Intercommunalité

Les grandes lignes du projet d'agglomération Bruno Colombari

Publié le

Début mai, la création d’un conseil de développement regroupant des bénévoles associatifs, de salariés des services publics, des militants syndicaux et des entrepreneurs, marque la mise en route du projet d’agglomération de 14 communes entre Aubagne et Gardanne. 120 000 habitants sont concernés par cette structure qui abordera les questions de l’environnement, des transports, de l’emploi et du logement. A condition que l’État, via son nouveau Préfet de région, sorte enfin de son silence.

Le départ d’Yvon Ollivier, actuel Préfet de Région, va-t-il enfin débloquer le dossier de l’intercommunalité ? S’il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences d’un changement de Préfet, les 14 communes concernées (les 7 de l’Étoile et du Merlançon, les 6 de Garlaban-Huveaune-Ste-Baume et Gardanne) ne perdent pas de temps : d’ici septembre, un contrat d’agglomération sera signé avec le Conseil régional et début mai, un conseil de développement regroupant 78 membres de la société civile a été mis en place. Quant aux élus, ils ont travaillé à partir d’un diagnostic élaboré par le bureau d’étude ORGECO. Le 5 avril, un séminaire a réuni à Aubagne plus de deux cents élus.

L’Est des Bouches-du-Rhône est marqué par deux grandes intercommunalités. L’une est grande par la population (980 000 habitants pour 18 communes autour de Marseille), l’autre par sa superficie (34 communes autour d’Aix, soit 330 000 habitants). Au Sud-Est de ces deux géants, on trouve 14 communes qui regroupent 120 000 habitants. Il s’agit, autour d’Aubagne, de la Penne-sur-Huveaune, Roquevaire, Auriol, Saint-Zacharie et Cuges, plus au Nord de la Bouilladisse, la Destrousse, Belcodène, Peypin, Cadolive, Saint-Savournin et Gréasque, que rejoindrait Gardanne. C’est un territoire dont la population augmente rapidement : entre 1975 et 1999, elle est passée de 80 à 120 000 habitants, essentiellement grâce à l’apport de personnes venues de l’extérieur, qui représentent aujourd’hui le tiers de la population.

Et ce sont les petites communes qui ont le plus contribué à cette croissance. Quand on examine le poids démographique des deux pôles que constituent Aubagne et Gardanne, on constate qu’ils ne regroupent que 54 % de la population totale. C’est d’ailleurs dans les petites communes que la proportion de moins de 20 ans est la plus forte (environ 30 %) : Peypin, Cuges et Belcodène. D’après ORGECO, la croissance démographique devrait être moins soutenue dans les prochaines années, à cause notamment du vieillissement de la population, de la pénurie de terrains constructibles et du retour vers les centre-villes.

D’un point de vue géographique, les 280 km2 du territoire se partagent entre massifs (Étoile à l’Ouest, Sainte-Baume à l’Est) et vallées (Huveaune et Merlançon), avec des axes de communication orientés Sud-Est - Nord-Ouest. C’est un territoire essentiellement couvert par des espaces naturels (61 %) et agricoles (9 %). Les zones vertes y sont même plus importantes que dans la communauté urbaine de Marseille ou celle du pays d’Aix. Il reste 80 km2 destinés à l’urbanisation, dont un tiers en zone rurale.

Au niveau des logements, on en compte 47 000 dans le secteur, dont 17 % à Gardanne et 39 % à Aubagne. Mais là, les différences sont importantes entre les deux communes principales et les autres : Aubagne compte 65 % de logements collectifs, Gardanne 40 %, alors que ce taux tombe à 13 % dans les villages de l’Étoile et du Merlançon. Même chose en ce qui concerne l’accession à la propriété : elle concerne 46 % des Gardannais et des Aubagnais, contre 67 à 76 % des habitants des autres communes. Conséquence logique : l’essentiel du logement social (HLM) est regroupé à Gardanne, Aubagne et la Penne-sur-Huveaune, et représente 18 % du total des résidences principales.

La population active représente 54 000 personnes. La proportion entre ouvriers, employés, cadres et artisans est sensiblement la même que dans le département et la communauté urbaine de Marseille, même si la part des salariés de l’industrie est supérieure à la moyenne locale. Elle est en hausse, grâce à la création de 5 000 emplois dans les années 90 et l’apport de population extérieure. Surtout, 40 % des actifs travaillent dans la commune où ils habitent, ce qui joue évidemment sur la mobilité et les moyens de transport.

Voilà pour l’état des lieux. Reste maintenant à savoir que faire dans le cadre de cette intercommunalité : c’est le sens du projet d’agglomération qui va se construire dans les semaines à venir. L’étude évoque quelques pistes, les membres du Conseil de développement amèneront les leurs, et en fin de compte les élus trancheront. " L’essentiel, précise Daniel Pinna, directeur général des services de la communauté d’agglomération GHB, c’est de passer d’une logique de guichet à une logique de projet. En clair, les projets se mènent à 14 communes, dans l’intérêt de tous. Il n’y a pas une ou deux villes qui montent un projet et les 12 autres qui y contribuent. "

Autre point important : des services de proximité pour l’amélioration des conditions de vie (services publics, formation, commerces, transport). Le rôle de l’intercommunalité, c’est aussi de prendre en charge les nouveaux besoins quand la population augmente : les équipements, la gestion des déplacements... Il s’agit aussi de trouver un équilibre entre les zones urbaines, les terres agricoles et les espaces naturels : la chaîne de l’Étoile peut ainsi être mieux entretenue et mise en valeur, ainsi que les bords des ruisseaux. Il y a aussi beaucoup à faire pour les entrées de villes et de villages, souvent défigurées par de grands panneaux publicitaires et des zones commerciales plus ou moins bien intégrées dans le paysages. Enfin, le secteur est fragile : les zones boisées sont menacées par les incendies, les vallées sont exposées aux inondations et la présence d’industries génère des risques.

Mais les trois domaines dans lesquels l’intercommunalité aura une responsabilité importante sont le logement, les transports et l’emploi. Pour le logement, notre région souffre à la fois d’un parc immobilier cher (qui rend difficile l’accès à la propriété) et d’un manque de logements locatifs, dans le parc privé ou dans les HLM. Il s’agit de mieux répondre à la demande, sans dégrader les paysages. Comment faire ? Il est possible de remettre en état les logements existants (2 200 sont vacants) et de " reconstruire la ville sur la ville, " c’est-à-dire bâtir sur des terrains en friche situés en zone urbaine. Il paraît nécessaire, pour le moins, de relancer la construction de logements sociaux, notamment dans les communes qui en comptent très peu.

La question des transports est également épineuse. Entre Aubagne et Gardanne, plus encore que dans le reste du département, la voiture est reine, et le choix est bien limité, entre la traversée des villages par la N 96, ou l’autoroute A 52, payante. Les transports en commun interurbains sont insuffisants, et s’il existe une voie ferrée qui part d’Aubagne et arrive à Valdonne, elle est désaffectée depuis près de vingt ans et démantelée par endroits. C’est pourtant là qu’il existe une possibilité intéressante à partir de l’emprise ferroviaire existante. Des pôles d’échanges train-bus-voitures devraient être développés autour des gares de Gardanne et d’Aubagne, ce qui va de pair avec l’amélioration des lignes SNCF Aix-Marseille d’une part, Marseille-Nice d’autre part.

Enfin, le développement économique du secteur doit être poursuivi, avec la mise à disposition de terrains et de locaux pour les entreprises qui souhaitent s’installer. La future zone d’activités de Jean-de-Bouc est l’un des principaux projets sur lesquels l’intercommunalité devra se pencher. Mais la question des commerces de proximité, qui concerne autant les principales communes que les villages, ne sera pas oubliée. Il ne reste maintenant plus qu’au nouveau Préfet Christian Frémont à signer un arrêté reconnaissant la nouvelle entité intercommunale. Et à mettre fin à des mois d’immobilisme qui sont autant de temps perdu.

Trois grandes lois pour l’intercommunalité

En France, le regroupement intercommunal est encadré par trois lois votées à la fin des années 90 : la loi Chevènement (relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale), la loi Voynet (d’orientation sur le développement durable du territoire) et la loi Gayssot (relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite SRU). La première organise le regroupement de communes dans des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines, permet de mettre en commun leurs ressources financières et de gérer ensemble certains domaines, comme le développement économique, les transports, l’aménagement du territoire, les déchets, l’assainissement... La deuxième propose l’élaboration d’un projet d’agglomération à l’issue d’un dialogue entre les communes, les représentants économiques, sociaux et culturels regroupés dans un conseil de développement et les collectivités partenaires comme la Région. La dernière demande aux agglomérations d’élaborer des Schémas de cohérence territoriales (SCOT), qui doit veiller à assurer l’équilibre entre espaces naturels et zones habitées, secteurs résidentiels et logements sociaux ainsi que les différents modes de transport et l’implantation des services de proximité.