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Lycée : une réforme pour quoi faire ? Ennergies 331 - Bruno Colombari

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En septembre prochain, dans les lycées, apparaîtront en classe de seconde les enseignements d’exploration et le soutien personnalisé. Piliers de la réforme voulue par Luc Chatel, ces nouveautés sont fortement contestées par les enseignants, inquiets de devoir faire plus avec moins de moyens.

Le 28 janvier dernier ont été publiés deux décrets et deux arrêtés dans le Journal officiel. Par cet acte, la réforme des lycées est en marche. Elle devrait mettre en place à la rentrée 2010 les enseignements d’exploration de seconde (dont un d’économie), l’accompagnement personnalisé pour tous, l’autonomie des lycées, le tutorat et les stages de remise à niveau destinés à faciliter les réorientations et éviter les redoublements.

Cette réforme ne concerne pas que la répartition des horaires. Les programmes aussi seront changés. Et les enseignants sont inquiets. Par exemple, en sciences économiques et sociales, la partie "sociale" est fortement écrémée : selon l’Association des professeurs de SES, les questions de société très concrètes comme le pouvoir d’achat, l’emploi et le chômage, les revenus et les inégalités seront évacués au profit, c’est le cas de le dire, de notions très techniques comme l’élasticité-prix, les courbes de coûts ou le prix d’équilibre. En histoire-géographie (destinée à devenir une option en terminale), le programme d’histoire est si chargé qu’il est jugé “infaisable” par l’Unsa.

Le 26 janvier dernier, les enseignants du lycée Fourcade invitaient les parents pour un goûter de l’éducation convivial. Une cinquantaine de personnes se sont déplacées et ont pu échanger sur le projet de réforme : pour Isabelle Poncet, enseignante de sciences économiques et sociales, « c’est un menu Darcos réchauffé qui organise la concurrence à tous les niveaux, avec une hiérarchie plus lourde et des moyens en baisse. » Entre 2007 et 2012, 80 000 postes d’enseignants devraient être supprimés, dont 16 000 sont annoncés à la rentrée prochaine. « Comment faire du soutien personnalisé avec un enseignant pour une classe entière ? »

Pour Daniel Gobe, enseignant au collège du Pesquier, « il arrive au lycée ce qui s’est déjà fait au collège. On diminue les horaires des matières, on utilise les heures récupérées pour en faire du soutien, on le globalise pour qu’il ne soit plus lié à telle ou telle matière, et quelques années après, quand la dotation horaire diminue, on supprime le soutien. » Nicole Ichou, enseignante au collège de Rousset, relève que dans le privé, c’est le chef d’établissement qui nomme les enseignants : « c’est le rêve du ministre, appliquer la même chose à l’éducation nationale. Pas de grèves, réussite au bac... »

Du côté des lycéens, l’ambiance est plutôt morose. Pour Guillaume, « C’est difficile de faire bouger les choses. On a fait des assemblées générales avant les vacances de Noël, il y eu un blocage de quelques jours. On essaie de se mobiliser avec d’autres lycées. » Mais la réforme concerne les futurs élèves de seconde qui sont encore au collège en ce moment. Une parent d’élèves se demande pourquoi les médias parlent si peu de cette réforme « dont le but est de retirer des moyens à l’école comme on l’a fait pour la justice, l’hôpital, les prisons... On diminue les moyens, ensuite on dit que ça ne marche pas, et puis on privatise. »

Afin de rassurer les parents d’élèves de troisième, Luc Chatel leur envoie ces jours-ci un courrier pour leur rappeler les trois objectifs de la réforme : “mieux orienter chaque lycéen, mieux l’accompagner dans son parcours scolaire et adapter le lycée à son époque.” En décembre 2008, La PEEP(parents d’élèves), avait exprimé sa déception face au retrait de la réforme du lycée présentée par Xavier Darcos et qui avait entraîné de nombreuses manifestations l’an dernier. Elle approuve aujourd’hui « des mesures qui offrent des perspectives intéressantes pour les lycéens sans alourdir leurs emplois du temps déjà conséquents. » Elle regrette cependant que la réforme du lycée « occulte la refonte nécessaire de l’évaluation des lycéens tout au long de leur parcours, dans le cadre d’une nouvelle organisation des épreuves du baccalauréat.  »

La FCPE (parents d’élèves, majoritaires à Gardanne), elle, ne suit pas les enseignants sur l’accompagnement personnalisé : « le décret dit clairement que ça se fera à effectifs réduits, constate Patrick Flory, président de la FCPE 13. Après, ce sera l’établissement, avec le conseil pédagogique, qui fera le choix. On ne plébiscite pas cette réforme. On prend note des avancées, comme le début de rééquilibrage entre les séries ou le développement du tronc commun en première. Mais il y a des risques, comme les suppressions de postes et la formation des enseignants. »

Celle-ci est en effet concernée par la réforme : la suppression de l’année de stage, remplacée par une cinquième année d’études, va envoyer devant des élèves de jeunes enseignants sans aucune préparation pédagogique. « Et ceux qui échoueront au concours constitueront un vivier d’enseignants précaires dans lequel le ministère pourra puiser,  » selon Francis Villeneuve, enseignant au lycée Fourcade. Et ça, ce n’est franchement pas rassurant : on sait ce qu’il advient des réformes sans moyens.

Que dit la réforme ?

La réforme des lycées devrait être mise en oeuvre par Luc Chatel pour la rentrée 2010 et doit s’étaler sur trois ans. La classe de seconde sera la première concernée avec la création d’un accompagnement personnalisé de deux heures par semaine, deux enseignements d’exploration de 1h30 par semaine chacun, dont au moins un concerne l’économie, des stages de remise à niveau (sans doute pendant les vacances) pour éviter les redoublements, un tutorat pour l’orientation et des groupes de compétences en langues vivantes.

Cette réforme se fait sans alourdir l’emploi du temps. Les heures d’accompagnement personnalisé remplacent des demi-heures de modules de français et d’histoire-géographie et l’heure d’aide individualisée en français et en maths. En première, la réforme mettra en place 15h par semaine d’enseignements communs aux filières S, ES et L.