L’après-mine

Ailefroide : un centre de vacances pour les Gardannais Loïc Taniou

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Construit de 1946 à 1950 par les mineurs de Gardanne, le centre de vacances d’Ailefroide situé dans les Hautes-Alpes, auparavant réservé aux familles de mineurs, va bientôt être ouvert à tous les Gardannais. La Ville vient de signer avec Charbonnages de France un compromis de vente.

Le jeudi 21 décembre, au Puits de mine Yvon-Morandat, Roger Meï a signé un compromis de vente pour le centre de vacances d’Ailefroide avec Patrick Bouzenot, directeur technique national adjoint de Charbonnages de France, en présence d’une partie de la population minière.

Pour le maire, il était important que « ce patrimoine minier ne soit pas bradé, car c’est le fruit du travail des mineurs qui l’ont construit eux-mêmes et de nombreuses luttes de la corporation minière comme le droit au logement, une protection sociale spécifique et des centres de vacances facilement accessibles au niveau financier. Ce patrimoine ne doit pas être livré à la spéculation, mais doit revenir dans les mains de collectivités ou d’organismes public. »

La ville s’est donc portée acquéreur d’Ailefroide pour un montant de 375 000 euros. Situé au pied du massif des écrins et du Pelvoux, dans les Hautes-Alpes, ce centre se compose d’une bâtisse principale de 81 logements et d’un ensemble de chalets annexes répartis sur une surface de 1,6 hectare.

Avec des pierres et du sable de rivière

« Ce sont les mineurs de Gardanne qui l’ont construit » souligne avec fierté et émotion Jean Sandini qui était mineur et apprenti-maçon au centre Saint-Pierre. C’est l’un des pionniers qui a participé à la construction d’Ailefroide, en 1946, à l’âge de 16 ans. « Nous montions à Ailefroide pour travailler de mai à septembre, avec un camion des Houillères qui marchait au gazogène. Nous partions à 2 heures du matin pour arriver là-haut vers les 17 heures, après avoir franchi un pont en madriers car les ponts avaient été détruits pendant la guerre. C’était une véritable expédition. Je travaillais sur le bâtiment à la maçonnerie tandis que d’autres partaient en camion à la rivière un peu plus bas pour récupérer le sable et les pierres qui nous servaient à la construction. Les voûtes d’Ailefroide ont été bâties à l’identique de celles que l’on retrouve au centre St-Pierre. Nous travaillions sous les ordres de l’ingénieur Plichon. » Jean se souvient aussi du plaisir qu’ils prenaient en allant grimper jusqu’au sommet du Pelvoux ou se baigner dans le lac.

Un centre fréquenté de 1951 à nos jours

De nombreuses familles de mineurs de Gardanne ont fréquenté Ailefroide de 1951 à nos jours. Raymonde Pillone, résidente à Biver, se souvient encore quand elle amenait ses enfants et petits- enfants passer des vacances au grand-air. « J’y suis allée au moins vingt fois. La première année c’était en 1955. A l’époque, il n’y avait pas d’eau, on faisait la queue pour faire la vaisselle. Il y avait de grands placards que l’on partageait. Le boulanger, l’épicier venaient en camion pour vendre leurs produits. »

Une vie conviviale, très appréciée comme en témoigne Patricia, qui a également passé de nombreuses vacances en famille à Ailefroide. « On faisait des randonnées, du rafting, de l’hydrospeed se souvient-elle. On jouait aussi aux cartes ou aux boules. Là-haut c’est la nature, les marmottes venaient nous manger du chocolat dans les mains. Et puis, il y avait des repas communs qui réunissaient tout le chalet. Chaque famille participait à l’élaboration du repas. C’était agréable car le chalet est au bout du monde, près d’un glacier blanc et d’une vaste végétation. »

Des projets culturels et sportifs

En achetant Ailefroide, la ville souhaite conserver la vocation sociale du centre de vacances et continuer d’offrir des possibilités de vacances à moindre coût, facilement accessibles pour les familles disposant de petits revenus. Elle réfléchit par ailleurs à élargir la vocation du centre pour le mettre à disposition d’associations ou d’organismes comme celui des pompiers.

« Ce peut être un lieu de remise en forme, de stages de formation, d’oxygénation dans un cadre exceptionnel souligne Guy Pinet, élu au sport et aux loisirs. Cet ensemble de caractère peut également répondre à de nouveaux besoins culturels, sportifs et pédagogiques. Bien sûr, la ville n’a ni les compétences, ni le souhait de gérer en direct un tel équipement. Nous travaillons à l’élaboration de partenariats avec des structures de tourisme social comme l’UCPA ou d’autres. »

Enfin, avec la disparition de Charbonnages de France programmée pour décembre 2007, c’est le devenir de l’ensemble du patrimoine minier qui pose question. Parmi celui-ci, il existe trois autres centres de vacances situés sur la Côte d’Azur, qui suscitent un grand intérêt de la part de promoteurs immobiliers. Or, la ville est intéressée à acquérir au moins l’un d’entre eux, pour proposer des vacances au bord de mer.

« Pour le centre d’Ailefroide, explique Roger Meï, le ministre François Loos a donné son accord parce que l’enjeu financier était moindre. Mais pour les autres centres, quand on connaît ces sites, on conçoit aisément les convoitises qu’ils peuvent susciter. Nous avons répondu à la mise en concurrence. Il est évident que nous ne serons pas les mieux disant si l’on prend en compte que l’aspect financier. En revanche, nous sommes les mieux disant social. »

Une pétition qui a recueilli à ce jour plus de deux mille signatures va être envoyée au ministre de l’industrie pour lui demander de mieux prendre en compte la proposition de la ville avec sa dimension sociale et culturelle. Jean-Pierre Kucheida, président de l’association des communes minières de France (ACOM), présent ce jour-là, a apporté son soutien à la ville « dans sa défense des intérêts des populations minières et dans sa démarche de conserver les centres de vacances. » Il a notamment critiqué la démarche de Richard Mallié, député de la circonscription, « qui ne connaît pas le milieu minier et qui a été de ceux qui ont souhaité qu’ils soient vendus au prix du marché et non à celui des Domaines. Il faut que ça se sache.  »