Mémoire

Manouchian, la Résistance et nous Energies 332 - Bruno Colombari

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Le 24 février dernier, un hommage a été rendu à Missak Manouchian et à ses francs-tireurs partisans issus de la main d’oeuvre immigrée, exécutés en février 1944 par les nazis. Une leçon d’histoire qui s’est achevée par un débat au cinéma.

La salle deux du 3 Casino n’était pas assez grande, malgré ses cent-dix places : la projection du film de Robert Guédiguian, L’armée du crime et le débat qui a suivi avec l’historien Robert Mencherini, complétés par une exposition de Mémoires vivantes et un buffet arménien, ont fait le plein.

« Ce film est une fiction, pas un documentaire. Il montre la situation des étrangers qui se battaient contre le nazisme, un combat qui a été très sousestimé. Saviez-vous par exemple qu’à Marseille, qui a été un des premiers foyers de résistance dès l’été 40, c’est une Bessarabienne juive qui a apporté les explosifs ayant détruit l’Hôtel Splendid sur le boulevard d’Athènes en janvier 1943 ? En représailles, les Allemands ont ordonné la démolition du quartier du Vieux-Port. »

La célèbre Affiche rouge, qualifiant le groupe Manouchian d’armée du crime, « a produit l’effet inverse à celui recherché en créant un mouvement de sympathie pour les soi-disants terroristes. La population était très anti-allemande et plutôt anglophile, même si beaucoup ne se sont pas impliqués dans la Résistance.  » Robert Mencherini, qui travaille à une histoire de la Résistance à Marseille, s’est plongé dans les archives de Vichy. « On pense maintenant que Manouchian n’a pas été trahi avant son arrestation. Les services de polices étaient très efficaces, ils avaient des fiches sur tout le monde, notamment des militants communistes. La police parallèle faisait même des fiches sur les préfets ! »

Quelques heures plus tôt, ce 24 février, un hommage a été rendu à Missak Manouchian et à ses compagnons près du lycée Fourcade (autre résistante), à l’initiative de Claude Jorda, conseiller général, en présence de Roger Meï et de l’amicale des Arméniens de Gardanne. « Le groupe Manouchian est un symbole fort, car il est la démonstration de la capacité de chacun à s’unir, au-delà des nationalités et des confessions religieuses, autour d’une cause commune, » a souligné Claude Jorda. « Car en matière de résistance, il n’y a pas de petits ou de grands actes. Il y a des actes de résistance. »

Roger Meï rappelait pour sa part qu’une galerie de mine allant vers Marseille s’appelle l’avenue de la libération car elle servait de passage clandestin pour les résistants. « Cette avenue porte le nom du groupe Manouchian depuis 1982. De nombreux lieux dans notre ville témoignent de la résistance : Charles Pauriol, Marie-Madeleine Fourcade, Martin Bret, Charles de Gaulle, Lucie Aubrac... C’est d’ailleurs Raymond Aubrac qui est venu nous dire, il y a deux ans, qu’il fallait résister encore.  » La cérémonie s’est achevée par un dépôt de gerbes et par le chant des Partisans.