Assises de la solidarité et du logement social

Logement et solidarité, des assises pour un même combat Stéphane Conty

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Le samedi 6 novembre se tenaient à la Maison du Peuple les “Assises de la solidarité et du logement”. L’occasion pour tous de découvrir le bilan peu reluisant du logement social dans notre région et d’écouter les témoignages de ceux qui vivent les difficultés sociales au quotidien. A travers débats et discussions, elles furent aussi l’occasion de démontrer que ce n’est pas une fatalité et que les choses peuvent changer grâce à une action collective.

La Maison du Peuple était comble pour suivre la table ronde concernant la crise du logement qui sévit actuellement en France, et de manière particulièrement aiguë dans notre région. Comme le souligne Sylvie Andrieux, vice présidente du Conseil régional PACA en charge de la politique de la ville, du logement et du foncier, « dans le seul département des Bouches-du-Rhône, ce sont 42 000 personnes qui attendent de se voir attribuer un logement dans le parc social. » Une situation qui ne semble pas prête de s’améliorer si l’on considère que le taux de rotation dans le parc HLM, soit le pourcentage de logements libérés annuellement, est tombé de 10 % à 3 % en seulement 3 ans. Ainsi, sur les 260 000 logements sociaux que compte la région, il n’y en a que 7 800 qui se sont libérés en 2003, ce qui représente bien peu au regard des 42 000 familles en attente d’un logement dans le parc HLM. Concernant la commune de Gardanne, Jeannot Menfi adjoint au logement précise que « la ville dispose de 1 428 logements sociaux à Gardanne et environ 600 familles qui attendent un logement. En 2003 sur ce parc immobilier nous n’avons pu installer que 16 familles. Quand les gens viennent me voir pour un logement et que j’explique la situation, je peux voir toute leur détresse. Il y a peu j’ai reçu une famille, et quand je leur ai annoncé qu’il n’y avait pas de logement disponible, leur petite fille de 8 ans s’est mise à pleurer. Je vois régulièrement des gens pleurer devant cette situation, mais c’est la première fois que je vois cette réaction chez une enfant, j’étais bouleversé ! »

Les participants à la table ronde se sont alors interrogés sur les raisons de cette crise aiguë du logement social, et dont les causes sont multiples. Ainsi pour Philippe Horin représentant de la LOGIREM, « le coût du foncier et de la construction ne cesse d’augmenter en PACA depuis quelques années. Or quand le marché de l’immobilier se porte aussi bien, celui du parc social en subit les conséquences et a contrario se porte plus mal. Il y a 10/15 ans, pour construire un logement social il suffisait juste que les différentes aides des collectivités couvrent le coût de la réalisation. Actuellement, pour un logement construit, en plus des subventions des collectivités, il faut que nous puissions aligner 15 000 euros en plus. Or les seuls revenus d’un bailleur social sont les loyers... et nous ne pouvons pas les augmenter de manière excessive. Toute la difficulté est donc d’atteindre un équilibre financier, et sans une politique volontariste de l’État dans ce domaine nous n’avancerons pas. »

Comme le précise aussi Jean-Thomas Laurent, président de l’office HLM de Bobigny et coordinateur de l’appel pour un service public du logement « ce n’est certainement pas la politique du gouvernement consistant actuellement à se désengager qui va contribuer à résoudre les problèmes. Le plan Borloo n’apporte pas un euro de plus en la matière et le gouvernement se décharge du problème en décentralisant vers les Régions et les Départements qui n’ont pas les moyens financiers et législatifs de faire face. »
Sur ce point, Daniel Fontaine maire d’Aubagne, Président de la commission logement au Conseil général ne manque pas d’ajouter que « le Conseil général finance 10 % des coûts de construction de logements sociaux sur le département ainsi que les réhabilitations. Néanmoins en 2005 nous allons être obligés de diminuer ces aides car nous devons réorienter des fonds vers le financement de la politique sociale dont le gouvernement s’est aussi désengagé ! »
Gilbert Chabaud, pour la CNL (Confédération Nationale du Logement), ajoute qu’« en 2003 Jean-Louis Borloo annonçait qu’il fallait détruire 200 000 logements sociaux jugés insalubres. Actuellement 27 000 ont été détruits et seulement 21 000 reconstruits. Qu’en est-il des 6 000 logements manquants ? Que sont devenues les familles qui les habitaient ? Cette année il y aura plus d’argent public donné au privé qu’aux bailleurs publics. Si les taux de construction de logements sociaux sont si bas c’est essentiellement en raison du prix du mètre carré insupportable, des coûts de construction prohibitifs et des niveaux de prêts intenables. C’est aberrant de voir que l’on prête aux mêmes taux à un bailleur social qu’à un particulier qui souhaite faire construire, surtout compte tenu des sommes engagées qui sont souvent de l’ordre de plusieurs millions d’euros. »

Pour le sociologue Salvatore Condro, un autre paramètre est à prendre en considération : « le manque de logements n’est pas un problème nouveau, mais plutôt un problème récurent que l’État s’est toujours montré incapable de régler. Si le logement est une valeur foncière, la seule que l’on a considéré jusqu’ici, il a aussi une valeur d’usage, ce n’est pas qu’une marchandise. Il faut considérer la valeur sociale du logement. A partir de là il faut cesser de construire du logement social “jetable”, qu’il faut réhabiliter au bout de 10 ans et détruire au bout de 30. Au contraire, il faut privilégier le qualitatif, plus économique financièrement et socialement sur le long terme. »
Concernant le rôle que devrait jouer l’État pour résoudre cette crise, Jean-Thomas Laurent propose : « la création d’un service public du logement qui comprendrait notamment trois points essentiels. D’abord un Établissement Public Foncier National chargé de faire respecter la loi SRU. Ensuite un Établissement Public de Financement qui s’occuperait des financements de constructions de nouveaux logements et d’obtention de prêts à des taux acceptables et rationnels. Enfin, il faudrait mettre en place une sorte de Sécurité Sociale du Logement pour garantir le maintien dans le parc social de toutes les personnes traversant une période de difficulté. En effet, personne n’est à l’abri du chômage, d’un divorce ou d’un accident, autant de problèmes qui peuvent conduire à une situation financière catastrophique. »
Au final tous sont tombés d’accord pour dire que seul l’État avait la capacité et les moyens de remédier à la situation et que seule une volonté politique forte du gouvernement pouvait changer le cours des choses.

Gardanne, ville fraternelle

Le second volet de ces assises concernait la solidarité et fut l’occasion pour de nombreuses associations de présenter leur action. Rencontre avec des gens remarquables, qui donnent de leur temps et de leur personne pour aider les autres. L’une des premières questions qui est souvent revenue concerne les motivations de ces bénévoles. Au vue des réponses, il semble qu’il y ait autant de motivations que d’individus, même si certaines réponses ont des points communs.
Yolande Kuffel, bénévole au centre de soins palliatifs : « je suis entrée à La Maison il y a presque 10 ans suite au décès de mon mari. Au début c’était un réconfort, ensuite c’est devenu un partage, et maintenant cela fait partie intégrante de ma vie. Je n’envisage plus ma vie sans mon action à La Maison. »
Pour Laura Benest qui œuvre en collaboration avec La Médiathèque pour apporter des livres aux personnes ne pouvant se déplacer, l’engagement personnel et bénévole dans une action solidaire est aussi un engagement citoyen : « Je suis Brésilienne et je suis arrivée ici il y a deux ans. Ma maison c’est là où je suis, et même si je ne suis pas française, je pense qu’il est normal que je m’investisse dans la vie locale, que j’ai une action citoyenne. Je pense que c’est quelque chose de positif, une manière de participer à la société. »

Au cours de la discussion, tous ont constaté un affaiblissement du lien social et de l’esprit d’entraide. Et cela se traduit notamment par une forte difficulté à recruter de nouveaux bénévoles. Annie Gracia, présidente depuis 1990 de l’association des donneurs de sang bénévoles constate que « depuis une quinzaine d’années nous enregistrons une augmentation du nombre de donneurs. Toutefois, sur une population de 20 000 habitants nous pensons qu’il est possible de mieux faire, et de nouveaux collaborateurs seraient les bienvenus. » Même constat au CCFD, à Espoir 13/don d’organes, au Secours populaire, Secours catholique, Restos du cœur... Mais tous restent positifs, estimant que les associations gardannaises et leurs bénévoles sont très actifs et souvent prêts à s’investir. Comme le dit le docteur La Piana, directeur du centre de soins palliatifs : « A La Maison, tout le travail qui a été fait avec les associations a été exemplaire. Je ne suis pas certain que dans une autre commune cela aurait été possible. Quand nous avons voulu créer La Maison aucune commune ne voulait de nous, seule Gardanne nous a accueillie, et je souhaite profiter de l’occasion pour remercier les Gardannais et leur maire. » Roger Meï a conclu la journée en signant au nom de la ville la charte municipale pour la fraternité.


La loi doit être respectée !

La Loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 a pour objectif principal de promouvoir la construction de logements sociaux. Pour cela elle prévoit que toute commune de plus de 3 500 habitants compte au moins 20 % de logements sociaux qu’elles ont 20 ans pour réaliser. En cas de non respect de cette règle, les communes contrevenantes doivent payer une amende dont le montant est calculé au prorata du pourcentage de logements sociaux manquants. L’État, par le biais de son représentant local, le Préfet, a même la possibilité d’obliger un maire a préempter un terrain pour construire du logement social. Dans la région PACA, sur la centaine de communes devant répondre à la loi SRU, cinquante sept ne respectent pas la loi.
Et comme l’a souligné Roger Meï lors de ces assises « Gardanne contrairement à des communes voisines respecte la loi et en est même pénalisée. En effet le Préfet, qui peut “disposer” de 30 % des logements sociaux qui se libèrent sur chaque commune préfère nous imposer les cas les plus critiques des communes voisines que de les contraindre à appliquer la loi SRU comme il en a le devoir et les moyens ! »


La charte municipale de la fraternité, qu’est ce que c’est ?

En signant la charte de la fraternité, la municipalité s’engage à intégrer au cœur de sa démarche le développement du lien social et des solidarités de proximité à travers :
- La valorisation de la convivialité, de l’écoute et de l’entraide entre tous les habitants, dans les services publics et dans les écoles.
- Le renforcement des dynamiques intergénérationnelles par le développement des partenariats entre écoles, associations et structures d’accueil du troisième âge.
- L’encouragement à l’engagement citoyen en favorisant la promotion du bénévolat et en soutenant les associations et les bénévoles.

Quelques sites pour en savoir plus

La documentation française
Un dossier très complet sur la situation du logement social avec des chiffres, uns chronologie, le financement, les aides personnelles, la défense du droit au logement...

L’agence nationale d’information sur le logement
L’ANIL diffuse de l’information sur les différents modes de logement (location, accession à la propriété, cautions, loyer...)

L’association Droit au logement
De nombreuses infos sur la crise du logement, l’état des lieux du mal-logement, des expulsions, et des propositions pour une logement pour tous.

La fondation Abbé-Pierre
Vous trouverez une synthèse au format pdf du rapport 2004 sur le mal-logement en France, ainsi qu’une réaction (très réservée) au le volet logement du rapport Borloo.

L’observatoire des inégalités
Parce que la question du logement n’est qu’un des aspects de la précarité, le site de l’Observatoire des inégalités (réalisé par des journalistes indépendants) donne des infos sur les inégalités de revenus, d’éducation, d’emploi, de catégories sociales... Un excellent travail.