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Qu’est devenu le sport pour tous ? Energies 346 - Bruno Colombari

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L’association Promemo a organisé à la Médiathèque le 20 novembre dernier une journée de débats sur le sport et le monde ouvrier. Depuis plus d’un siècle, le combat est incessant entre le sport de masse et le sport spectacle.

A l’heure où le sport de haut-niveau est devenu un enjeu économique majeur, il n’est pas inutile de voir quels rapports le monde ouvrier a entretenu avec le sport tout au long du siècle dernier. C’était le thème des rencontres de Promemo, une association qui travaille sur la mémoire ouvrière. La journée du 20 novembre a réuni dans l’auditorium de la Médiathèque des chercheurs, des historiens, des élus et des militants associatifs.

Paul Dietschy, universitaire à Besançon, a ainsi retracé le développement du sport dans le monde ouvrier en France et en Italie entre 1914 et 1950. Il a aussi rappelé que Nelson Mandela, dont la Médiathèque porte le nom, a été boxeur en catégorie poids lourds alors que le sport était utilisé par l’ANC comme moyen de revendication et de lutte contre l’apartheid. Au début du vingtième siècle, ce sont tout d’abord le cyclisme et la gymnastique qui se diffusent le plus rapidement dans les milieux ouvriers alors que la journée de travail passe à dix heures et que le jour de repos hebdomadaire (le dimanche) se généralise.

La FSGT (fédération sportive et gymnique du travail) est créée en 1934, juste avant le Front populaire qui développe le sport de masse et qui réduit la durée de travail. Le sous-secrétaire d’État au sport, Léo Lagrange, refusera d’ailleurs la construction d’un grand stade pour la coupe du monde 1938, préférant multiplier les petites installations sportives dans les communes. Les temps ont bien changé...

Marion Fontaine, historienne et auteur d’un livre sur le Racing Club de Lens, a pour sa part évoqué les relations entre les mineurs et le football. « Les liens sont permanents en Europe, que ce soit dans le Nord de l’Angleterre, dans la Ruhr, le Nord et l’Est de la France. Le football incarne des valeurs minières : la fierté locale, la solidarité, la masculinité, les vertus offensives.  » Pour autant, c’est la petite bourgeoisie locale qui a créé le RC Lens en 1906. Le patronat minier va ensuite prendre le contrôle du foot des rues qui se développe rapidement dans les cités minières.

Ce n’est qu’à la Libération, avec la nationalisation des Houillères, que se créent des clubs ouvriers et des associations de supporters, alors que les terrains de sport sont massivement utilisés. Le club professionnel privilégie le recrutement local, avec des joueurs d’origine polonaise (Wisnieski, Lech, Budzynski) et donne aux supporters trois consignes : « ne siffler ni l’arbitre, ni l’adversaire, ni les dirigeants du club... »

La journée s’est terminée par une table ronde avec René Olmeta, vice président du Conseil général, Claude Jorda, conseiller général de Gardanne, Joël Peyric, président de la ligue régionale de la FSGT et Marc Guillaud, ancien footballeur. « En 2010, il n’y a plus de grands clubs d’entreprise, maintenant les comités d’entreprise donnent un chèque aux salariés plutôt que de monter un club, » remarque Joël Peyric. Claude Jorda rappelle que « l’État va baisser le budget du sport de 15 % en 2011 et va prendre 150 millions d’euros au Centre national de développement du sport (CNDS) pour construire les grands stades de l’Euro 2016. » La lutte entre le sport pour tous et le sport spectacle a encore de beaux jours devant elle.