Economie

Les nouvelles donnes d'Alcan Loïc Taniou

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Après de bons chiffres pour l’année 2006, de récents investissements en matière d’environnement comme le filtre presse, l’exploitation du site Mangegarri et la récente tentative d’OPA de la part d’Alcoa, un concurrent américain, Alcan (ex-Pechiney) fait beaucoup parler d’elle en ce moment.

Fondée en 1894, l’usine d’Alcan de Gardanne, ex-Pechiney, qui a été la première usine au monde à utiliser le procédé Bayer, produit chaque année 600 000 tonnes d’alumine et génère 350 000 tonnes de résidus. Ces derniers qui se présentent sous forme de boues rouges sont évacuées en mer dans la baie de Cassis via un pipeline de 47 km. Suivant un arrêté préfectoral fixé dans le cadre de la convention de Barcelone de 1996, ces rejets devront être supprimés en janvier 2016.

Aujourd’hui, et grâce à un outil technologiquement remarquable, le “filtre presse,” Alcan Gardanne diminue progressivement ses rejets. Les déchets de bauxite sont conditionnées sous une forme de galettes friables qui peuvent être transportées par camion. Conçu par les ingénieurs d’Alceng (cf énergies n° 274), le filtre-presse est une installation récente qui permet une valorisation industrielle des résidus de bauxite sous forme solide.

Une avancée technique importante qui se révèle être une première mondiale dans l’industrie de l’alumine. « Grâce au filtre presse, précise Dominique Delmas, directeur d’Alcan Gardanne, on va pouvoir traiter à peu près 120 000 tonnes par an de résidus, soit environ un tiers de notre production que l’on va pouvoir soit stocker, soit commercialiser sous forme de bauxaline. »

Mangegarri, réhabilitation du paysage

A quelques kilomètres de l’usine se trouve la colline de Mangegarri qui sert de lieu de stockage des résidus. Les camions empruntent une route privée pour se rendre sur la colline et y déposer les galettes de bauxaline. « On va prochainement réaliser un deuxième presse-filtre précise Bertrand Langlois, responsable “attaque,” qui sera directement installé à Mangegarri et qui évitera les va et viens des camions. On acheminera les résidus par pipeline.  »

Le site de Mangegarri est étonnant, du côté Nord il est rouge comme un décor de film de science fiction montrant la planète Mars et du côté Sud il est vert car couvert de végétation. La bauxaline est ainsi stockée par couches successives. Lorsque cellesci auront atteint une cote de 275 mètres, elles seront recouvertes d’un mélange de terre et de graminés pour faciliter la végétalisation naturelle.

Car la bauxaline, un produit non toxique pour l’environnement, permet une végétalisation du site de Mangegarri en étant mélangé avec de la terre végétale. « On refait progressivement le relief de la colline explique José Ingardona, projecteur au Bureau d’études Alceng. L’objectif est de le réhabiliter, de modeler progressivement un relief doux. Lorsque la végétation aura repris ses droits, il s’insérera harmonieusement dans l’environnement. »

Par ailleurs, un bassin récupère les eaux pluviales qui sont renvoyées vers l’usine via un pipeline et une station nettoie les camions quand ils sortent du site.

Trouver de nouveaux débouchés

Le premier usage de la Bauxaline a permis la création d’un récif artificiel en briques de Bauxaline pour animaux marins dans la zone protégée de Carry- le-Rouet. Ensuite d’autres utilisations ont été mises place comme la réhabilitation de centre d’enfouissement technique en recouvrant le site de terre rouge. Cela permet de rajouter de la terre végétale et de favoriser la repousse d’arbres sur d’anciennes décharges comme sur une partie du site de la Malespine à Gardanne, en 1995. D’autres projets de réhabilitation de CET ont été réalisés à Entressen dans la Crau, pour Marseille, Septèmes, La Ciotat et à Martigues.

La Bauxaline peut servir de coulis de remplissage pour des galeries de mines et des carrières souterraines comme pour la champignonnière de Peynier. Dans le domaine des travaux publics, la Bauxaline peut être utilisée en couches de soubassement pour la construction de routes, mélangée à des cendres comme celles issues de la centrale thermique de Gardanne.

« Une partie de la RD6 en a bénéficié, ainsi que la route pour se rendre à Mangegarri. Les résultats sont très concluants. Nous attendons certaines homologations et sommes à la recherche de nouveaux débouchés pour la bauxaline. Nous explorons des pistes intéressantes du côté d’Iter et d’Arles. »

OPA : un inquiétant jeu de “PacMan”

Détrôné en 2006 par le conglomérat russo- suisse Rusal, le géant américain Alcoa est déterminé à retrouver son titre de plus grand producteur mondial d’aluminium en prenant le contrôle de son rival canadien Alcan, le numéro 3 du secteur.

Pour arriver à ses fins, le groupe américain Alcoa a annoncé le lundi 7 mai une offre publique d’achat (OPA) hostile en proposant 24,3 milliards d’euros. Le nouvel ensemble contrôlerait alors 25% du marché mondial de l’alumine laissant son rival Rusal loin derrière.

Alcan a rejeté le 22 mai, l’offre publique d’achat, la jugeant insuffisante, mais a fait savoir qu’il serait prêt à examiner une proposition améliorée. Selon différents quotidiens, Norsk Hydro et Rio Tinto deux autres groupes, l’un de nationalité norvégienne, l’autre australo-britanique, seraient aussi intéressés par Alcan.

Le cynique jeu de PacMan économique qui consiste pour les géants de l’aluminium à se racheter les uns les autres est loin d’être terminé. Il va sans dire que les inquiétudes sont nombreuses chez les salariés d’Alcan avec les risques de fermetures, de licenciements.

« Cela peut être l’abandon complet de l’aluminium en France,  » déclare Jo Selva du syndicat CGT. Roger Meï n’a pas manqué d’interroger la direction d’Alcan lors d’une visite le 22 mai, tout en la félicitant pour ses investissements en matière de revalorisation des résidus de bauxite, sur les risques encourus pour le site de Gardanne quand à l’OPA d’Alcoa. Frédéric Weishaar, nouveau directeur d’Alcan Europe présent ce jour-là, s’est dit « globalement serein, » soulignant que « l’acquisition de Pechiney par Alcan avait été plutôt bénéfique pour le site de Gardanne avec 20 millions d’euros investis dans l’environnement, la sécurité et de nouvelles capacités de production. »

Roger Meï a indiqué que « la Ville serait aux côtés des familles, des syndicats et des salariés pour apporter tout son soutien au maintien des activités sur le site de Gardanne. »