La Métropole en questions Energies 454 - 11 mai 2016 - Bruno Colombari

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Depuis le 1er janvier 2016, la métropole Aix-Marseille Provence a absorbé les six intercommunalités avoisinantes, dont la Communauté du pays d’Aix dans laquelle se trouve Gardanne. Quelles sont les conséquences de ce basculement ? Où en est-on aujourd’hui ? Qu’est-ce qui va changer dans les années à venir ?

C‘est la plus grande des métropoles françaises par la surface et la deuxième par le nombre d’habitants derrière le Grand Paris. Aix-Marseille Provence est une géante géographique, démographique et administrative qui regroupe 1,8 million d’habitants. Elle est issue de la fusion de la communauté urbaine de Marseille et des cinq communautés d’agglomération qui l’entourent : le pays de Martigues, Ouest-Provence, Salon-Étang de Berre-Durance, pays d’Aix, pays d’Aubagne et de l’Étoile. Dans les Bouches-du- Rhône, seuls les Alpilles, La Crau et Arles ne sont pas concernés. Il y a donc désormais 240 élus au conseil de métropole. Et comme il a fallu faire de la place aux petites communes, et que les grosses, bien évidemment, se taillent la part du lion (cent huit sièges pour Marseille, dix-sept pour Aix-en-Provence), les autres se contentent des miettes.

UN ÉLU SUR 240

Gardanne n’a ainsi qu’un seul représentant, alors qu’elle en avait cinq à la Communauté du pays d’Aix (CPA). C’est d’ailleurs bien pour ça que plusieurs maires, dont celui de Gardanne, avaient déposé un recours fin 2015 pour contester la représentativité du Conseil métropolitain. Le Conseil constitutionel a finalement tranché en faveur de la Métropole le 19 février dernier. En mars, Jean- Claude Gaudin démissionnait de la présidence de la Métropole après une élection contestée en novembre dernier devant le Conseil d’État. Il était réélu le 21 mars. Reste maintenant à comprendre comment fonctionne la métropole. D’ici à 2020 aura lieu une période de transition pendant laquelle la métropole va récupérer les compétences des intercommunalités (rebaptisées conseils de territoire), du département (début 2017) et des communes (début 2018).

Ces compétences regroupent le développement économique, social et culturel, l’aménagement de l’espace, la politique de l’habitat et de la ville, la gestion des services d’intérêt collectif et la protection de l’environnement. Autrement dit, les zones d’activités économiques, les grands équipements sportifs et culturels, les offices de tourisme, la voirie, les parkings, les Plans locaux d’urbanisme (PLU), la distribution et l’assainissement de l’eau, les services d’incendie et de secours, les cimetières, la collecte des déchets, la gestion des réseaux de chaleur urbains. Aujourd’hui, une partie de ces compétences sont rétrocédées aux Conseils de territoires en vertu de leur intérêt local.

2,2 MILLIARDS DE DETTES

Quel sera le pouvoir des maires dans cette nouvelle instance ? Ils pourront se faire entendre dans le Conseil de métropole, on l’a vu, même si de fait les élus aixois et marseillais détiennent la majorité absolue des sièges. Ils seront aussi présents dans le Conseil de territoire (qui remplace la communauté d’agglomération) qui pourra émettre un avis auprès du Conseil de métropole, et se voir déléguer certaines compétences. Enfin, ils seront réunis dans la conférence des maires, qui là aussi sera consultée pour avis. Autrement dit, elle n’aura aucun pouvoir.

La dette est une question centrale, évidemment. À peine née, la métropole accumule déjà 2,2 milliards d’euros de déficit, puisqu’elle reprend les dettes respectives des six territoires qui la composent. Sachant que la communauté urbaine de Marseille en représente plus de un milliard (budget principal, sans les budgets annexes). Voilà qui nourrit les inquiétudes des élus des autres communes et des habitants.

LES POINTS CLÉS

- Après des mois de bataille juridique, la Métropole Aix- Marseille Provence est en place.
- Elle a repris les compétences des communautés d’agglomération, dont la CPA.
- Le logement, le programme local de l’habitat, la piscine, les déchets, le développement économique sont concernés.
- Gardanne et ses 21000 habitants n’auront qu’un représentant au Conseil de métropole.
- Le niveau très élevé de la dette marseillaise inquiète les élus.

QUESTIONS À

Roger Meï, Maire de Gardanne, conseiller de terriroire, conseiller métropolitain

Énergies : En 2014, Gardanne avait plutôt bien défendu ses intérêts en intégrant la Communauté du pays d’Aix (CPA). De quel poids la Ville pèsera-t-elle dans la Métropole marseillaise ?

Roger Meï : J’avais dit à l’époque que la CPA, c’était la dernière marche avant la métropole. On y est. Je m’y suis opposé parce qu’on allait perdre notre autonomie financière et des compétences importantes. L’entrée dans la CPA, ça nous a coûté quand même près de trois millions d’euros par an, ce n’est pas négligeable, même si on y a gagné un peu. Pour l’instant, la métropole n’est pas prête, ça va continuer à travailler tout au long de l’année, le budget n’a été voté que fin avril.

Énergies : À quoi va ressembler le service public municipal après 2018, quand les compétences de la Ville seront transférées à la métropole ?

R.M. : Si les parkings ne sont plus de notre compétence, ils vont devenir payants. Bientôt les Gardannais seront copropriétaires du stade Vélodrome, mais ce n’est pas une affaire... Le projet métropolitain, il date des années 50-60, quand les partis de gouvernement en Europe se sont mis d’accord pour créer des villes-centre. Le maire de la ville principale décide, les techniciens gèrent. Et les maires des petites villes valident.

Énergies : Quels sont les domaines qui vous inquiètent le plus ?

R.M. : La voirie, l’eau aussi, bien entendu. À Gardanne, le service public de l’eau permet d’avoir une tarification intéressante. En passant à la métropole, les tarifs risquent d’augmenter. Alors, bien sûr, il y aura du positif, comme la question des transports. Quand j’ai été élu la première fois au Conseil général en 1976, nous avons demandé le doublement de la voie ferrée Aix-Marseille. Les élus marseillais s’y sont opposés, en disant que les Marseillais allaient partir. Résultat, ils sont partis quand même, et ils reviennent travailler en voiture.

Mais on aurait pu régler cette question des transports sans faire la métropole, il aurait fallu travailler ensemble avec des liens différents pour servir les intérêts de la population, pas les intérêts financiers des multinationales. Gardanne a des atouts importants, comme sa situation géographique et sa culture industrielle. Et nous avons toujours cette volonté de cultiver la proximité et de défendre les intérêts des habitants.

POINTS DE VUE CROISÉS

Angèle Planidis

Directrice générale des services

"La métropole a deux ans pour définir l’intérêt métropolitain afin de déterminer les contours des compétences qu’elle va s’attribuer ou redonner aux communes. C’est un enjeu pour Gardanne. Il s’agit à la fois de proposer des projets structurants comme le Centre culturel scientifique, technologique et industriel et d’être attentifs aux transferts de certaines compétences en 2018.

C’est un bouleversement institutionnel important, où les centres de décisions vont se déplacer au Conseil de métropole, laissant aux Conseils de territoires (ex. agglomérations) des compétences déléguées, le stratégique se situant au niveau de la métropole comme par exemple tous les schémas de développement : transports, mobilité…

2018, c’est court pour préparer les transferts de compétences. D’autant qu’à ce jour, le pacte de gouvernance fiscal et financier n’est pas défini. Aussi la Ville sera accompagnée par deux bureaux d’études. L’un sur les aspects juridiques et financiers, car l’enjeu sera bien de négocier avec la métropole sur l’évaluation des charges à transférer, compte tenu de notre patrimoine. Et l’autre concerne le diagnostic voirie.

C’est bien une double réflexion qui s’impose, aux vues des compétences communales concernées. Il nous faudra définir le service public local qui va rester et recentrer l’action municipale, articulée à la métropole, autour des besoins des Gardannais dans leur quotidien."

Christine Laforgia

Présidente du conseil d’exploitation de la régie de l’eau et de l’assainissement

"L’eau de Gardanne est d’excellente qualité et c’est l’une des moins chères [2,83 € par mètre cube, contre 3,60€ pour Marseille, NdlR]. La régie a fait d’importants efforts d’investissement ces dernières années, avec des travaux sur les réseaux avenue des Aires, route de Mimet, route Blanche, chemin Estrec, avenue de Nice, rue Puget...

Le réseau est également surveillé de près, que ce soit pour l’assainissement ou pour l’eau potable afin de réduire le plus possible les fuites. En 2018, la Métropole va récupérer les missions, le réseau et les agents. En plus du tarif qui va certainement augmenter, on va perdre cette proximité que permet un service public local et de qualité de l’eau."

Magali Brunel

Directrice adjointe des services techniques

"Au 1er janvier 2018, l’entretien de la voirie communale sera géré par la métropole, qui le facturera à la Ville. C’est pour cela que nous avons demandé à une entreprise spécialisée de mettre à jour le tableau de classement des voies communales et des chemins ruraux, afin d’avoir un état des lieux le plus précis possible : état de la chaussée, des trottoirs, des fossés...

Sur le domaine public, nous avons 93km de voirie communale et 12km de chemins ruraux, ces derniers devraient rester à la charge de la Ville. Plusieurs points sont encore en suspens : qui va gérer l’éclairage public ? L’entretien des espaces verts dans les ronds-points ? La taille des arbres d’alignement ? L’occupation du domaine public, pour le marché par exemple  ? Les réseaux de chaleur du centreville  ?"