Rencontres euroméditerranéennes des feux de forêt

Tirer les leçons de l'été brûlant Geoffrey Dirat

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Pendant une semaine, plus de 200 congressistes d’une vingtaine de pays se sont réunis à Gardanne, sur le site de la Sécurité Civile de Valabre. Les secondes Rencontres Euroméditerranéennes Feux de Forêts ont donné l’occasion aux différents acteurs impliqués dans la lutte contre les incendies de confronter leurs expériences et de présenter des dispositifs innovants dans la lutte contre le feu.

Si on ne combat les incendies de forêts que l’été, l’hiver permet de réfléchir à la meilleure façon de les combattre. Dans cette optique, élus, pompiers, forestiers, scientifiques et autres professionnels d’une vingtaine de pays du bassin méditerranéen ont participé aux Rencontres Euroméditerranéennes Feux de Forêts 2003. Cette année, la manifestation était placée sous le signe des nouvelles technologies au service de l’aide à la décision. Les nouveaux outils présentés ont tous la même ambition : optimiser la gestion d’un incendie. Le programme chargé des congressistes comportait des colloques, des exercices virtuels (voir encadré), des présentation de dispositifs innovants en matière de combat et d’information et des démonstrations d’aéronefs bombardiers d’eau.

L’heure du bilan

Après l’exceptionnelle saison estivale marquée par les très nombreux incendies et les milliers d’hectares de forêts ravagés sur tout le pourtour méditerranéen, la deuxième édition de ces Rencontres a aussi été l’occasion de tirer les enseignements de la campagne 2003. La présence de participants italiens et espagnols notamment, se prêtait fort bien à cet exercice. Elle prouve que la guerre contre les incendies s’internationalise.
Actualité oblige, un débat a réuni acteurs, témoins opérationnels et institutionnels du milieu de la forêt. Les quatorze intervenants ont débattu autour du thème : L’Europe face aux incendies catastrophiques. Quelles conséquences ? Quelles perspectives ? Force est de constater qu’aujourd’hui, ces perspectives sont peu nombreuses. Il n’existe pour le moment aucun dispositif ou programme européen de prévention ou de lutte contre les incendies. Mis à part un règlement de 1992 sur le débroussaillage dans les zones à risque d’Europe du sud, tout reste à faire. « Nous devons réfléchir à une organisation, et surtout une planification, des coopérations qui ont spontanément vu le jour cet été » affirme Luc Jorda, directeur du Service Départemental d’Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône. « Que ce soit en matière d’études, de matériels, de techniques, de formation ou d’encadrement, il y a des synergies à développer. Mais il faut le faire le restant de l’année, pas quand les sinistres sont déclarés » a-t-il ajouté.

Particulièrement concernée par le risque incendie avec plus de 1 221 000 hectares de forêt, soit 38 % de son territoire, la Région PACA tente, par ses propres moyens, de remédier à cette insuffisance. « Il faut que nous nous rapprochions des régions méditerranéennes explique Michel Vauzelle, président du Conseil régional, mais nous sommes confrontés à des différences de statuts qui nous freinent. La Catalogne a un pouvoir d’état, alors que la Région PACA ne dispose que d’un pouvoir décentralisé. Il n’empêche, nous avons des contacts réguliers avec l’Andalousie, la Toscane ou encore l’Algérie, et l’accord que nous avons signé récemment avec la Tunisie comportait un volet incendie. » Chaque année, la région consacre 5,6 millions d’euros à la gestion de cet espace particulier qu’est la forêt méditerranéenne. « Il s’agit d’identifier les travaux d’urgence relatifs aux problèmes de sécurité publique, de réaliser des études paysagères et forestières afin de définir les priorités en matière de restauration des terrains incendiés » précise Michel Vauzelle.

Un été 2004 déjà dangereux

Car il y a bien urgence à s’inquiéter du sort de la forêt méditerranéenne, et dès cet hiver. Avec 3 400 départs de feux répertoriés sur la zone Sud, quelques 63 000 hectares ont brûlé cet été. « C’est le chiffre le plus important depuis une trentaine d’années » précise Bernard Foucault de la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne. Il ne faut pas pour autant y voir la faillite de la doctrine des feux naissants adoptée par les pompiers français. « Les très grands feux n’ont représenté que 2 % de la surface brûlée » remarque à juste titre Bernard Foucault. 98 % des incendies ont été maîtrisés avant qu’ils ne dépassent les 200 hectares. Mais depuis trente ans, les statistiques montrent que chaque incendie important a été suivi d’une réplique identique l’année d’après. Yvon Duché, de l’Office national des forêts, n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme en estimant que « 2004 est d’ores et déjà une année dangereuse. »

La prévention des incendies est donc au cœur de toutes les préoccupations. L’organisation spatiale de la forêt est la première piste envisagée. « Les zones forestières et urbaines gagnent chaque année du terrain sur les zones agricoles, constate Yvon Duché et à cause du retrait de l’agriculture il n’y a plus de discontinuité entre milieu urbain et milieu végétal. Dès lors, lorsqu’ils se produisent, les incendies ont souvent des conséquences dramatiques. » Une nouvelle fois, le problème du débroussaillage a été évoqué. « Si la forêt est un combustible pour le feu, il doit être possible de l’utiliser économiquement, » estime Michel Hermeline de la Direction générale de la forêt. Son idée : allouer une valeur marchande à la bio-masse forestière. « Il faut intéresser les propriétaires au débroussaillage en créant une filière bois énergétique » explique le représentant du Ministère de l’Agriculture. Un brin fataliste, Jordi Gaurque reconnaît que « les incendies sont inévitables. Il faut donc préparer l’écosystème pour limiter les dégâts. » La position du représentant du Ministère de l’environnement catalan n’est pas isolée. Elle est partagée par Christian Kert, député et rapporteur de missions d’enquête parlementaire sur les catastrophes naturelles « Le risque zéro n’existe pas, il faut admettre un seuil de tolérabilité » concède-t-il. « Il faut donc dimensionner la protection publique au regard des risques, et accepter l’idée qu’il y a un risque » conclut Francis Mené, chef de l’État-major de la zone Sud. La diminution annoncée pour 2004 de 24 % des budgets alloués par l’État à la protection de la forêt méditerranéenne permettra-t-elle d’aller dans ce sens ?

Première mondiale

Au cœur de la manifestation, une journée entière a été consacrée à la simulation d’un feu de forêt sur la Sainte Victoire. Le simulateur, développé depuis deux ans par Éric Maranne et Emmanuel Vaucher en partenariat avec l’École de pompiers de Valabre, permet, grâce à la réalité virtuelle, de mettre les participants à l’exercice en situation quasi réelle. L’objectif : illustrer la stratégie de lutte en montrant la chaîne de commandement et la montée en puissance des moyens terrestres et aériens. Jusqu’à 25 opérateurs peuvent ainsi interagir sur le système. Les congressistes ont pu assister en direct à un exercice de collaboration franco-espagnole sur un incendie transfrontalier, une première mondiale.