Santé

Santé : les attaques se poursuivent Energies 358 - Carole Nerini et Bruno Colombari

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Ces dernières semaines, usagers, professionnels de santé, élus et syndiqués se sont mobilisés contre les atteintes à la protection sociale : centre de santé mutualiste, centre de sécurité sociale, régime minier. L’enjeu : défendre l’accès aux soins pour tous et la revalorisation des retraites minières.

Le 8 juin dernier, vers 18h30, ils étaient plus de deux cents devant le centre de santé François- Billoux. Combien parmi eux s’étaient retrouvés ici trente ans plus tôt, pour fêter, en mars 1981, l’ouverture « du seul centre de santé créé pendant le septennat de Giscard, » comme l’a rappelé Roger Meï à la tribune.

Il avait fallu deux ans de lutte acharnée pour gagner cette ouverture, et il faudra encore se battre contre la fermeture et faire face aux difficultés financières qui menacent à très court terme (quelques mois) l’existence du centre de santé mutualiste.

« En interne, un poste de secrétaire a été supprimé, les horaires de l’infirmerie ont été réduits, explique le docteur Pierre Imbault, médecin et président du comité de soutien. l’Agence régionale de santé (ARS) a versé des sommes conséquentes pour soutenir les centres de santé en région parisienne. Il faut en faire autant ici. »

Au-delà du déblocage d’un fonds d’urgence, le comité de soutien demande la tenue d’une table-ronde qui dégagerait des moyens à long terme. Une réunion est prévue le 23 juin à l’ARS de Marseille. « Un centre de santé mutualiste n’est pas rentable pour les financiers, en revanche il est rentable pour ceux qui y sont soignés, ajoute Catherine Roncin, médecin à François-Billoux. Le surcoût structurel n’est pas pris en compte par les pouvoirs publics, et la gestion du tiers payant est très coûteuse, de l’ordre de 5 € par consultation. » A Gardanne, 1 500 personnes ont signé la pétition de soutien, contre 15 000 dans l’ensemble des Bouches-du-Rhône où d’autres centres sont menacés.

Pour les affiliés du régime minier, le déclin s’accélère aussi. Le 27 mai dernier, plusieurs militants de la CGT se sont invités à la permanence du député Richard Mallié. Ils protestaient contre les décisions prises par le gouvernement concernant les retraites et la protection sociale des mineurs.

Comme l’expliquent leurs représentants Alain Soto et Guy Bonnet, « les mineurs partis en retraite avant 1987 perdent près de 30 % de pouvoir d’achat par rapport à un retraité du régime général, les pensions de leurs veuves subissent la même injustice. Nous demandons juste que les engagements pris durant la campagne présidentielle soient tenus. Aujourd’hui, le gouvernement nous propose une revalorisation des retraites de 5% sur 5 ans. A ce rythme, il faudra 50 ans aux retraités mineurs pour que l’injustice soit réparée. C’est inadmissible. Un salarié qui a travaillé 30 années au fond de la mine gagne 950 € de retraite. C’est 5% par an qui doivent être appliqués. Il est clair qu’ils jouent la montre car actuellement 40 retraités mineurs décèdent chaque jour. »

En matière de santé, l’avenir n’est pas plus réjouissant, la liquidation de la Sécurité sociale minière est en marche. Comme l’explique Jean-Noël Pezzo, Secrétaire général CGT des personnels de la Carmi (Sécurité sociale minière), « le 1er janvier 2013, on bascule dans le régime général, sachant que dès le 1er janvier 2012, cela sera déjà mis en place pour les actions sanitaires et sociales. Ces décisions sont arbitraires. On sent bien que notre situation dérange et que les parlementaires de la majorité jouent au ping-pong avec notre avenir. Comme cela été fait pendant les vacances de Noël avec la suppression de certaines de nos prestations (gratuité des transports médicaux, cures...) forçant déjà un bon nombre d’affiliés à renoncer aux soins, les vacances d’été vont très certainement être mises à profit par le gouvernement pour accélérer le démantèlement du régime. Il faut donc se mobiliser avant l’été.

Autre question soulevée : qu’adviendra t-il du personnel salarié ? Il sera transféré vers le régime général... mais face à la politique actuelle du gouvernement en matière de suppressions de postes dans les services publics, il y a vraiment de quoi être inquiet. Et que vont devenir les pharmacies, les centres de santé, les cabinets dentaires ? En mai dernier, les pharmaciens libéraux ont eu une rencontre avec le ministère pour protester contre l’idée que les pharmacies minières s’ouvrent à tous les assurés sociaux et leur fassent concurrence, poursuit Jean-Noël Pezzo. Nous nous battrons pour que les affiliés gardent leurs acquis sociaux et que l’engagement pris il y a dix ans soit respecté. »

Une grève de 24 heures des personnels des Carmi Sud-Est a d’ores et déjà été observée le 9 juin... avant de nouvelles actions.

Les attaques contre le système de santé portent enfin sur la Sécurité sociale et la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie). « D’ici fin 2013, huit centres de paiements et quinze centres d’accueil devraient fermer dans le département, explique Marcelle Vartanian, déléguée CGT au centre de Gardanne. A Saint-Henri, un centre de paiement a été transformé en centre d’accueil, puis a été fermé. La fermeture et la vente des locaux de deux centres ont rapporté 13 millions d’euros à l’État. Notre patrimoine est dilapidé. A Gardanne, on traitera les indemnités journalières et les mises à jour, mais il ne sera plus possible de traiter les cas urgents à l’accueil. Pour le reste, suivant la nature de votre demande, il faudra vous adresser ailleurs, à Tarascon, ou à Vannes en Bretagne. C’est ce qu’on appelle l’amélioration du service public. La conséquence, c’est qu’il arrive que des assurés sociaux restent quatre mois sans toucher leurs indemnités journalières ! »

Juste après le rassemblement du 8 juin, Attac proposait une conférence débat sur Les enjeux de la politique de santé publique. Pour Jean-Claude Salomon, médecin et membre du conseil scientifique d’Attac,

« on parle toujours de dépenses de santé, alors que c’est un investissement pour la société. La santé est un bien commun, sa préservation est un droit individuel. Si elle devient un marché, alors la stratégie néolibérale s’applique  : il faut élargir le marché en augmentant le nombre de malades et en créant de nouvelles maladies. Une vraie politique de santé devrait au contraire stopper la privatisation en cours et redéployer un service public capable de répondre aux besoins, en luttant notamment contre les inégalités en matière de santé. »