Economie

Rio-Tinto Alcan, pôle d’excellence technologique Energies 305 - Stéphane Conty

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Qu’on l’appelle Pechiney, Alcan ou Rio- Tinto, tout le monde à Gardanne connaît ce site où est produit de l’alumine à partir de bauxite. Ce que l’on sait moins en revanche, c’est qu’une centaine de chercheurs et d’ingénieurs y développent aussi des technologies vendues dans le monde entier, faisant du site de Gardanne une référence mondiale dans son domaine.

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C’est en 1893 que la société L’alumine pure s’installe à Gardanne pour se lancer dans la production d’alumine. Un choix de site lié à la double proximité de la mine des Baux de Provence (d’où la bauxite tire son nom) et de la mine de charbon nécessaire à l’apport thermique requis pour “transformer” la bauxite en alumine.

Aujourd’hui l’usine d’alumine de Gardanne compte environ 500 salariés et s’articule autour de deux pôles principaux. Le premier, l’unité de production, est le complexe industriel qui se trouve derrière la gare. Il comprend aussi l’activité liée aux alumines de spécialité dont Gardanne est le premier producteur européen et le deuxième mondial. Le second est le pôle technologique pour l’Europe qui assure des missions de Recherche & Développement, d’Engineering et d’assistance technique internationale.

Une dimension internationale que souligne Jean-Michel Philbert, directeur de la division engineering de Rio-Tinto Alcan Gardanne : « Nous travaillons à plus de 90 % à l’export. Nous exportons de la technologie en aidant des clients étrangers à construire ou améliorer des usines de production d’alumine qui utilisent notre technologie. »

D’abord bureau d’étude pour répondre aux besoins de l’usine de Gardanne, la division engineering est devenue une entité à part entière il y a une cinquantaine d’années lorsque le groupe Pechiney s’est lancé dans la construction d’usines près des gisements de bauxite à l’étranger. « Nos premières réalisations se sont faites en Guinée, Grèce, Ukraine et en Inde. Toutefois quand un nouveau procédé est développé, généralement on le teste d’abord sur le site de Gardanne  » explique Jean-Michel Philbert.

Une division Engineering qui réalise des plans d’usine

Actuellement la construction d’une usine de production d’alumine dure en moyenne de cinq à dix ans et coûte de un à dix milliards de dollars selon l’importance du projet, avec des étapes de réalisation bien établies. Une fois le site de construction de l’usine déterminé (sur le site d’extraction de la bauxite le plus souvent), des prélèvements d’échantillons du minerai sont envoyés à Gardanne où le département Recherche & Développement les analyse pour déterminer les contraintes techniques de l’usine et mettre au point le procédé de traitement.

A partir de ces résultats, la division engineering va réaliser calculs et plans de construction, un processus d’une durée moyenne de deux ans. De son côté le client doit obtenir toutes les autorisations nécessaires auprès des autorités locales. Une fois les plans de la future usine réalisés débute la phase de construction, soit encore deux à trois ans de travaux, suivie d’une phase de mise en route d’environ six mois.

Chinois, Australiens, Grecs et Guinéens travaillent déjà sur le site gardannais

« Nous dessinons les usines, mais ce n’est pas nous qui assurons la construction » précise Jean-Michel Philbert. « Toutefois nous essayons au maximum de faire travailler les entreprises locales, notamment sur des projets de petite ou moyenne importance. Ceux qui réclament plus de moyens nécessitent des entreprises d’envergure nationale ou internationale. Nous vendons de la conception, mais également des équipements dont nous sous-traitons la fabrication à des entreprises locales comme Comegar qui se trouve sur la zone industrielle de La Palun à Gardanne. »

En tant que vendeur d’un process technologique, le pôle engineering doit aussi assurer la formation à l’usage de ses technologies, des futurs cadres techniques de l’usine en cours de construction. « Nous assurons une première phase de formation, le plus souvent ici sur le site de Gardanne. C’est ainsi que nous allons prochainement recevoir une équipe en provenance de l’Inde. Ensuite nous faisons une piqûre de rappel directement sur site au moment du démarrage de l’usine que nous venons de réaliser. Nous avons des clients sur tous les continents, avec souvent des cultures très différentes. C’est très enrichissant et ça demande de savoir s’adapter. »

Que ce soit pour les études d’avant projet, la supervision de la réalisation du projet sur site ou encore pour en assurer le suivi, la mobilité est de mise pour les ingénieurs et techni ciens de la division engineering. Le recrutement s’effectue d’ailleurs maintenant au niveau international et chinois, australiens, grecs et guinéens travaillent déjà sur le site gardannais.

« Nous ne travaillons pratiquement plus qu’en anglais, avec en plus une à deux heures de cours d’anglais hebdomadaires. Nos documents techniques sont aussi en anglais. Actuellement nous sommes en contact avec un client canadien qui se trouve au Québec et qui nous demande des documents techniques en français. C’est tellement inhabituel que nous songeons même à faire appel à un prestataire extérieur pour assurer la traduction » commente Jean-Michel Philbert en souriant.

Si l’anglais est omniprésent, il faut là aussi savoir s’adapter et être en mesure de répondre à des demandes en espagnol, russe et même islandais. C’est à Gardanne, dès 1893, que va être utilisé pour la première fois le procédé Bayer, du nom de son inventeur Karl Joseph Bayer, qui permet d’extraire de l’alumine à partir de minerai de bauxite.

Une division recherche et développement pour innover

Mis au point en 1887 et toujours utilisé de nos jours, c’est un procédé sur lequel travaille en perma nence une vingtaine de chercheurs de la division Recherche & Développement qui assure en outre d’autres activités comme l’explique Jean-Paul Leredde son directeur. « Notre action s’articule autour de trois missions principales. Nous faisons de la recherche et des essais en laboratoire pour les usines du groupe Rio-Tinto Alcan. Nous assurons aussi de l’assistance technique en externe pour des clients. Pour l’heure ce sont surtout des usines construites par Pechiney et Alcan avec lesquelles nous sommes toujours sous contrat. Enfin, de par notre expertise en matière de bauxite, nous travaillons en synergie avec la division engineering pour le développement des nouveaux projets. »

Quand le groupe reçoit une commande pour la réalisation d’une nouvelle usine de production d’alumine, un “échantillon” d’une centaine de kilos de la bauxite qui va être exploitée est envoyée aux laboratoires de Gardanne pour analyse. Une procédure de tests qui va durer quatre à cinq mois et qui permettra notamment de définir le comportement, dans le procédé Bayer, de la bauxite à traiter.

« Étant donnés les délais et le coût de cette analyse, il est nécessaire que l’échantillon que nous recevons soit le plus représentatif possible du site à exploiter. En fonction des résultats nous allons travailler avec la division engineering pour que l’usine à réaliser soit la plus performante possible par rapport à la qualité de la bauxite qui y sera exploitée. Nous sommes d’ailleurs en mesure d’adapter le procédé Bayer à toutes les bauxites. Surtout qu’avec les expériences cumulées de Pechiney, Alcan et Rio-Tinto nous avons vu passer à peu-près toutes les bauxites du monde.  »

Construire des usines dans le monde entier

Il y a en effet des échanges permanents entre tous les centres de recherche du groupe qui ont mutualisé leurs savoirs. A Gardanne l’orientation du centre de recherche n’a pas changé depuis Pechiney et s’occupe principalement de recherche appliquée. Il entretient des relations étroites avec le centre de Brisbane (en Australie) plus orienté sur de la recherche fondamentale, ou encore avec le centre de recherche Canadien.

« Actuellement nous avons deux personnes de chez nous qui travaillent au centre de Brisbane et l’année dernière nous avions ici un chercheur australien » précise Jean-Paul Leredde. Outre les travaux réalisés au cas par cas en fonction des contrats et des besoins ponctuels des usines du groupe, des programmes de recherche pluriannuels sont aussi mis en place en se basant sur des besoins à venir présumés ou pressentis. Les tâches sont alors réparties entre les différents centres de recherche du groupe et leurs compétences respectives.

Des travaux dont les résultats viendront enrichir les bases de données du groupe et permettront de faire évoluer les procédés déjà éprouvés, tel le Bayer, pour que le groupe garde toujours une technologie d’avance sur la concurrence.

Sylvain Crouzet : portrait d’un projeteur

Sylvain Crouzet, 28 ans, a intégré la division engineering il y a un an. Il est spécialisé sur tout ce qui concerne la manutention d’alumine et travaille sur les équipements qui sont vendus et installés par le groupe dans le monde entier.

Quels sont vos fonctions et votre parcours ?

Je travaille au sein d’une équipe à la conception d’équipements liés à la manutention d’alumine et je participe à la supervision de leur montage sur site. En terme de formation j’ai passé un Bac S, suivi d’un DUT de génie mécanique et d’une licence en génie des systèmes industriels. J’ai ensuite travaillé pendant près de 4 ans dans une entreprise à Marseille spécialisée dans le traitement de l’eau, après quoi je suis arrivé ici.

Dans quelles circonstances êtes-vous arrivé ici ?

J’avais envie de changer d’activité, d’avoir des missions plus variées. A Rio-Tinto Alcan une partie de mon travail demeure de la conception de projet, mais il y a aussi tout l’aspect du travail sur le terrain, et qui plus est à l’international. Depuis un an que je suis ici je suis déjà allé en Argentine en avril dernier, puis au sultanat d’Oman pendant 3 semaines cet été, et il y a un mois j’étais au Canada.

Comment s’est passée votre intégration dans l’entreprise ?

En arrivant j’ai suivi des modules de formation sur les équipements spécifiques à l’activité. Ensuite j’ai eu une formation sur le terrain lors de mon premier voyage en Argentine où j’étais accompagné d’un tuteur. Mais pour les missions à l’étranger on part rarement seul, la politique de l’entreprise étant de nous faire partir au moins à deux. Enfin, toute l’année nous avons une formation continue à l’anglais.

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Energies 305
17 novembre 2008