La rivière de l’espoir Energies 442 - Bruno Colombari

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Comment concilier emploi et protection de l’environnement ? Une conférence au puits Morandat sur l’exemple de la réhabilitation d’une rivière en Allemagne a montré que des solutions existent.

Deux jours après les inondations catastrophiques autour de Cannes et Nice, et trois semaines après l’enquête publique sur les rejets en mer d’Alteo, la conférence organisée le 5 octobre par l’association Blue district au puits Morandat ne pouvait pas mieux tomber. Le biologiste Mario Sommerhaüser est venu présenter l’expérience menée en Allemagne dans la région de la Ruhr, autour de la rivière Emscher, véritable égout à ciel ouvert alimenté par l’activité industrielle tout au long du 20e siècle. Un réseau souterrain pour récupérer les eaux usées a été aménagé alors qu’en surface, le canal de béton dans lequel s’écoulait la rivière a été détruit, permettant à l’eau de regagner de la place et à la végétation de s’installer sur les berges. « En faisant ça, on prévient les inondations et on favorise la biodiversité, » explique Mario Sommerhaüser.

Investir pour l’avenir

Les résultats sont très encourageants, même si l’aménagement, qui aura coûté 4,5 milliards d’euros et créé 3500 emplois dans la Ruhr, ne sera achevé qu’en 2020. Gardanne a investi de son côté 5 millions d’euros en 25 ans pour aménager dix bassins de rétention pour prévenir les inondations. Roger Meï rappelle aussi que « Gardanne s’inscrit pleinement dans la transition énergétique avec le biogaz, le photovoltaïque et les études en cours sur la géothermie, le tout dans le cadre d’une économie sociale et solidaire. »

Pour autant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes : ainsi, si le bassin de l’Emscher change de visage, les emplois industriels de la Ruhr ont été en grande partie détruits depuis une trentaine d’années, et la plus grosse aciérie d’Europe a été démantelée et vendue aux Chinois. Ce qui interroge Claude Jorda, conseiller départemental de Gardanne : « Est-ce qu’au final on n’a pas déplacé le problème ailleurs sans le résoudre ? À Gardanne, si l’usine Alteo ferme et va s’installer en Roumanie, on n’aura rien gagné. L’objectif est de pousser l’usine à dépolluer, pas à arrêter son activité. » D’autant que, comme le remarque Luc Foulquier, ingénieur et chercheur en écologie, « En Allemagne, les industriels pollueurs ont-ils payé ? »

On se doute de la réponse. L’industrie minière allemande, via une fondation, a contribué à une partie du financement, notamment le traitement des eaux usées, mais pas pour réaménager la rivière. De tels investissements seraient-ils possibles en France ? La Cop 21 (conférence sur le climat) qui aura lieu à Paris en décembre pourrait en tout cas s’inspirer de cette initiative.