On entre par un grand portail bleu qui s’ouvre sur une belle bâtisse qui n’a rien d’un centre de soins. De l’extérieur, on remarque les rideaux accrochés à chaque fenêtre, les salons de jardin, la verdure. En poussant les portes, on se retrouve nez à nez avec une fontaine, à droite la salle à manger et ses bouquets de roses sur les tables, à gauche des dizaines de plantes vertes, un aquarium, un salon, un coin pour enfants, des tableaux plein les murs.
La Maison. Aucune blouse blanche, pas d’odeur particulière si ce n’est celle du cake préparé en cuisine pour le goûter, pas d’affolement dans les couloirs. C’est un lieu paisible, une structure au fonctionnement et à l’état d’esprit unique en France. Quarante-deux salariés et une vingtaine de bénévoles assurent tour à tour une permanence. Médecins, aides-soignants, psychologues, sont présents 24h sur 24 pour s’occuper de douze malades, le maximum que La Maison puisse accueillir.
« Douze chambres, c’était déjà bien pour fonctionner comme nous le voulions, explique le docteur La Piana. Aujourd’hui, le besoin d’extension se fait pressant. Nous envisageons très prochainement de déménager pour un établissement qui sera en capacité d’accueillir douze lits supplémentaires pour les malades à long terme, et quatre lits d’accueil de jour. Nous espérons vivement que les travaux de construction dans un autre quartier de Gardanne ne tarderont pas à débuter. »
De gros changements vont donc s’opérer, il va falloir recruter une trentaine de personnes supplémentaires, s’adapter à ce nouveau fonctionnement, tout en essayant de respecter et de reproduire l’esprit Maison qui nourrit l’équipe depuis le début. C’est un souci pour tout le monde, mais la maturité de chacun et l’esprit dans lequel ils évoluent ne devraient que jouer en leur faveur, celle des malades et de leur famille.
Pour l’équipe soignante, le maintien de ces malades à domicile a une importance capitale. Depuis quelques années, une équipe mobile intervient chez les malades pour les soulager, soutenir leur famille, prolonger un maximum ce maintien à domicile ou favoriser leur retour à la maison. Il y a de plus en plus de demandes mais également de plus en plus de personnes et de structures relais.
Quant à la prise en charge de ces malades dans le milieu hospitalier, il semble que la situation s’améliore enfin. « Ici, poursuit le docteur La Piana, nous avons des malades en fin de vie atteints du sida, de cancers, de scléroses. Dans les hôpitaux, la prise de position du ministère de la santé a fait avancer les choses. Petit à petit, grâce aux moyens supplémentaires déployés, ils sont considérés différemment, ce qui prouve que là aussi, les choses évoluent dans le bon sens. »
Ce qui touche plus que tout l’équipe de La Maison, c’est la notion de solidarité qui croît autour d’eux. Lycéens, collégiens, associations, troisième âge et nombreux autres organismes se mobilisent au quotidien par de petits gestes, des collectes, en apportant des gâteaux. « Au départ, notre crainte était que La Maison soit vue comme un mouroir, une image contre laquelle on se bat. Mais on est dans la vie, on s’est rapidement rendus compte qu’on était intégrés dans la ville. On ne remerciera jamais assez la municipalité de nous avoir accueilli. Je tiens à souligner qu’il s’agit d’un accueil au quotidien, une réponse positive chaque fois que nous les sollicitons, un soutien permanent de l’existence de cet établissement. »
Et la reconnaissance va bien plus loin. Marie De Hennezel est écrivain, auteur de La mort intime qui traite d’une histoire d’amour dans un centre de soins palliatifs. L’an dernier, le cinéaste Jean- Pierre Améris (qui a entre autres réalisé Les aveux de l’innocent et Mauvaises fréquentations) achète les droits du livre pour en faire une adaptation au cinéma. Chantal Bertheloot, coordinatrice à La Maison nous explique cette rencontre... l’histoire de C’est la vie.
« Jean-Pierre Améris a puisé son inspiration à Gardanne. Il est venu nous rendre visite plusieurs fois pour s’inspirer du lieu, de l’ambiance, du fonctionnement, de l’esprit. Puis il a écrit son scénario ; La Maison a été reproduite en studio car il était impossible de tourner sur place. Des malades et des membres de l’équipe ont accepté de jouer aux côtés de Sandrine Bonnaire et Jacques Dutronc. Notre cuisinier s’est découvert un talent, nous l’avons trouvé formidable. Ce fut une rencontre inoubliable, une belle alchimie. Ce film est un mélange entre la réalité et la fiction, réalisé avec beaucoup de délicatesse. »
Son producteur, Philippe Godeau a souhaité qu’un livre soit écrit, en parallèle. Là encore, une histoire commence... Antoine Audouard est éditeur. Il se rend à La Maison, en repérage. Le contact est immédiatement établi avec le personnel. Lorsqu’il quitte l’établissement, Chantal s’interroge, une pensée lui traverse l’esprit « ce serait bien qu’il écrive lui-même ce livre. » Au même moment, Antoine Audouard réfléchit de son côté, il est encore dans l’avion, « ce livre, c’est moi qui l’écrirait. »
L’équipe s’est découverte, au fil des pages, s’est complètement retrouvée. Tout ce qui se vit dans La Maison est retranscrit. « Mourir n’est pas facile, explique Chantal Bertheloot. En parler, l’écrire, n’est pas évident. Pourtant, ça fait partie de la vie. Même au sein de l’équipe, on a appris des choses les uns des autres. Antoine a su retranscrire notre vie avec ses propres mots. » Un bel hommage, bien mérité.