Solidarité

Roms : pas d’expulsions sans solutions Energies 384 - Jeremy Noé

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Expulsées de Marseille, onze familles de Roms se sont réfugiées à Gardanne. La Ville a mis en place une démarche humaniste, temporaire et maîtrisée, conforme aux valeurs de la République. Il appartient désormais au Préfet et à l’État de prendre leurs responsabilités.

Fin août, début septembre, la Préfecture chassait quelque 1 500 Roms hors de Marseille. Lesquels se sont dispersés dans les communes alentour : Vitrolles, les Pennes-Mirabeau, Velaux, Châteauneuf le Rouge, Cabriès... et Gardanne. Prenant acte, le 5 septembre, de la présence de deux groupes (62 personnes) à Valabre, Roger Meï est intervenu pour ne pas laisser ces hommes, femmes, enfants à la rue sans solution.

Les onze familles en question ont donc été rapatriées sur le carreau désaffecté du puits Z, sécurisé par les services Techniques. Parmi eux une vingtaine d’enfants, une femme enceinte, un bébé de trois semaines. La municipalité leur a mis à disposition le minimum vital : eau potable (avec une “bâche à eau,” réserve de 20 000 litres régulièrement remplie par les sapeurs-pompiers) deux toilettes de chantier, un groupe électrogène et deux conteneurs à déchets.

Roger Meï a illico écrit au Premier ministre et au Ministre de l’Intérieur en leur rappelant leur responsabilité. Avec sa Première adjointe Yveline Primo, ils ont rencontré en tête à tête le Préfet le 12 septembre, en exigeant la mise en oeuvre des solutions, qui sont de la responsabilité du Gouvernement. Ils ont, le 18 septembre, participé en Préfecture à une réunion avec les Maires des autres communes et les associations. Tous ont protesté et exigé une prise en charge globale de ces familles par l’État.

François Hollande a déclaré dans un courrier adressé au collectif Romeurope, le 27 mars 2012 « La situation de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes (...) n’est pas acceptable. Je souhaite que, lorsqu’un campement insalubre est demantelé, des solutions alternatives soient proposées. » Le 27 septembre, suite à l’hommage rendu au sapeur-pompier gardannais décédé en service Yvan Vignaroli, Roger Meï s’est invité dans la voiture du Ministre de l’Intérieur Manuel Valls pour le raccompagner à l’aérodrome, et lui demander instamment de s’emparer du dossier.

Sur le fond, Roger Meï est catégorique. « Les Roms sont des citoyens européens comme les autres. Les conditions dans lesquelles ils sont traités d’ordinaire sont indignes et inacceptables. Lorsqu’on a accueilli “La Maison,” le centre de soins palliatifs, nous avons fait face à la même montée de haine et d’incompréhension. Aujourd’hui tout le monde reconnaît que nous avions raison. Il s’agit pour moi d’affirmer les valeurs de la République et des Droits de l’Homme. »

Pour Georges Félouzis, directeur du CCAS, « à aucun moment on a aidé ces familles plus que la population gardannaise nécessiteuse. On est dans une logique de droit comun, qui s’applique à tous, y compris avec des devoirs. » Celui par exemple d’envoyer les enfants à l’école, sur lequel les élus ne transigeront pas.

Concernant la sécurité, Christian Huc, chef de la Police municipale, passe au minimum une fois par jour entretenir le contact ; photos et relevé nominatif à l’appui, il vérifie que personne d’autre ne vienne s’installer en catimini. L’entrée du camp est d’ailleurs bloquée par de gros blocs de pierre empêchant aujourd’hui tout passage de véhicule. Une démarche qui a immédiatement montré son efficacité car d’autres communes, moins amicales ou moins organisées, ont eu en quelques jours leur population de Roms multipliée par dix.

Dans cette démarche d’accueil, la Mairie n’est pas seule. Elle oeuvre avec le soutien de la Maison départementale de la santé (MDS), de la Protection maternelle et infantile (PMI) et Médecins du monde, qui viennent assurer un check-up médical. L’Éducation nationale et l’Association départementale pour le développement des actions de prévention (Adap 13) sont aussi impliquées.

Avec l’Action méditerranéenne pour l’insertion sociale par le logement (Ampil) et la Fondation Abbé-Pierre, le CCAS décrypte le volet administratif (cartes grises, droits sociaux pour les enfants nés sur le sol français, carnets de santé...). Enfin le Secours catholique et le Secours populaire collectent des vêtements ou des cartables. D’autres associations locales (Attac, CCFD, UFF...) ont proposé leur aide. C’est toute une chaîne de solidarité qui s’est mise en place.

Cendrine Labaume de Médecins du monde salue « le sens des responsabilités » des élus, leur souci « humaniste » et la volonté de « ne pas enfermer ces gens dans l’assistanat... » et peut-être pourrions-nous méditer sur les propos de maître Yoda à Anakin Skywalker (le futur Dark Vador dans Star Wars, la menace fantôme)  : « La peur est le chemin vers le côté obscur, la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine... mène à la souffrance.  »

Une mobilisation départementale

Le samedi 27 octobre, Roger Meï, Yveline Primo et une partie du Conseil municipal ont participé à Marseille à une manifestation inter associative, politique et syndicale de solidarité pour les Roms, qui a rassemblé quelque 500 personnes. Enjeu : continuer d’interpeller le Préfet, suite à la signature le 26 août dernier par sept Ministres d’une circulaire invitant le représentant de l’État à « assurer un traitement égal et digne de toute personne en situation de détresse sociale » et assurer « la recherche de solutions d’accompagnement, dans les différents domaines concourant à l’insertion des personnes (scolarisation, santé, emploi, logement, mise à l’abri...). »

Le Maire y a réitéré sa position humaniste et maîtrisée, sous les applaudissements des manifestants, tandis que des personnalités comme Jean-Marc Coppola (Vice-président PCF du Conseil régional), Caroline Godard (Rencontres Tziganes), Éric Coquerel (secrétaire national du Parti de Gauche), Sébastien Barles (EELV), Hervé Guerrera du Caddris (Collectif aixois pour les droits et la dignité des Roms, des immigrés et des sans-papiers) ou encore l’avocat Dany Cohen lui assuraient leur soutien.


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L’accueil des Roms au Puits Z