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LFoundry : histoire d’un gâchis industriel
Economie / Energies 410 - Bruno Colombari
mercredi, 12 février 2014

Les 613 salariés de l’ex-usine Atmel de Rousset (dont soixante Gardannais) ont reçu leur lettre de licenciement mi-janvier. Ils se battent désormais pour trouver un repreneur et maintenir l’activité dans un secteur de pointe.

CE 17 JANVIER, ILS SONT PLUS DE DEUX CENTS DANS L’IMMENSE CAFÉTÉRIA DE L’USINE LFOUNDRY(dont la façade arbore toujours l’enseigne d’Atmel) venus à la rencontre de Roger Meï et du député François-Michel Lambert. Deux jours plus tôt, le conseil communautaire de la CPA, réuni à Saint- Cannat, a voté le principe d’une aide d’urgence remboursable pour aider les salariés à maintenir l’outil jusqu’à fin mars (lire p.2). Et ils en ont bien besoin, tant ils ont la fâcheuse impression que depuis deux ans leurs messages n’ont été ni écoutés ni entendus.

« C’est totalement irresponsable que le gouvernement ne soutienne pas ce site industriel, s’emporte Jean-Yves Guerrini, délégué CFDT. A chaque fois qu’on présente un projet de reprise, on nous dit qu’il est viable mais qu’il n’y a pas d’investisseurs. Nous, on pense qu’il vaut mieux avoir un projet qu’un investisseur, parce que des investisseurs sans projet, on a vu ce que ça a donné. »

EN EFFET. PETIT RAPPEL HISTORIQUE : en 1985 ouvre à Rousset l’entreprise ES2 (European Silicon Structures), créée par des cadres venus de Thomson, nationalisé trois ans plus tôt. C’est le début de la Silicon Valley provençale, largement subventionnée par des fonds publics (notamment ceux de la reconversion du Bassin minier). En 1995, le groupe américain Atmel achète ES2 pour s’implanter en France et construit une nouvelle unité de production pour un coût de 2,5 milliards de francs. Il bénéficie de 257 millions de francs (40 millions d’euros) d’aides publiques de l’État, des collectivités territoriales et de la Datar (délégation à l’aménagement du territoire). Un séquoia est planté à l’entrée de l’usine pour symboliser “l’enracinement dans le marché européen”

MAIS DANS LA CONCURRENCE FÉROCE D’UN MARCHÉ DÉRÉGULÉ, l’espérance de vie d’une usine, fut-elle de pointe, n’a rien à voir avec celle d’un séquoia (qui peut atteindre trois mille ans). De fait, en 2010, une fois les investissements de départ amortis, Atmel cède l’usine à une startup allemande, LFoundry, pour un euro symbolique, et se tourne vers le marché asiatique. Loin de relancer l’activité à Rousset, LFoundry va, selon les salariés, taper dans la caisse. 35 millions d’euros auraient ainsi été détournés vers la maison mère en Allemagne.

Le 26 décembre dernier, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de LFoundry, ce qui signifie un plan social pour 613 salariés (dont 60 Gardannais). Alain Botel est l’un d’entre-eux. « Le reclassement des salariés licenciés va coûter 80 millions d’euros. Il faudrait 25 millions pour maintenir l’activité pendant six mois et tenir jusqu’à l’été 2014 où il était prévu de lancer de nouveaux modèles de puces pour lesquelles on avait des commandes. La Silicon Valley française est en train de s’écrouler. ST Microelectronics est en difficulté, et si on ferme, ils vont l’être encore plus car on mutualise les coûts, notamment pour le traitement de l’eau. »

LA SOLUTION VIENDRA-T-ELLE D’UN REPRENEUR FRANÇAIS basée en Californie, General Vision ? Guy Paillet, son directeur, se dit intéressé par Rousset mais n’a pas les fonds pour reprendre l’usine. Quant à l’État, il pointe pour l’instant aux abonnés absents, Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, ayant affirmé que « L’État n’a pas à se substituer à un repreneur. » Ni à soutenir un fleuron technologique qui s’est développé avec de l’argent public ?


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