Fermeture de la mine

Mine : les communes et les salariés n'ont pas dit leur dernier mot Bruno Colombari

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Trois jours avant un Premier mai festif et militant sur le carreau du Puits Morandat, le président de l’Association des communes minières de France (ACOM) est venu à Gardanne pour faire le point sur les questions en cours : procédure de fermeture, patrimoine immobilier, ennoyage. Un bureau d’étude est chargé de passer le dossier d’arrêt des travaux à la loupe.

Le dossier d’arrêt de travaux de la mine est arrivé à Gardanne. Empilé à la verticale, il mesure très précisément 110 centimètres d’épaisseur représentant 57 documents. Les communes du bassin minier ont trois mois pour le consulter et donner une appréciation sur son contenu. Et encore, pour être précis il convient d’ajouter que la Préfecture n’a pas cru utile de transmettre aux élus le dossier concernant les installations hydrauliques, comme par exemple la galerie de la mer. Ceux qui le souhaitent peuvent toujours aller le consulter place Félix-Baret, à Marseille. Pas du secret défense, mais presque...

C’est pour tenter d’y voir plus clair que la municipalité a fait appel à l’ACOM, l’association des communes minières de France, dont elle est adhérente (voir ci-dessous). « Il faut savoir que le code minier date de 1810, explique Jean-Pierre Kucheida, président de l’ACOM et député maire de Liévin. Et il ne donnait des instructions que pour deux choses : l’ouverture d’une mine et son exploitation. Rien n’était prévu pour la fermeture d’un site. » La loi de 1994 réformant le code minier, complétée en 1999, reconnaît la responsabilité de l’exploitant en cas de dommages liés à l’exploitation minière, et la prévention des risques miniers. C’est dans cet esprit qu’a été créée le 29 avril dernier l’Agence de prévention et de surveillance des risques miniers.

Devant Suzanne Maurel, maire de Gréasque et conseillère régionale, des élus de Saint-Savournin, Belcodène, et en présence de Gérard Piel, président de la commission énergie du Conseil régional, Roger Meï a fait le point sur les dossiers en suspens : la question de l’ennoyage, les logements de mineurs, la reprise des sites industriels et le devenir des archives des Houillères. « L’agence de prévention des risques sera chargée de protéger les archives, précisait Jean-Pierre Kucheida. Quand à l’ennoyage, il ne doit pas se faire n’importe comment. Ce n’est d’ailleurs pas normal que la Préfecture bloque l’accès au dossier sur les installations hydrauliques. Nous allons intervenir. En ce qui concerne les terrils, il faut être vigilants. Vos terrils sont situés pour la plupart sur des terrains en pente, un peu comme au Pays de Galles, où il y a eu des accidents. Quant aux carreaux, les Houillères doivent les mettre au niveau zéro, c’est-à-dire tout raser. Soyez prudents si vous récupérez des locaux industriels : dans le Nord, les communes qui l’ont fait ont fini par les faire démolir, car ils coûtaient trop cher à l’entretien. » Le cas du puits Morandat, que les Houillères voudraient céder au prix des Domaines, est particulier : il est rare qu’un site industriel qui ferme laisse un bâtiment aussi récent (ouvert en 1989). « Tout est négociable, confirme Jean-Pierre Kucheida. Même si c’était plus facile de discuter avec Charbonnages il y a vingt ans qu’aujourd’hui... »

Sur la question du logement des mineurs, le président de l’ACOM se dit rassuré par la reprise du parc immobilier par la SAFC, un office HLM de Franche-Comté. « Il ne fera de toute façon pas pire que les Houillères. » Pour sa part, Roger Meï souhaite surtout « qu’il n’y ait pas deux poids deux mesures entre ceux qui ont pu acheter leur maison et ceux qui attendent de le faire. » Enfin, du côté de la reconversion, l’ACOM défend le principe de la création d’un sixième groupe à la centrale thermique, même si EDF s’y oppose. « Ça représente un coût direct, mais déplacer des populations coûte bien plus cher à la collectivité. » Pour la région PACA, Gérard Piel faisait remarquer que « la ministre de l’industrie, Nicole Fontaine, ne s’est pas engagée sur les promesses du précédent gouvernement. »

C’est désormais le bureau d’études mandaté par l’ACOM qui s’est emparé du dossier d’arrêt de travaux. Il rendra compte de ses conclusions en assemblée plénière devant les maires du bassin minier, qui seront préalablement sollicités pour apporter leurs éléments d’information. Puis un avocat spécialisé dans le droit minier rédigera un projet de délibération qui sera transmis aux communes. Dans quel délai ? La loi prévoit trois mois. Mais compte tenu de l’ampleur du dossier et de l’importance des enjeux, trois mois supplémentaires vont être demandés au Préfet, ce qui laisserait jusqu’à la mi-octobre.

Et pendant ce temps-là, au puits Y...

C’est un drôle de Premier Mai qu’a connu le puits Morandat. Sans doute le dernier de sa courte histoire. L’ambiance n’était pourtant pas morose : les mineurs de la CGT avaient en effet invité les Gardannais, en partenariat avec le CLES, la CNL, Attac, le Secours populaire, le PCF, le Sous-Marin et les groupes musicaux On s’fait une bouffe et Hurle Vent. L’occasion de se retrouver autour de revendications communes sur l’emploi, les retraites et la paix, juste après la manifestation du matin à Marseille qui a rassemblé près de quarante mille personnes. L’occasion aussi de retrouver le carreau de la mine, verrouillé et ponctuellement gardé par des CRS depuis le 1er février. « Nous avons négocié avec la direction pour organiser cette journée festive sur le carreau, explique Guy Bonnet, délégué CGT. Le directeur, M. Lazariewicz, s’est porté garant. » Plus de deux cents militants, venus pour la plupart en famille, ont participé au pique-nique géant.

Devant les locaux syndicaux, une scène accueille les groupes locaux invités par le Sous-Marin. Son directeur, Loïc Taniou, affirmait « qu’il est important d’avoir des temps de rencontre comme aujourd’hui. En tant qu’association sociale et culturelle, nous avons aussi des soucis en ce moment : notre personnel est en contrat aidé, et nous travaillons régulièrement avec les intermittents du spectacle dont le statut est de plus en plus menacé. En fait, les menaces sur la culture et sur l’emploi sont les mêmes. C’est pour ça que nous sommes ici aujourd’hui. » La librairie Diderot, de Nîmes, avait aussi alimenté un stand de livres ou Che Guevara côtoyait Mumia Abu Jamal (condamné à mort au États-Unis) et Howard Zinn (historien américain). Parmi les salariés présents, ceux du Comité d’entreprise des Houillères de Provence, dont la situation est des plus précaires. « Nous n’avons pas d’information sur ce qu’ils vont devenir, confiait Alain Soto, secrétaire du CE. Au 1er janvier 2004, la Comité central d’entreprise disparaît, et les 8 CE du centre midi vont être fusionnés. Or, ces salariés n’ont pas le statut du mineur. Ils risquent donc de se retrouver à l’ANPE. »

Quant aux effectifs de la mine, ils devraient fondre à toute vitesse : une partie du personnel devrait quitter le travail d’ici l’été, le reste d’ici la fin de l’année. D’ici juin 2004, les 85 mineurs détachés à la centrale thermique devraient également cesser leur activité. Or, du travail, il en reste : « au fond, on n’a pas enlevé tous les engins sur chenilles, comme les mineurs continus. Il reste aussi les convoyeurs à bande, les moteurs électriques, des kilomètres de câbles... Il faut aussi dépolluer. » A Pâques, quelques mineurs (pour la plupart des agents de maîtrise) ont pu accéder au fond, d’où ils ont remonté de l’huile, du gas-oil et des engins sur pneus. Les autres sont affectés au jour, au nettoyage du carreau à Meyreuil. « En fait, ils surveillent les arbres qui poussent, » soupire Alain Soto. C’est la logique de la fermeture : précipitation, incohérence, gâchis sur toute la ligne.

L’ACOM, ou quand les villes minières défendent leurs intérêts

Regroupant 274 communes dans toute la France, l’association des communes minières (ACOM) compte parmi ses adhérents les villes de Gardanne, Cadolive, Gréasque, Mimet et Rousset. Sa vocation est de se faire le relais des villes minières auprès du gouvernement et des exploitants. Créée en 1990 à Liévin (Pas-de-Calais), l’ACOM se bat pour que la situation spécifique des bassins miniers soit reconnue, notamment dans les domaines de la reconversion économique, la réhabilitation urbaine, la fiscalité locale, le respect du statut du mineur et la valorisation du patrimoine culturel. Elle intervient également au niveau européen dans le cadre de l’association des régions minières d’Europe. Elle travaille enfin avec des avocats et des bureaux d’études spécialisés dans le droit minier, l’urbanisme et les questions de gestion de l’environnement.