Incendies

Un été de cendres Bruno Colombari

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Comme on pouvait le craindre, le pire est arrivé au cours de cet été sec et balayé par le vent. Gardanne aura été touchée deux fois, le 31 juillet à la Malespine, et surtout le 6 août dans le terrible incendie du Montaiguet. A chaque fois, des habitations ont été détruites. La Ville a réagi très vite pour apporter de l’aide aux victimes.

Quand les sirènes retentissent, dans l’après-midi du 6 août, nul ne mesure encore l’ampleur de ce qui va se passer. Mais avec ce mistral qui souffle en rafales, l’inquiétude est de mise. La veille, déjà, soixante hectares ont brûlé au Sud d’Aix, dans le massif du Montaiguet.
« Le feu a été maîtrisé dans la nuit, à 3 heures du matin, raconte le capitaine Dy, chef de corps au centre de secours de Gardanne. Il faut se souvenir du contexte : personnel fatigué, vent violent, pas de Canadairs. Le samedi, vers 14 heures, on signale des reprises de toutes parts et des renforts sont demandés. Après, c’est un nouveau feu qui n’est pas maîtrisable. Le front fait un kilomètre de large. Les Canadairs auraient été utiles pour attaquer les reprises avant que le feu ne devienne incontrôlable. »
Attisées par un vent violent soufflant du Nord-Ouest, les flammes sautent les crêtes et dévastent les vallons de Roman, Rambert et les flancs du Payannet. En fin d’après-midi le centre commercial Champion est évacué par mesure de sécurité. Au-dessus de Gardanne, le ciel d’été est obscurci par un énorme panache de fumée marron qui s’étire en direction du Sud-Est. Il sera visible jusqu’à Toulon.
Les 800 pompiers (en comptant des renforts venus du Gard, du Vaucluse, du Var et d’Île-de-France) sont appuyés par quatre Trackers, quatre hélicoptères bombardiers d’eau, le gros hélicoptère Air Crane et le tout nouveau Dash 8, dont l’anecdote retiendra que c’est à Gardanne qu’il a combattu son premier feu. L’objectif est de couper la route des massifs boisés en direction de Gréasque et de Mimet. La D7 entre Gardanne et Luynes et la D6 (fermées à la circulation) servent de point d’appui. Mais ce n’est pas suffisant. Les flammes sautent la voie rapide à hauteur de Chabanu, longent le petit chemin de Saint-Estève et grignotent de la végétation au quartier Ribas, menaçant la colline du Cativel qui surplombe le centre-ville. A quelques mètres de là, le feu entame l’extrémité de la ZI la Palun avant d’être éteint au pied de la centrale thermique. Sur les 520 hectares parcourus, 268 sont sur la commune de Gardanne qui compte aussi vingt-sept maisons touchées, dont cinq partiellement ou totalement détruites. Deux exploitations ont disparu dans les flammes, les serres de M. Amoretti (magasin Baobab) et l’élevage de poulets de Chantal Valence.
« Soyons clairs : je me réjouis qu’il n’y ai pas eu de victimes chez les habitants et chez les pompiers, affirme le capitaine Dy. Deux camions ont brûlé et les pompiers ont été évacués de justesse. Il ne faut pas oublier nos priorités  : la protection des personnes, des biens et de l’environnement, dans cet ordre. »

Des flammes deux fois plus hautes que les pins

La maison de Mme Pelegrin, sur le chemin de Châteauveyre, a pu être sauvée du feu qui a sauté la crête, sur les hauteurs de Payannet. « C’est la troisième fois que ça brûle ici, alors vous comprenez, on a pris nos précautions. On a une citerne, au-dessus, qui doit faire l’équivalent d’une trentaine de camions de pompiers. » La bâtisse et les abords sont intacts, mais tout le reste du terrain est calciné. Ce qui est dur à digérer, ce sont les curieux, sans la moindre gêne. « Hier, j’en ai vu un qui est entré par le portail. Il s’est installé sur la terrasse et il filmait. Des souvenirs de vacances, sans doute. »
Gilbert Cortès habite au chemin de Chabanu. « Cette maison, je l’ai faite construire il y a trente ans. Ma femme est partie avec la voiture, je suis resté pour voir ce que je pouvais faire, mais que voulez-vous, quand les flammes ont fait le double de la hauteur des pins, je n’ai pas pu tenir, je suis parti en abandonnant la maison. Les volets ont brûlé, mais le feu a été arrêté par le double vitrage. Dehors, 36 oliviers ont brûlé, des abricotiers, des amandiers, un noyer, un saule. Les pompiers ? Ils ne pouvaient pas être partout... »
Dans le vallon Roman, Paul Tomatis a perdu sa maison. Il a refusé d’être évacué par les gendarmes et était là quand le feu a tout détruit. « Il est entré par la véranda, ça a fait éclater le double vitrage et ça a tout dévasté. Rien que le bruit vous paralysait, c’était comme dix TGV. » Du salon, de la chambre, de la salle de bains, il ne reste plus qu’un amas de gravas et de bois calcinés, une carcasse de machine à écrire, quelques livres roussis. « Il a fallu onze ans de travail pour réhabiliter cette maison, la maison de mon père quand il est arrivé d’Italie en 1923. J’avais une cheminée du 17e siècle en pierre de Fontvieille, regardez ce qu’il en reste. » Paul Tomatis parle, parle encore. La nuit, il ne dort pas. Il écrit des dizaines de pages. « Je recherche des photos de ce que j’avais, je demande à des amis. Je m’en fous de la valeur, ce que je voudrais c’est retrouver ce que j’avais... »

Mobilisation générale pour soutenir les sinistrés

Dès le samedi, sous la responsabilité du maire Roger Meï (qui devra même être hospitalisé dans la nuit pour une semaine suite aux émanations de fumée), d’Yveline Primo 1ère adjointe et de Jeannot Menfi, adjoint, le dispositif d’urgence est mis en place au gymnase de Fontvenelle, prêt à accueillir les familles évacuées. Des centaines de repas sont servis par la cuisine centrale toute proche, notamment aux pompiers qui ont établi leur quartier général au centre de secours. Les élus, les services techniques, la police municipale, le CCAS, les services financiers, environnement, communication et habitat se mobilisent pour venir en aide aux victimes dans le cadre d’une cellule de crise qui fait un point quotidien.
Dès le lundi, Yveline Primo, Jeannot Menfi et Max Pierrazzi se rendent au domicile de chaque sinistré. Les personnes âgées isolées sont visitées par le personnel du CCAS, la maison de retraite accueillant l’une d’elles. En attendant le rétablissement de la télétransmission (qui dépend du réseau téléphonique), les aides-ménagères assurent le relais avec leurs visites quotidiennes.
Les conteneurs poubelle collectifs détruits par le feu sont remplacés dès le lundi matin, et quatre bennes de 15 mètres cubes sont installées pour évacuer les principaux déchets. Des tournées spéciales de ramassage de déchets végétaux sont organisées pendant plusieurs semaines pour faire face à la demande. Enfin, les quartiers Roman, Rambert, Payannet, Chabanu, Milhaud sont interdits à la circulation pendant quinze jours, afin d’éviter le ballet de curieux et aussi les vols. Le CCAS centralise pour sa part les propositions d’aides matérielles et financières (elles seront nombreuses) et les appels de ceux qui ne parviennent pas à joindre leur famille ou leurs proches. La Ville fait appel à un cabinet d’expertise et propose pendant dix jours une permanence d’aide juridique aux sinistrés. Une assistance psychologique est également mise en place avec l’APERS, une association d’aide aux victimes qui intervient le reste de l’année à la Maison du droit.

Le vendredi 12, le comité d’intérêt de quartier Gardanne Ouest réunit les habitants à l’écomusée. Près de 150 d’entre eux sont venus. « Il s’est passé des choses fortes, souligne le président Daniel Imbert. C’est le moment où se manifestent des solidarités et du dévouement. Mais il faut proposer des mesures pour éviter que de tels drames se reproduisent.  » Pierre Ferrarini, pompier à la retraite, raconte qu’il a tenté de sauver la maison de Paul Tomatis avec son matériel de pompage installé près d’une piscine voisine. « Mais les gendarmes nous ont demandé de partir. Il a fallu tout remballer. » Parmi les riverains, certains s’étonnent que les bornes agricoles disposées dans le quartier n’aient pas été utilisées par les pompiers, qui se sont ravitaillés à la borne de l’écomusée. Une nouvelle piste DFCI, ouverte en juin dernier, n’était apparemment pas connue des sauveteurs. « Il faut vraiment améliorer la coordination, » a souligné Daniel Imbert.

Les pompiers ont évité le pire

Le capitaine Dy s’agace des critiques adressées à l’organisation des secours et explique les difficultés qu’il y a à traiter un tel sinistre en contentant tout le monde. « Il est évident qu’on doit tenir compte de ce qui s’est passé. Il y a toujours un débriefing, dans ce cas il est fait au niveau départemental. Par exemple, nous avons fait des remarques sur le débroussaillement car même si des efforts importants ont été réalisés en matière de débroussaillement au sol, il ne faut pas négliger le débroussaillement vertical, l’élagage. Et compte- tenu du mitage dans les massifs boisés et de la sécheresse répétée, il est certain que des incendies de ce genre se reproduiront. Mais arrêtons de casser du sucre sur le dos des 800 pompiers présents ! Les sapeurs - ceux de Gardanne notamment - ont tout donné sur ce feu, ils ont été mobilisés pendant dix jours et ils ont fait preuve de beaucoup de professionnalisme. »

Déjà, le 31 juillet, le pire avait été évité. 8,6 hectares ont été ravagés par les flammes, et plusieurs centaines d’hectares ont été menacés dans le quartier de la Malespine. Une cinquantaine de véhicules, deux cents sapeurs pompiers issus de toute la région et quatre Canadairs ont été engagés. Comme l’explique le capitaine Dy, « l’obstacle naturel de la carrière et de la déchetterie nous a beaucoup aidé. Une habitation a été détruite. D’autres personnes ont été confinées dans leur logement et ont su garder leur calme. »
L’incendie, probablement d’origine criminelle se serait propagé plus vite encore si le débroussaillement imposé par la loi n’avait pas été respecté. Le couple de retraités qui a perdu sa maison a été relogé provisoirement par la ville dans un appartement à l’avenue de la Libération.
L’Écomusée a aussi été touché dans la nuit du 4 au 5 août et 4 hectares ont été détruits. Le parcours de découverte, fermé au mois d’août, vient de réouvrir en intégrant les parties brûlées. Elles serviront à montrer les conséquences de l’incendie et la manière dont un sol calciné peut être réhabilité. Directeur de l’Écomusée, Luc Langeron souligne que pour la réhabilitation, « on a vocation à être exemplaire. Il faut garder la mémoire de ce qui s’est passé. Il faut aussi tenir compte de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. On critique beaucoup le pin d’Alep, mais ce n’est pas le pin qui est en cause, c’est ceux qui mettent le feu. » Présent le 12 août devant les riverains aux côtés de Bernard Bastide (adjoint à l’environnement) et de Max Pierazzi, Philippe Pintore élu délégué au développement économique a rappelé que « la Ville a la volonté de maintenir les zones naturelles et agricoles dans le cadre du Plan local d’urbanisme en cours d’élaboration. »

La municipalité va préparer dès ce mois-ci un plan de réhabilitation des sites incendiés, en partenariat avec les habitants, les associations et les organismes forestiers. Nous reviendrons en détail sur cette initiative dans un prochain numéro.

Une aide juridique précieuse et appréciée

Sollicité par la Ville, le cabinet d’expertises Galtier a dépêché à Gardanne l’inspecteur commercial Franck Cuny. Celui-ci a passé dix jours à rencontrer les sinistrés et à les aider dans leurs démarches auprès de leur assureur.
« La plupart des particuliers ne savent pas ce qu’il y a dans leur contrat d’assurances. Après un sinistre, les gens sont perdus : qu’est-ce que je dois faire ? J’ai fait plus du social que du juridique, mais les gens qui venaient avaient besoin de ça. Je les ai aidé à faire un dossier d’état de perte. Avec ça, quand ils rencontrent l’expert, les gens sont préparés. Leur objectif, c’est de retrouver leurs biens le plus vite possible. »
Une des questions qui revient le plus souvent, pour ceux qui n’ont pas tout perdu, c’est de savoir qui va payer la remise en état du jardin quand celui-ci a disparu dans les flammes ? « Personne, tranche Franck Cuny. Dans la plupart des contrats, les espaces verts ne sont pas couverts, sauf clause spéciale. Il est possible d’assurer son jardin, mais ça représente un coût supplémentaire. »
En revanche, il est tout à fait possible de se faire payer le temps passé à remettre son habitation en état. Ça peut représenter des dizaines d’heures de travail, et à un taux proche du SMIC horaire, ça fait des sommes conséquentes.
Rappelons également qu’après un sinistre, un habitant doit protéger son bien, sinon il risque d’être mal remboursé en cas de vol par exemple.
Mieux vaut ne pas attendre d’avoir tout perdu pour prendre quelques précautions utiles : « Vérifiez que le nombre de pièces, la surface de la maison indiqués sur votre contrat sont bien conformes à la réalité. C’est important de prendre une heure pour faire la liste des biens dans la maison. La plupart des gens n’ont aucune idée de la valeur de ce qu’ils possèdent. Or ça va très vite, on arrive facilement à 40 ou 50 000 euros. Dites-vous bien que l’assureur ne vous demandera pas si vous avez du nouveau chez vous, c’est à vous de le signaler. »