Santé

Urgence médicale Energies 304 - Stéphane Conty

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Le 13 octobre dernier, le mouvement mutualiste français organisait un débat public à Marseille sur l’état du système de santé Français et sur les risques que font peser sur lui des projets de loi actuellement en débat. La ville de Gardanne, dont le réseau de soins est particulièrement développé, était invitée à témoigner.

Cet automne seront discutés au Parlement le Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale 2009 ainsi que la loi portant sur la réforme du système de soins. Le déficit de la Sécurité sociale est estimé à 12,7 milliards d’euros pour 2008. Les mesures envisagées pour y faire face accentuent globalement la remise en cause du principe de solidarité du système de soins Français mis en place en 1945 avec la création de la Sécurité sociale.

Une militante mutualiste l’a d’ailleurs rappelé lors du débat auquel ont participé des représentants de la commune et du centre de santé F-Billoux : « En 1945 on était remboursé à 95%, maintenant on ne l’est plus qu’à 70%. Une complémentaire santé est devenue nécessaire pour payer la différence, ce qui laisse sur le bord du chemin ceux qui n’en ont pas les moyens. Pourtant le principe fondateur de la Sécu c’est que chacun côtise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins. »

En 2004 la mise en place des forfaits de 1€ et 18€ avait augmenté la part des ménages dans les frais de santé. En 2008, trois nouvelles franchises sont venues s’ajouter dont notamment 0,5 € par boîte de médicaments. Bien que plafonnées, elles peuvent représenter une dépense annuelle allant jusqu’à 100 €, sans compter la liste croissante des médicaments non remboursés.

Les mutuelles “ponctionnées” d’un milliard d’euros !

Des franchises qui touchent même les malades atteints d’affection longues durée (ALD) qui sont d’ailleurs dans le collimateur du gouvernement. Celui-ci a un temps songé à leur retirer le 100 % comme l’a souligné Bruno Pascal Chevalier, membre du s’interroge sur le bien-fondé de l’idée que sous-tend leur instauration : « En parlant des franchises, la ministre de la santé Roselyne Bachelot a déclaré qu’il fallait responsabiliser les malades. Un malade du cancer ou du sida a-t-il besoin d’être responsabilisé ? »

La réforme de l’hôpital est un autre sujet de préocupations comme le souligne Guy Fischer, sénateur communiste qui siège depuis 13 ans à la commission des affaires sociales : « La réforme hospitalière du gouvernement prévoit notamment la fermeture de 300 hôpitaux sur les 1 300 que compte la France et la réduction du nombre d’établissements sociaux et médico-sociaux qui passeraient de 30 000 actuellement à 3 000 ! »

Un malade du cancer a-t-il besoin d’être responsabilisé ?

D’autres solutions, il en existe pourtant. « Une augmentation de 1% de la masse salariale, c’est 2 milliards d’euros pour les caisses de la Sécurité Sociale. Réduire le chômage c’est augmenter le nombre de cotisants, » explique Guy Fischer. Les exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises et censées développer l’embauche ont également été très critiquées. Elles représentaient 27,9 milliards d’euros en 2007 et sont estimées à 31,7 milliards pour 2008.

Dernier point abordé dans ces débats, la place des acteurs de la santé dans le système de soins, et notamment de la mutualité. Fort de plus de 18 millions d’adhérents et concernant quelque 38 millions de personnes, le mouvement mutualiste est en effet un acteur majeur du système de soins. Obligé par la loi d’avoir des “réserves financières”, le gouvernement prévoit d’y “ponctionner” un milliard d’euros. Une augmentation théoriquement “exceptionnelle” dont les organismes concernés craignent cependant la pérennisation, ce qui ne serait pas sans conséquences sur le coût des complémentaires santé.

Martine Corubolo * : « Maintenir une offre de soins de qualité »

Comment se positionne le centre de santé François- Billoux dans l’offre de soins à Gardanne ?

Nous accueillons 25 000 patients par an et dressons quelque 50 000 actes. Nous avons une offre de soins complète, avec des médecins généralistes et une quinzaine de spécialités. Notre souci est de maintenir un plateau technique de qualité, nous ne proposons pas des soins au rabais. Nous travaillons en secteur 1 (sans dépassements d’honoraires). Nous sommes ouverts 6 jours sur 7 et assurons des gardes de nuit et le week-end. Le centre est ouvert à tout le monde, mutualistes ou non. Nous remarquons depuis quelques temps déjà une augmentation de publics sans mutuelle et de bénéficiaires de la CMU. Nous constatons aussi que de plus en plus de nos patients tardent à se soigner faute de moyens.

De quels moyens dispose le centre et quelles sont ses difficultés ?

Financièrement nous fonctionnons avec les actes remboursés par la Sécurité sociale, nous avons des accords avec les mutuelles qui assurent le tiers-payant et nous avons des subventions des collectivités même si celles-ci deviennent de plus en plus difficiles à mobiliser. Le parcours de soins et le médecin traitant, nous les pratiquons depuis la création des centres. Tous nos spécialistes ont aussi un cabinet privé, et ils trouvent ici à leur disposition les mêmes moyens. Mais notre équilibre financier est de plus en plus difficile à assurer. En cas de défaillance à ce niveau, nous risquerions la mise sous tutelle et même la fermeture.

* Directrice du centre de santé François-Billoux.

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Energies 304
30 octobre 2008