Financement de la protection sociale

L'avenir en pointillé des centres de santé Claude Durand

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L’accès à la santé est un droit fondamental. En France, le réseau des centres de santé mutualistes est pourtant menacé, par manque de financements publics. Une table-ronde organisée par le Conseil régional a dressé un état des lieux et donné des perspectives pour que ces structures de proximité ne disparaissent pas.

La Sécurité Sociale, les Mutuelles, ainsi que les organismes publics de recherche ont été depuis la Libération les outils d’un formidable bond en avant en matière de santé. Pourtant depuis plusieurs années la contrainte budgétaire pèse de plus en plus sur les dépenses de santé : renouvellement des médecins non assuré, pénurie de praticiens dans certaines disciplines, manque de personnel dans les hôpitaux, déremboursement de centaines de médicaments, instauration du forfait hospitalier puis non prise en charge de certains examens...

Parmi les structures menacées figurent en bonne place le centres médicaux, qu’ils soient municipaux, mutualistes, ou comme celui de Gardanne avec ce double statut. C’est pour travailler sur cette question que le Conseil régional a organisé une table ronde le 29 mai dernier, dont le thème était Quels financements pour la santé. Présidée par René Giorgetti, conseiller régional représentant le président Vauzelle, elle réunissait les responsables des Mutuelles de Provence, des élus de diverses communes, sénateur, conseillers régionaux et généraux.

Il s’agissait pour chacun de faire un état des lieux et de tracer des perspectives pour le devenir de ces structures. D’entrée, un consensus se dégageait sur le rôle irremplaçable que jouent ces centres dans les communes où ils sont implantés : ainsi, le témoignage du premier adjoint au maire de Berre sur la place dans le dispositif de soins de cette structure, des élus de Port-de- Bouc ou du Conseiller général de Port- Saint-Louis-du-Rhône qui constatait que le centre médical regroupait les seuls spécialistes présents sur la ville. De même, un médecin du centre Paul- Paret dans les quartiers Nord de Marseille soulignait le rôle positif d’une structure pluridisciplinaire dans un quartier défavorisé, mais également la diversité des publics accueillis, le maintien du lien social ou le partenariat bâti avec l’hôpital Nord.

Il y a donc accord sur la nécessité de maintenir cette offre de soins, à laquelle s’ajoute un important travail de prévention : on citera par exemple pour Gardanne tout le travail mené sur le dépistage des quatre cancers les plus fréquents, ou à l’Ouest du département sur les maladies professionnelles et les risques liés à l’amiante.

Comment, dans le cadre de restrictions budgétaires en matière de santé, pérenniser ces structures ? Car aujourd’hui le risque de fermeture est réel et pourrait se traduire à brève échéance. Les centres mutualistes ne sont pas les seuls menacés puisque la Croix-Rouge et des municipalités de la région parisienne ont déjà dû fermer des centres.

La situation gardannaise

Notre ville est bien sûr concernée. Innauguré il y a tout juste 25 ans, le centre François-Billoux fait pleinement partie du paysage médical de la commune en complémentarité avec les médecins libéraux et les autres structures : hôpital de jour, maison de retraite médicalisée, centre de soins palliatifs La Maison.

Avec 50 000 consultations assurées par an (pour 10000 patients accueillis) dont la moitié par les médecins généralistes l’autre par des spécialistes, le centre répond à un réel besoin. Soulignons qu’à l’heure où l’on se préoccupe à juste titre de l’encombrement des services d’urgences des hôpitaux, le centre prend en charge une partie de celles-ci. Sa fermeture aurait donc entre autres conséquences de venir augmenter les 150000 urgences traitées chaque année à l’hôpital d’Aix-en-Provence.

Au cours de cette rencontre les villes présentes ont tenu à souligner qu’elles ne pouvaient accepter une nouvelle fois le transfert sur les seules collectivités locales de charges du ressort de la nation. Gardanne comme d’autres communes accueille le centre médical dans des locaux municipaux et contribue à son fonctionnement. C’est une intervention légitime au regard du service rendu à la population, de la prise en charge des publics les plus en difficulté, de la participation à l’action de prévention et aux différents organismes partenaires (espace santé jeunes, prévention des toxicomanies...).

Il a été rappelé à cette occasion l’attachement de la population de Gardanne à cet équipement obtenu après une très longe lutte qui a contraint le ministère de la santé d’alors (sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing) à autoriser l’ouverture du centre. Nul doute que sa défense nécessitera une nouvelle fois l’intervention des Gardannais, leur vigilance à défendre un outil qui a fait ses preuves, qu’ils en soient usagers ou non, car sa fermeture constituerait un nouveau mauvais coup dans le droit de l’accès aux soins pour tous.

Nicole Allais : " Nous recevons toutes les populations"

Pensez-vous qu’au niveau de l’État, le rôle des centres de santé soit reconnu  ? N.A. : Oui, sans aucun doute. L’État convient qu’ils sont utiles. Il faut savoir que dans les centres de santé, nous recevons tout le monde, et notamment des gens en situation précaire. Mais ce qui manque, c’est la reconnaissance financière. On se bat pour ça. Nous avons besoin de ces financements publics pour les investissements, pour renouveler le matériel qui coûte très cher. L’implantation des centres de santé dans les Bouches-du-Rhône est-elle plus forte qu’ailleurs ? N.A. : Oui, c’est même la plus grande densité en France. Nous gérons une cinquantaine d’établissements, dont onze centres de santé comme celui de Gardanne. Un habitant sur dix fréquente ces établissements. C’est l’héritage de l’énorme effort fait en 1945 pour relever le pays, effort qui passait par la qualité de la protection sociale. Quelles seraient les conséquences de la fermeture du centre de santé dans une ville comme Gardanne ? N.A. : Les habitants devraient faire de nombreux kilomètres pour trouver une structure équivalente, à Aix par exemple, avec toutes les difficultés que ça représente. Et l’offre de soins en médecine libérale ne serait pas la même, il y en aurait beaucoup plus en secteur 2, en honoraires libres.

*Nicole Allais est présidente du grand conseil de la mutualité, Mutuelles de Provence.