Hommage

L’adieu des Gardannais à Yvan Vignaroli Energies 383 - Bruno Colombari

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Le 27 septembre, un long cortège de véhicules de pompiers est parti de la caserne pour traverser tout le centre-ville jusqu’à La Halle, où Manuel Valls, Roger Meï et des centaines d’habitants ont rendu un dernier hommage au pompier volontaire Yvan Vignaroli.

Jamais encore La Halle n’avait été le théâtre d’une telle cérémonie, à la fois douloureuse, solennelle et infiniment respectueuse. Ce dernier jeudi de septembre, ils étaient sans doute près d’un millier à rendre hommage à Yvan Vignaroli, mort deux jours plus tôt aux Milles en combattant un violent feu d’entrepôt, après avoir accompagné en cortège son cercueil - drapé de bleu-blanc- rouge et déposé sur le camion-grue - en un long cortège entre la caserne et La Halle.

Il y avait là tous les pompiers du centre de secours de Gardanne, mais aussi des anciens mineurs, des marins-pompiers, des gendarmes, le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls, la Ministre déléguée Marie-Arlette Carlotti, le Président du Conseil régional Michel Vauzelle, le Président du Conseil général Jean-Noël Guérini, le Préfet de région Hugues Parant et les élus de la ville.

C’est Roger Meï qui a pris la parole en premier, devant la famille et les proches d’Yvan Vignaroli : « Mardi après-midi, quand la nouvelle est tombée, je revenais de la Sous-préfecture. Je me suis immédiatement rendu à la caserne avec ma Première adjointe, Yveline Primo, pour partager ce grand moment de peine. J’ai vu pleurer ses copains, ces grands gaillards. Certains pleuraient à chaudes larmes, Daniel, Jean-Pierre, Jean-Marc, Éric, je ne les cite pas tous... J’ai vu le colonel Jorda éclater en sanglots. Excusez-moi, ce n’est pas un signe de faiblesse. Toute la famille des pompiers souffre quand un des leurs est frappé, vous l’avez exprimé très fort.

Yvan, avec Edgard ton frère, je t’ai connu à l’école des garçons Jacques-Prévert. Tu étais remuant comme pas deux. Ce n’est pas un défaut ! Je rappelle brièvement ton parcours professionnel. A l’époque on entrait tôt dans le monde du travail. Après avoir été employé quelques années à la chaudronnerie Frosini, tu es entré à la mine où tu as fini ta carrière, après 30 ans, comme maître-mineur. [...]

Je t’ai recruté comme pompier volontaire en 1978. A cette époque le corps municipal des sapeurs pompiers de Gardanne, sous l’autorité du Maire, était au service de la population gardannaise mais au-delà, au service de tous les villages alentours. Tu es resté et y a fait carrière.

Permets-moi de parler quelques minutes de ton métier, ce métier de pompier qui est reconnu par tous, un bel et fort exemple de service public, la population gardannaise a toujours pu compter sur vous, sans défaillance. Cette solidarité, tes copains, les anciens mineurs ici présents, sauront de quoi je veux parler. Cette solidarité dont nous avons continué la tradition dans notre action municipale, dans la politique de la ville.

Les mineurs et les pompiers, je le rappelle, ont la même patronne, Sainte-Barbe. Le monde de la mine, c’était un monde turbulent, dangereux, un métier d’homme, des affrontements syndicaux, politiques, avec les directions de la mine. Mais ce qui m’a toujours frappé, c’est que lorsqu’un d’entre vous était en danger, toute la profession oubliait ses querelles et se rassemblait.

Vous le savez mieux que tous, la mine a tué souvent, trop ! D’ailleurs Yvan, un de tes anciens camarades me l’a répété, tu as failli y rester. Ces valeurs de solidarité et d’humanisme, la Ville s’en inspire dans sa politique, dans ses actions. Ces valeurs, notre centre de secours les a toujours mises en avant en assurant la protection des habitants de notre ville mais aussi des communes voisines.

Quand je t’ai embauché comme pompier volontaire, ça s’inscrivait dans cette continuité. Je t’ai recruté comme beaucoup de mineurs, en 1978, cette année terrible qui a vu les incendies ravager la Provence avec tes copains Daniel, José, Thierry et tous les autres... Mais tes chefs connaissent mieux que moi tes états de service, ils en parleront. Pompier volontaire de vocation, la solidarité fait aussi partie de votre culture. Le métier de mineur vous laissait de la disponibilité avec les trois huit.

C’est pourquoi, avec les permanents municipaux, vous avez assuré l’essentiel de la structure de notre centre de secours. Tu as succédé à Étienne en tant que Président de l’Amicale du centre pendant plus de dix ans, tu as été responsable du comité départemental et nous avons tous pu apprécier ta gentillesse, ton engagement, ton dévouement, ta disponibilité.

Permettez-moi de m’arrêter encore une fois sur ces valeurs qui inspirent notre ville et que tu partageais. Notre engagement solidaire, Gardanne, 21 000 habitants, plus de 2 000 bénévoles et 200 associations dont une quinzaine caritatives. Notre ville inscrit la solidarité dans toutes ses actions dont la dernière ou plutôt l’avant-dernière, est l’accueil sur notre territoire dans des conditions humaines d’une soixantaine de Roms qui erraient dans des conditions inacceptables.

Mais la dernière action de solidarité, c’est toi qui l’a accomplie, c’est ce sacrifice humain, tu as donné ta vie en ce funeste mardi ! Je n’oublierai jamais, nous n’oublierons jamais ton sacrifice. Pour que ton exemple perdure, je propose en accord avec tes copains que la caserne des pompiers porte ton nom. Merci Yvan, merci, merci, merci. Et adieu ! »

Le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a ensuite rendu hommage aux 200000 pompiers volontaires partout en France « garants de la présence, en tout lieu et en toute heure, du service public, et a témoigné, combien est grand notre respect devant tant de courage et de dévouement. En charge de la sécurité civile, je me dois d’être à vos côtés quand la douleur est là. »

Yvan Vignaroli a été décoré de la Légion d’honneur à titre posthume et élevé au grade de lieutenant. Gardanne ne l’oubliera pas.