Patrimoine

Ailefroide, les mineurs l'ont construit Stéphane Conty

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Niché dans un vallon des Alpes, le centre de vacances d’Ailefroide accueille depuis plus d’un demi-siècle des familles de mineurs. Mis en vente par Charbonnages de France, la commune s’en est portée acquéreur afin que ce lieu, symbole d’un fragment de l’histoire minière de Gardanne, conserve toute sa dimension sociale.

Il est midi, et au terme de quatre heures de route deux cars s’arrêtent à l’entrée d’un parc au milieu duquel trône une grande bâtisse de trois étages, faite de pierre et de bois dans le style typique des maisons des Hautes-Alpes. En arrière plan, la silhouette massive du Pelvoux et ses 3 943 mètres d’altitude s’est parée d’une végétation aux éclatantes couleurs automnales.

C’est avec une certaine excitation qu’une cinquantaine de personnes descend des cars et commence à faire le tour des lieux en compagnie de Roger Meï et de Guy Pinet, élu au développement du sport loisir et détenteur d’un titre de guide de montagne, qui évalue les potentialités du lieu. Ce sont d’anciens mineurs, leurs épouses, leurs enfants.

La plupart connaissent déjà l’endroit, et pour beaucoup les souvenirs affluent des bons moments passés ici. Jean, mineur à la retraite se souvient, « j’ai participé à la construction de cette maison. Je me rappelle même quand nous avons tracé les fondations. C’était en juillet 1946, et à l’époque avec les apprentis on travaillait sur une colonie dans le village voisin de la Vallouise, et aussi sur une maison, ici à Ailefroide. Vues les conditions hivernales particulièrement difficiles, on travaillait sur la construction de mai à octobre environ. »

Montrant le tracé d’un actuel muret il ajoute en souriant « ici il y avait un cours d’eau qui s’écoulait jusqu’au torrent en contrebas. La nuit on dormait sous la tente juste à côté, et le matin on y faisait notre toilette dans l’eau glacée. »

Sur la façade du bâtiment au dessus de l’entrée, on peut aujourd’hui voir la plaque inaugurale datant de 1951. Une fois les portes ouvertes on pénètre dans la grande salle à manger, où est aménagée une cheminée. C’est ici que les familles prennent leurs repas préparés dans des “coins cuisines” individuels.

Les sanitaires et pièces d’eau ont longtemps été collectives, mais au fil du temps des WC et salles de bains seront aménagés dans les chambres. Trois autres chalets de dimensions plus modestes ont également été construits par la suite dans le parc de presque deux hectares.

Après un repas convivial dans la grande salle commune, une visite des étages est organisée pour ceux qui le souhaitent. A cette occasion les commentaires fusent et l’on peut entendre « c’est la première fois que je viens ici. Mon mari qui y a passé des vacances à une époque m’en parlait souvent, » ou encore, « c’est bien que la ville rachète cet endroit et j’espère que beaucoup de gens pourront en profiter. »

Un dernier point sur lequel Roger Meï revient avant le départ, exprimant le souhait formulé par la commune d’acquérir d’autres centres de vacances situés sur la Côte d’Azur et pour lesquels elle a proposé à Charbonnages de France (CdF) un prix supérieur à l’estimation des Domaines. Une proposition favorablement accueillie par CdF mais rejetée par le ministre de l’Industrie qui souhaite qu’à l’exception d’Ailefroide (de moindre valeur), la vente soit subordonnée à des appels d’offres.

Rappelant le fort investissement des mineurs dans la construction de ces centres de vacances et toute leur dimension historique et sociale, Roger Meï invite les gardannais à signer une pétition pour que le ministre révise sa position. Cette pétition qui a déjà recueilli plus de mille signatures est disponible dans tous les lieux publics.