Festival cinématographique d’automne 2006

Les femmes et les enfants d’abord Bruno Colombari, Carole Nerini & Loïc Taniou

Publié le

Marqué par une forte participation des scolaires, ce 18e festival d’automne aura fait la part belle aux femmes, qu’elles soient devant ou derrière la caméra. Le tout dans une ambiance conviviale, avec notamment une nuit italienne et une journée indienne, et des rencontres passionnantes qui font du cinéma un art plus vivant que jamais.

Voir aussi
Chronologie : les 25 automnes du festival

« Nous avons fait un beau voyage, éprouvant, très riche, douze escales, beaucoup de monde rencontré, beaucoup d’idées qui mûrissent. » Au soir du douzième et dernier jour du festival, les neuf membres du jury jeunes sont épuisés, mais ils sont toujours là, sur la scène du 3 Casino, pour parler de leurs coups de coeur (voir encadré sur le palmarès 2006).

Forte de ses 7 425 entrées, la dix-huitième édition du festival d’automne aura été effectivement riche en découvertes et en convivialité avec notamment une soirée bollywood (un rendez-vous désormais attendu), une nuit italienne avec buffet à l’appui et un ciné-concert en ouverture.

Joli contre-pied de programmation, puisqu’en lieu et place d’une habituelle avant-première, Régine Juin et Bernard Lafon avaient choisi de projeter Vive le sport ! un film datant de 1925 avec Harold Lloyd à l’affiche. Et pour rendre l’illusion plus complète, les images étaient accompagnées sur scène par les trois musiciens (contrebasse, clavier, batterie) du Philharmonique de la Roquette.

« Tout est improvisé, avec des points de rendez-vous à certains moments du film, l’image nous sert de support, explique Julien Kamoun, batteur. L’impro, c’est plutôt du jazz, du charleston, de la valse ou du tango, mais on essaie aussi de se placer dans un registre moderne. » Le résultat est surprenant, à tel point qu’on oublie parfois d’où vient le son.

Si l’action du film Lady Chatterley se passe à l’époque d’Harold Lloyd (1921), son tournage date de quelques mois, et c’est lors d’une avant-première que sa réalisatrice, Pascale Ferran, et l’actrice principale, Marina Hands, sont venues le présenter au public gardannais.

« C’est une histoire tellement simple entre un homme et une femme qui se transforment l’un l’autre comme la nature se transforme autour d’eux. La différence sociale qui les sépare fait que leur liaison est impensable : si on enlève l’avenir, qu’est-ce qu’il reste ? Il s’agit de capter l’instant, en étant au plus près. »

C’est aussi ce qu’a fait, dans un registre complètement différent, l’Argentin Fernando Solanas avec La dignité du peuple, un documentaire qui raconte comment les habitants, à Buenos- Aires et dans les campagnes, s’organisent et créent des réseaux de solidarité face à la terrible crise économique qui a dévasté le pays il y a cinq ans.

Au cours du débat qui a suivi avec Attac, l’économiste Renaud Gallimard constatait « qu’en France, on voit plus des usines occupées que des usines reprises par leurs salariés. Et le système de protection sociale a empêché des millions de familles de tomber dans la pauvreté absolue. En Amérique latine, il n’y a plus de modèle, tout est à reconstruire. »

Regards sur un cinéma engagé

Comme en Argentine, la femme était à l’honneur dans Barakat ! de la réalisatrice Djamila Sahraoui qui nous a livré un magnifique portrait de femmes à travers une évocation de l’Algérie, de son histoire douloureuse héritée de la guerre de la libération et de dix années noires (1992 à 2002).

« J’avais envie de faire un portrait de femmes entre deux générations, de montrer comment elles se sont battues, confiait la réalisatrice invitée du festival. Un film aussi très silencieux qui laisse transparaître des choses non-dites, car on ne peut pas expliquer toute l’histoire d’un pays. Ala fin du film, un personnage, l’homme qui a tout perdu, jette un revolver dans la mer en criant “Barakat !”, (Ça suffit !), refusant la haine et la violence et signifiant : on arrête tout ça, et on part vers autre chose. »

Allez Yallah ! (On y va !) de Jean-Pierre Thorn racontait comment des femmes, notamment marocaines, prenaient leur destin en main en allant à la rencontre des autres en 2004, dans les cités de la banlieue lyonnaise ou dans des villages au Maroc avec leur caravane des droits de la femme. « Une aventure humaine au départ, très réaliste, très concrète qui va devenir une véritable épopée » expliquait Jean-Pierre Thorn.

Le tour du monde au féminin se poursuivait par Sister in Law avec le combat de deux femmes, juge et avocate, au Cameroun pour le droit et la justice. Enfin Bamako mettait en scène un procès de la mondialisation, condamnant symboliquement les instances financières telles le FMI et la Banque mondiale à des travaux d’intérêt général.

Le retour des scolaires

Plus de six cents élèves de neuf écoles maternelles et primaires ont participé cette année au Festival, ce dernier ayant commencé quelques jours avant les vacances scolaires de la Toussaint. Comme l’explique Eve Cloué, élue déléguée au cinéma, « nous avons parcouru les écoles pour faire connaître la programmation. Il est important que les enfants de notre commune se familiarisent avec ce lieu. »

Le 23, la classe de Jean-Louis Dumas à l’école Fontvenelle a assisté à la projection de Jiburo, un film coréen qui traite de l’histoire d’un petit garçon de la ville, confié contre son gré à sa grand-mère à la campagne. A la fin de la séance, un échange des plus intéressants s’est déroulé entre le personnel du cinéma, l’instituteur et les enfants, en préambule au travail qui a été réalisé en classe après les vacances.

Les films programmés dans le cadre du ciné junior ont d’ailleurs fait recette, le nouveau film de Michel Ocelot, Azur et Asmar, projeté un dimanche après-midi en avant-première ayant tout particulièrement attiré l’attention de ce jeune public.

Le palmarès 2006

Le prix du public a été décerné au film de Christophe de Ponfilly, L’étoile du soldat. Le journaliste et cinéaste, spécialiste de l’Afghanistan et proche du commandant Massoud, est décédé en mai dernier. Le jury jeunes (16-25 ans) a pour sa part récompensé Libero de Kim Rossi Stuart. « Un film sur la complexité des relations parentales, le passage de relais entre un père et son fils face aux difficultés de la vie, » selon les membres du jury. Les enfants (moins de 12 ans) ont préféré Franz et le chef d’orchestre de Uzi et Lotta Geffenblad. Côté courts-métrages, ont été primés par le public Magic Paris d’Alice Winocour, et par le jury Regards libres de Romain Delange, qui a filmé une dizaine d’enfants commentant un tableau abstrait. Un bijou d’humour et de spontanéité.