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Réforme des collectivités : encore plus grave que prévu Energies 326 - Loïc Taniou

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La réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle continuent d’inquiéter les élus locaux. Les maires de France réunis en congrès national ont dénoncé une recentralisation larvée et demandé au gouvernement de revoir sa copie.

Les sifflets de maires ont fusé de toute part lorsque François Fillon s’est avancé pour prendre la parole lors du 92 e Congrès des maires et présidents de communautés de France qui s’est tenu du 17 au 19 novembre à Paris et auquel participait le maire Roger Meï. Une bronca car le projet de réforme des collectivités et de suppression de la taxe professionnelle ne passent décidément pas chez les élus locaux. Ces derniers particulièrement remontés dénoncent un projet re-centralisateur dangereux pour la République.

« Ce n’est pas François Fillon que l’on attendait, dénonce Roger Meï, mais le président Nicolas Sarkozy. Ce dernier a préféré aller dans les sables du désert d’Arabie Saoudite et assister à un match de football, puis le lendemain inviter quelques centaines de maires, triées bien sûr sur le volet. Cela témoigne d’un véritable dédain.  »

Les élus ne gèreraient plus que la petite enfance, les écoles, l’état-civil et les mariages

Le premier ministre a bien essayé d’endormir la grogne des élus avec un discours fleuve et un argumentaire très technique. Mais la colère persiste et les élus locaux ont adopté une résolution finale très ferme qui affirme « en l’état, les deux réformes ne sont pas acceptables. » Sous prétexte d’économies et de simplification administrative très discutables par ailleurs, le gouvernement engage une attaque sans précédent contre les collectivités locales. Car si les principes républicains de la Constitution française prévoient de rapprocher les citoyens des lieux de décisions pour être plus proches de leurs préoccupations, dans les faits, c’est l’inverse qui risque de se produire désormais.

« Le gouvernement veut simplifier un soit disant millefeuille administratif et fait le contraire, précise Roger Meï, en voulant rajouter deux nouvelles institutions : des “nouvelles communes” dont on ne sait pas grand-chose qui se rajouteraient aux intercommunalités déjà existantes et des Métropoles qui seraient créées à partir d’un seuil de 450 000 habitants. Ça en revanche, on connaît. La commune de Gardanne serait alors absorbée par un Grand Marseille qui confisquerait une grande partie de nos compétences. Le maire et les élus de proximité ne gèreraient plus que la petite enfance, les écoles, les photos pour des passeports, les mariages et les dépôts de gerbe… Les citoyens devront aller voir à Marseille pour traiter leurs problèmes quotidiens. »

Les citoyens devront aller à Marseille pour leurs problèmes quotidiens

Les instances locales qui sont proches des préoccupations des concitoyens représentent des contrepouvoirs, souvent plus libres que le parlement ne l’est réellement. Avec la suppression de la taxe professionnelle, on cherche à les affaiblir. « Ce qui fait la richesse et la force des communes de France, c’est qu’elles perçoivent des ressources propres pour répondre directement aux préoccupations des citoyens, rappelle Yveline Primo, première adjointe et déléguée aux finances. Nous, collectivités locales, nous représentons 73 % de l’investissement public et nous faisons travailler un grand nombre de petites et moyennes entreprises. Or, avec la suppression de la taxe professionnelle, ce n’est plus la commune qui va percevoir directement ses ressources financières mais l’État qui va redistribuer les moyens, via le préfet, pour mettre en oeuvre les services publics et les réponses aux besoins des citoyens. Quelle commune va désormais avoir intérêt à accueillir les entreprises  ? Enfin, l’État aura beau jeu de dire par la suite “monsieur le Maire c’est à vous de voir si vous souhaitez augmenter les impôts des ménages ou non.” On sait déjà que bientôt, les bases des taxes d’habitation des logements anciens vont être revues à la hausse. Une charge financière supplémentaire pour les ménages dont le gouvernement dira qu’elle n’est pas dû à la réforme mais à la fiscalité locale. »

C’est pourquoi à Gardanne, lors du dernier conseil municipal du 22 octobre 2009, une motion rédigée par l’Union des maires des Bouches-du-Rhône dénonçant la réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle a été votée à la quasi-unanimité des élus, sauf deux élus d’opposition qui ont préféré l’abstention. « La volonté de préserver l’institution communale et les collectivités locales maillons essentiels de la démocratie française se retrouve chez de nombreux élus, toutes couleurs confondues, tient à souligner Roger Meï. Bien des maires de droite partagent ce combat contre cette réforme qui vise à plus ou moins long terme, à supprimer les communes et les départements. »

En effet, le projet propose de retirer aux départements et aux régions leur clause de compétence générale. Cela leur interdirait alors de financer certaines actions, notamment associatives, culturelles ou sportives, qui viennent en complément de celles dont ces institutions ont traditionnellement la charge à savoir pour la Région, l’action économique et la formation et pour le Conseil général, l’action sociale et les aménagements de proximité. Cette suppression s’accompagnerait d’une nouvelle désignation d’élus, les conseillers territoriaux, avec un mode de scrutin uninominal à un tour et la réduction de moitié des élus siégeant à la Région et au Département. Ce qui inquiète fortement car quand on prive une assemblée de son élection et de ses élus propres, on la prive de sa légitimité et de sa proximité avec les citoyens.

Les élus dénoncent ainsi une mort programmée de ces instances au profit d’une gestion purement technocratique éloignée des réalités du terrain. Pour Roger Meï, « Nicolas Sarkozy essaye d’avoir tous les pouvoirs. C’est tout le contraire d’une démarche démocratique et républicaine.  » Lors d’une récente rencontre des maires des Bouches-du-Rhône à La Fare les Oliviers, le maire a d’ailleurs proposé aux élus de manifester devant la Préfecture. Une idée qui est en train de faire son chemin.