Logement social

Un sursis pour les expulsions Bruno Colombari

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Le ministre de la cohésion sociale a annoncé la suspension des expulsions dans le parc HLM pour les locataires "de bonne foi." Dans le même temps, le gouvernement diminue les crédits de l’aide sociale aux familles en difficulté

Simple effet d’annonce ou premier effet de la "cohésion sociale" ? Le nouveau dispositif de prévention des expulsions dans le logement social, présenté le 13 mai par le ministre Jean-Louis Borloo a eu pour effet immédiat de geler les procédures d’expulsion en cours pour les cas d’impayés de loyer, sous réserve que le locataire fasse preuve de sa bonne foi. En clair, qu’il s’engage dans le cadre d’un protocole d’accord avec l’organisme HLM et le Préfet à reprendre immédiatement le paiement du loyer en échange du rétablissement des aides personnelles au logement. Jusqu’à présent, ces dernières, qui peuvent représenter jusqu’à 80 % du montant total du loyer, étaient supprimées dès que le jugement pour non-paiement de loyer était prononcé. Le protocole prévoit que l’organisme HLM s’engage à ne pas entamer de procédure d’expulsion et que le préfet s’assure que les locataires puissent bénéficier du FSL (fonds de solidarité pour le logement).

« Depuis longtemps les travailleurs sociaux alertaient les services de l’État sur la situation des expulsions, explique Josiane Roche, assistante sociale au CCAS de Gardanne. Mais le plan Borloo n’est pas novateur : il ne fait qu’appliquer la loi contre les exclusions, » laquelle date de 1998. « Quant à la bonne foi des locataires, elle était déjà évoquée dans la loi Besson de 1991. » La nouveauté réside plutôt dans le fait que le gouvernement semble prendre enfin conscience de la gravité de la situation. Mais, dans le même temps, il restreint considérablement le financement des mesures ASEL (accompagnement socio-éducatif lié au logement) qui permet de suivre notamment les familles menacées d’expulsion, pendant six mois ou un an. « Nous avons appris début juin que les budgets pour ces mesures baisseraient de moitié cette année, dans le cadre de la décentralisation, rappelle Georges Felouzis, directeur du CCAS. Elles nous permettaient de suivre environ 25 familles chaque année. Si ces mesures sont réduites, nous ne pourront plus suivre les salariés précaires qui sont de plus en plus nombreux à être concernés. » En 2001, 36 procédures d’expulsions ont été déclenchées à Gardanne, contre 41 en 2002 et 22 en 2003. Si elles n’aboutissent qu’exceptionnellement à une expulsion avec recours à la force publique, il ne faut pas oublier que souvent les gens partent d’eux-mêmes la veille de l’échéance.

« La question du logement est en train de devenir le problème majeur, avant même celle de l’emploi, conclut Georges Felouzis. Sans travail, il existe des solutions pour vivre. Mais si on perd son logement, on perd tout. » Le plan national de cohésion sociale annoncé par Jean-Louis Borloo permettra-t-il d’inverser la tendance ? Il est permis d’en douter. D’autant plus que les mesures annoncées ne concernent pas les locataires du secteur privés (4,5 millions de ménages). Pour eux, les expulsions ne sont suspendues que du 1er novembre au 15 mars.

Georges Pazzaglini * : "Un soutien aux locataires de bonne volonté"

Quelle est la position de la municipalité par rapport aux expulsions ?
GP : C’est très clair : les mauvais payeurs qui ont des rentrées d’argent et qui ne paient plus leur loyer sont indéfendables. En revanche, ceux qui sont en grande difficulté mais qui sont de bonne volonté et qui essaient de s’en sortir, on les aide, d’autant plus s’il y a des enfants. Pour nous, c’est une question de crédibilité devant les bailleurs. On ne peut pas défendre n’importe qui n’importe comment, sinon ils ne nous écoutent plus.

Comment intervenez-vous quand il y a risque d’expulsion ?
GP : Une enquête sociale est réalisée. Je reçois les personnes, on examine les possibilités de maintien dans le domicile. La plupart du temps, nous empéchons l’expulsion qui ne fait qu’aggraver des situations de détresse.

La situation s’est-elle aggravée ces dernières années ?
GP : Oui. On est dans un goulot d’étranglement. Il n’y a plus de "turn-over" dans le logement social, et alors que le souci des familles était l’accession à la propriété, maintenant c’est plutôt le maintien dans le logement. La résidence sociale nous permettra de proposer des solutions autres que l’hôtel pour le relogement d’urgence.

* adjoint au maire chargé de l’action sociale.