Forum des énergies

Transition énergétique : le temps presse Energies 395 - Bruno Colombari

Publié le

Trois débats publics ont animé le forum Terre d’énergies, du scénario négaWatt à la transition énergétique en passant par la précarité. De toute évidence, la crise environnementale percute la crise économique et rend indispensable une politique publique ambitieuse en matière d’énergie.

Voir le dossier
Terre d’énergies positives

DEPUIS 1950, nos sociétés ont amélioré leur confort grâce à l’exploitation des ressources naturelles. L’énergie abondante a permis des déplacements plus nombreux et plus rapides, l’achat de produits de haute technologie, des logements chauffés et climatisés, la consommation importante de viande, une diminution du nombre d’agriculteurs au profit d’emplois du tertiaire...

Mais les énergies fossiles s’épuisent. Si les réserves prouvées de charbon sont encore conséquentes (218ans de consommation au rythme actuel), celles de gaz (63 ans) et de pétrole (41 ans) arrivent au bout. Pour le pétrole, le pic de production est déjà atteint alors que la consommation continue d’augmenter. D’où la flambée des prix et les tensions internationales. A la question de l’épuisement rapide des ressources s’en ajoute une autre, encore plus grave : le réchauffement climatique.

En un siècle, la température moyenne a augmenté de un degré. Et l’augmentation prévue pour le 21e siècle est beaucoup plus élevée (entre 2° et 4° selon le GIEC). Les principaux responsables de ce changement climatique sont bien connus : il s’agit des gaz à effet de serre (GES). On sait que la Terre peut en absorber chaque année 3 milliards de tonnes par le sol, la mer et les végétaux. Pour ne pas dépasser ce seuil, chaque habitant ne devrait pas produire plus de 500kg par an (en fait moins, puisque la population mondiale augmente). Et ce n’est pas grand chose : « 500kg, c’est ce que produit une voiture au bout de 5000km en zone urbaine. Ou un aller-retour Paris-New York en avion. Ou encore construire 4m2 d’un logement, » explique Olivier Giovannangeli, coordinateur d’Écopolénergie. Autant dire qu’avec notre mode de vie actuel, on n’y arrivera pas.

D’OÙ LE SCÉNARIO NÉGAWATT élaboré par l’association du même nom et mis à jour en 2011. Ce scénario, dont Gardanne s’est inspiré dans le cadre de son Page (Plan d’action global sur les énergies) repose sur trois principes : la sobriété, l’efficacité et le recours aux énergies renouvelables. Dans le domaine du logement, celui qui consomme le plus, la réglementation évolue, notamment pour les constructions neuves. Reste à aménager les logements les plus anciens, ceux construits avant 1975 : ils représentent plus de la moitié du parc au niveau national.

L’équipement domestique peut lui aussi être source d’économies : « S’il doit y avoir un appareil qui mérite d’être pris en considération, c’est le réfrigérateur. Comme il fonctionne en permanence, il consomme beaucoup. » Le cycle de vie des appareils pose aussi question. « La règle des 4R, c’est réduire, réparer, recycler et réutiliser. » Pas toujours facile à appliquer, compte tenu de la stratégie d’obsolescence programmée des fabricants, notamment dans le secteur du multimédia. Quant au recyclage (pour lequel Gardanne s’est investie depuis longtemps), il y a des progrès à faire : 35% du verre est recyclé, 37% de l’aluminium, mais moins de 5% pour les plastiques. « En Suisse, explique une animatrice de l’exposition Itex, les habitants paient l’enlèvement des ordures ménagères au poids, ça a un impact très positif sur les quantités jetées. »

UNE AUTRE QUESTION ABORDÉE lors du forum découle directement de la première : en période de crise économique et de crise énergétique, la pression se fait de plus en plus forte sur les foyers en difficulté : c’est ce qu’on appelle la précarité énergétique, en clair l’impossibilité de payer les factures d’électricité ou de gaz. En France, près de 4 millions de ménages consacrent plus de 10% de leur revenu à l’énergie (sans même compter le carburant). C’est dans ce contexte que le député des Bouches-du- Rhône Gaby Charroux (Front de gauche) a évoqué une proposition de loi qui devrait être présentée prochainement à l’Assemblée nationale. « En 2009, il y avait en France 8,2 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, et ce nombre a forcément augmenté depuis. Le prix du gaz naturel a augmenté de 61% depuis 2005. »

Un tarif social a bien été mis en place pour l’électricité, mais d’après Gaby Charroux, « Sur deux millions d’abonnés qui y avaient droit, seuls 600000 en bénéficiaient en 2010. » Il s’agit donc de poser les bases d’un service public de la performance énergétique qui étendrait les bénéficiaires des tarifs sociaux à quatre millions de foyers, qui interdirait les coupures et les résiliations de contrat en hiver, et surtout qui intègrerait dans un pôle public de l’énergie Total, Véolia, EDF et GDF.

Roger Meï rappelait d’ailleurs une anecdote : « Lors de l’hiver 1981-82, nous avons pris un arrêté interdisant les coupures d’électricité en hiver après avoir envoyé un électricien de la Ville rétablir le courant chez une femme et ses enfants qui étaient frigorifiés. La précarité, elle n’est pas qu’énergétique. »

Pour Jean Pugens, délégué CGT EDF-GDF et membre du collectif Vive les services publics, « L’énergie doit être reconnue comme un droit fondamental de l’être humain. La nationalisation avait permis de réduire les coûts, or depuis l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence, les prix montent. La concurrence débridée encourage à produire cher et à vendre cher plutôt que de produire mieux à moindre coût. Il faut inventer un service public de l’énergie plus démocratique, en associant l’État, les collectivités locales et les consommateurs. Il faut garantir la maîtrise publique des prix et des choix énergétiques, ainsi que l’égalité de traitement des usagers. »

Le dernier débat du forum, le samedi matin, était consacré à la transition énergétique. Il s’inscrivait dans le cadre du débat national lancé en mars qui devrait aboutir à l’automne par une loi. Une journée citoyenne sera organisée le 25 mai à l’Hôtel de région à Marseille et partout en France (voir le site transition-energetique-paca.fr). « L’enjeu majeur pour la région, c’est la réhabilitation de logements, affirme Annick Delhaye, Vice-présidente du Conseil régional. Soixante millions d’euros ont été investis par la Région depuis 2010 pour 35000 logements sociaux. Ce qui génère de l’activité économique et des emplois non délocalisables.  »

Un représentant de la Capeb 13 (artisans du bâtiment) a souligné que le label Éco artisan a entraîné « un changement d’attitude : par exemple, avant de changer votre chaudière, on va s’assurer que votre toiture est bien isolée. » Avant de regretter que les politiques publiques aient du mal à suivre le mouvement, et de réclamer une TVA à 5% pour les artisans afin de rendre leurs services plus accessibles.

On en revient donc à la question, essentielle, de savoir comment sera financée cette transition énergétique. Réponse dans six mois.