Troisième âge

En déroulant le fil de la mémoire Energies 367 - Bruno Colombari

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Depuis un peu plus d’un an, un groupe d’habitués du foyer Nostre Oustau retrouve régulièrement l’écrivain Sylvie Durbec dans le cadre d’un atelier d’écriture initié par la Médiathèque. Un travail de mémoire qui est aussi un grand espace de convivialité.

La valise miniature est à peine plus grosse qu’une boîte d’allumettes, et pourtant elle renferme un trésor. Rosy, qui l’a fabriquée, a plié à l’intérieur une feuille manuscrite et des photos anciennes. Le texte, sous la forme d’un haïku, dit ceci :

Dans la valise noire,
J’ai conservé la vie de mes grands-parents
et celle de mes parents.
Quatre vies ne prennent pas beaucoup de place
.

« C’est très beau, c’est de la poésie pure, » constate Sylvie Durbec. Depuis septembre, cet écrivain intervient presque chaque jeudi au foyer Nostre Oustau, dans le prolongement d’un même atelier démarré entre septembre et décembre 2010 à l’initiative de la Médiathèque, dans le cadre du dispositif Ville-lecture.

« On travaille sur la mémoire, après tout, c’est au centre de tout travail d’écriture. Je leur propose des thèmes comme la maison d’enfance, les pièces, les objets, les plats... Parfois, ça part de choses toutes simples comme les odeurs familières, qui ont amené le souvenir du savon, puis du linge, puis de l’armoire... Le but, c’est que l’échange se matérialise, sous forme d’écrits et d’objets. »

Sylvie est aussi plasticienne. Et des conversations à bâtons rompus d’où jaillissent les souvenirs, sont nés petit à petit des objets supports de cette mémoire vivante, comme la valise de Rosy, mais aussi une petite armoire à linge, un savon sec, une petite layette, des textes habillés par des collages...

A l’origine de ce projet, il y a eu une première expérience menée en 2009 avec une autre intervenante, dans un atelier joliment appelé Café des souvenirs. « On ne voulait pas effrayer les retraités avec le terme atelier d’écriture,  » se souvient Agnès Couvret, de la Médiathèque. « On raconte notre vie, notre enfance, on discute, on rit beaucoup, explique Réjane. J’écris plutôt chez moi, c’est plus tranquille, je peux réfléchir. Et quand on se retrouve, on se fait la lecture, et on donne nos textes à Sylvie qui les tape à l’ordinateur. »

Chacun apporte sa façon de voir le monde, son histoire personnelle, ses compétences. Pierre-Angel, dont le garage est rempli de livres anciens, parsème ses phrases de citations (et à l’occasion de blagues). Mady parle de ses origines corses, Rolande et Réjane, aux emplois du temps de ministre, sont toujours partantes.

« A la fin de cet atelier, en janvier, un recueil de textes produits depuis plus d’un an sera mis en page et publié par la Ville. Il sera remis aux participants, mais aussi aux membres du foyer, et sera aussi disponible à la Médiathèque, » explique Agnès Couvret. « Ce qui serait intéressant, ce serait de confronter la parole des jeunes et des anciens, suggère Sylvie Durbec. Le travail d’écriture, c’est avant tout de relier, pas d’isoler. »