Charbon - HBCM

Mines à vendre en Aveyron Bruno Colombari

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Le charbon français redeviendrait-il rentable ? Alors que le 25 avril fermera le dernier puits de mine à Creutzwald (Moselle), une société britannique vient de récupérer des concessions minières près de Decazeville, en Aveyron.

Trop cher, pas assez rentable, trop loin de la surface, depuis une dizaine d’années au moins, le charbon local a été accusé de tous les maux. Il fallait bien trouver une justification économique (trop d’écart avec le charbon importé) à une décision politique (désengagement de l’État dans la politique charbonnière). Depuis la signature du Pacte charbonnier, en 1994, les fermetures de sites se sont succédé sans répit, avec pour ces dernières années Forbach et Merlebach en Moselle, La Mure en Isère, Gardanne et bientôt Creutzwald. Le charbon français est définitivement rayé de la carte. Du moins, c’est ce qu’on croit. Car voilà que le 8 novembre dernier tombe une info pour le moins surprenante : le Journal officiel publie un arrêté de Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’industrie, cédant la concession des mines de houille situées sur six communes proches de Decazeville (Aveyron) « au profit de la société Aardvack TCF Limited et de la Société des ressources minières du massif central. » En clair, l’État permet à une entreprise privée britannique d’exploiter une concession minière abandonnée depuis cinquante ans.

Ce qui pourrait passer pour une plaisanterie d’assez mauvais goût n’en n’est pas une : Aardvack, qui exploite deux mines en Écosse, se dit très intéressé par le charbon aveyronnais (dans Les Échos du 10 février 2004), et pour cause. Le prix du charbon d’importation a doublé au dernier semestre 2003 (la Chine réduisant fortement ses exportations pour satisfaire sa demande intérieure) et le coût de l’acheminement par mer a quadruplé. Autant dire que la soit-disant compétitivité du charbon étranger n’est plus que de l’histoire ancienne. Du coup, les mines à ciel ouvert du Massif central redeviennent attractives, d’autant que la demande locale pourrait permettre d’écouler entre un quart et la moitié de la production annuelle envisagée, soit un million de tonnes. L’extraction pourrait commencer dans deux ans et employer une cinquantaine de salariés pendant dix ans. « Jusqu’à la parution au journal officiel de l’attribution des concessions, constate Jean-Paul Boyer, mineur et délégué syndical à Decazeville, le gouvernement ne voulait rien entendre : il n’était plus question d’extraire du charbon du sous-sol national ! En même temps, EDF et la SNET reconnaissent que la production d’électricité à partir du thermique au charbon a de l’avenir ! Les structures minières nationalisées existent, détiennent le savoir-faire et l’expérience. C’est aux mineurs sous statut d’exploiter le sous-sol. »

Quand aux habitants de Bertholène, ils rejettent massivement les projets d’Aardvack. « L’exploitation a été arrêtée en 1956, explique le maire Gilbert Passaga. Elle se faisait en sous-sol, à 150 mètres de fond et le dernier exploitant, un privé, n’a jamais réhabilité le site. Mais les Anglais veulent exploiter à ciel ouvert en creusant jusqu’à cent mètres. Le conseil municipal a voté contre à l’unanimité, n’ayant obtenu aucune garantie sur les conditions d’exploitation du futur site. Depuis, on n’a pas de nouvelles. On sait qu’Aardvack prépare des travaux de sondage du sol dans les prochains mois. Avant la reprise de l’exploitation, il faudra une étude d’impact et une déclaration d’utilité publique. Nous nous battrons pour nous faire entendre. »

Les HBCM n’existent plus

Charbonnages de France a liquidé le 29 février dernier les deux structures régionales que représentaient les Houillères du bassin de Lorraine (HBL) et les Houillères du bassin du Centre et du Midi (HBCM). C’est désormais Charbonnages de France, établissement public à caractère industriel et commercial, qui récupère l’ensemble de leurs activités, y compris celles des comités d’entreprises. « Il y aura moins de moyens pour les délégués du personnel et pour le comité hygiène et sécurité, témoigne Michel Filippi, élu au CE. On avait une commission logement qui n’existe plus. Au lieu d’avoir un endroit où l’on pouvait régler les problèmes de logement des mineurs, on se retrouve avec plusieurs interlocuteurs qui se renvoient la balle. » D’autre part, Charbonnages de France deviendra en 2008 un établissement public à caractère administratif, dont le budget sera voté à l’Assemblée nationale. La CGT préconise plutôt la création d’un pôle public minier national, chargé de la réindustrialisation, de la réparation des dégâts miniers, de la recherche géologique et minière et de la maîtrise publique de l’exploitation des ressources du sous-sol. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement.