail non seulement à l’intérieur du centre de soins mais aussi en dehors, en promouvant la qualité de l’accueil des malades, en participant le plus souvent possible à tout ce qui peut apporter quelque chose à l’amélioration de l’état d’esprit des malades. Ainsi, le personnel prend part à de nombreuses conférences, à de nombreux groupes de travail. Dans un lieu comme La Maison, il n’y a pas de place pour la routine. L’équipe doit sans cesse remettre ses actions en question, en suivant l’évolution des maladies, des traitements, de l’état des malades.

Dans un perpétuel souci de solidarité, le personnel projette de tenter un partenariat avec un pays en voie de développement dans le cadre du soin palliatif. L’an dernier, le docteur La Piana a mis en place une conférence internationale sur la prise en charge extra-hospitalière et communautaire des personnes vivant avec le VIH/sida qui a réuni 1300 personnes venues du monde entier.

La Maison est aujourd’hui bien intégrée à Gardanne, comme en attestent les nombreux dons effectués en sa faveur. Chaque année, les collégiens et lycéens organisent des collectes sous différentes formes au profit de l’établissement. Ce qui prouve bien que de nombreux jeunes se sentent concernés par ce fléau qu’est le sida. Les personnes du troisième âge entretiennent également des relations très fortes avec La Maison ; régulièrement, elles confectionnent des gâteaux qu’elles apportent ensuite aux malades, et ces actions persistent dans le temps. Bien entendu, c’est une grande satisfaction pour l’équipe. Pour Chantal Bertheloot, « c’est un peu la preuve qu’il est possible d’appréhender la mort sereinement, sans tabou. »

A La Maison comme à la maison

Fiorella Rebiere est infirmière à l’hôpital de Nîmes. Dans le cadre d’une spécialisation en soins palliatifs, elle a effectué un stage d’une semaine à La Maison. « Je connaissais la réputation de ce centre de Gardanne et je tenais à y faire mon stage. À mon arrivée ici, j’ai tout de suite été frappée par l’ambiance qui règne dès que l’on a franchi le pas de la porte ; par la présence d’animaux tout d’abord, chose que l’on ne rencontre nulle part ailleurs, puis par les rapports privilégiés qu’a l’équipe avec les malades, puis par le fonctionnement de la structure dans son ensemble. Je n’ai trouvé aucun changement entre La Maison et la maison. C’est un monde vraiment à part qui n’est en rien comparable à un hôpital, et il faut y vivre pour le croire. Les malades sont considérés comme des individus à part entière, beaucoup de temps leur est consacré, la qualité des relations est unique, et ici c’est ce qui prime. J’ai appris énormément de choses en une semaine, même si malheureusement on ne peut toutes les mettre à profit ailleurs. »